La Chronique Agora

Comment se porte notre Transaction de la Décennie ?

▪ Alors, comment va notre Transaction de la Décennie 2010-2020 ?

Nous n’avons pas vérifié. Mais nous pensons tenir quelque chose. Vous vous rappelez de la transaction en question ? Achetez les petites valeurs japonaises et vendez les obligations gouvernementales nippones.

Bon, d’accord… ce n’est pas si facile à faire. Ce n’est qu’une idée… un concept — censé nous faire réfléchir à la manière dont fonctionnent les choses.

Dans le cas présent, les Japonais ont la plus grande dette publique au monde — à 200% du PIB. Ils utilisent déjà quasiment 60% de leurs recettes fiscales simplement pour financer les intérêts sur la dette. Comment paient-ils les dépenses gouvernementales ? Ils empruntent plus d’argent !

Ce n’est pas une situation saine pour les détenteurs d’obligations gouvernementales japonaises (OGJ). Ils doivent s’attendre à ce qu’au cours des 10 prochaines années, le gouvernement se retrouve à court d’argent… ou bien à ce que les investisseurs n’aient plus confiance… ce qui va faire grimper les taux d’intérêt. Lorsque ce sera le cas, les prix des obligations vont probablement chuter… voire s’effondrer… et les détenteurs d’OGJ perdront pas mal de yens.

Ce système insensé de finances gouvernementales ne peut durer. La seule raison pour laquelle il est arrivé aussi loin, c’est que les épargnants japonais n’ont pas la moindre idée de ce qui se passe. Ils ont épargné. A présent, ils prennent leur retraite en nombre record. Le Japon a passé un cap démographique en 2002. A présent, sa population diminue. On trouve plus de personnes partant à la retraite qu’intégrant la main-d’oeuvre. Ces gens ne réalisent pas que le gouvernement a pris l’argent de leur retraite et l’a dépensé. Ils pensent qu’il est là, prêt à financer leurs vieux jours.

Ils doivent s’attendre à un choc. Idem pour les investisseurs, lorsqu’ils s’apercevront enfin que ces OGJ n’ont aucune valeur.

▪ Nous avons vu une estimation annonçant que d’ici la fin du mandat d’Obama, les Etats-Unis dépenseront un tiers de leurs revenus fiscaux simplement pour rembourser leur dette. Ils n’en sont pas encore au niveau du Japon ! Mais ils s’en approchent. Et une fois que les investisseurs en obligations japonaises se seront fait prendre au piège, il se peut que les prêteurs soient moins prêts à suivre les Etats-Unis.

Le ratio américain dette/PIB est à peu près identique à celui de toutes les économies matures — entre 60% et 80% du PIB ; là non plus, on n’en est pas au niveau du Japon. Aux Etats-Unis, contrairement à la France, par exemple, les gouvernements des états ont leurs propres dettes, indépendantes de celles du gouvernement national. Jusqu’où s’enfoncent les gouvernements locaux ? A la vérité, personne ne le sait. Les états américains rapportent leur passif de manière étrange, ignorant souvent les conventions comptables.

Il suffit de lire les journaux pour avoir une idée du problème. La Californie est confrontée à un déficit de 19 milliards de dollars cette année. Le système de pension public du New Jersey a un "trou" de 100 milliards de dollars. Celui de New York pourrait se monter à deux fois cette somme. L’Illinois dépense deux fois plus que ses recettes fiscales.

Quels sont les dégâts au total ? Nous avons vu plusieurs estimations. Le chiffre qui nous reste en tête — probablement parce qu’il est simple à retenir — est de 1 000 milliards de dollars. L’autre calcul qui nous reste en tête est le suivant : ajoutez les dettes locales à la dette nationale américaine, et on obtient un total aussi élevé que celui de la Grèce, à environ 130% du PIB.

Il y aussi les engagements non-provisionnés, et les dettes hors bilan. Ces estimations, elles aussi, sont incontrôlables. Selon le professeur Laurence Kotlikoff, la dette totale des Etats-Unis, au budget et hors budget, dépasse les 200 000 milliards de dollars. Un autre calcul, cité par notre ami Dylan Grice, de la Société Générale, met cette dette totale à un peu plus de 500% du PIB. Curieusement, si l’on compare les totaux de dette officielle et non-officielle des Etats-Unis à ceux d’autres économies matures, on s’aperçoit que les Etats-Unis ressemblent le plus à…

… la France !

Les deux totaux — officiels et officieux — sont environ au même niveau.

Cela nous surprend. Nous pensions que la France était en meilleur état.

Eh bien… si les deux pays sont destinés à l’asile des pauvres, nous préférerions que ce soit les Français qui cuisinent !

▪ Et qu’en est-il de l’autre côté de notre Transaction de la Décennie ? Nous nous sentons plutôt bien avec le premier côté — vendre les OGJ. Les autorités japonaises travaillent pour nous sur ce coup-là. Cela devrait rapporter.

Et les actions japonaises ? L’année dernière, l’indice des petites valeurs japonaises n’est allé nulle part. Eh bien, et alors ? Qu’y a-t-il de mal à ça ? Nulle part, c’est bien. Nulle part, c’est parfait. Au moins nous n’avons pas perdu d’argent. Et il nous reste encore neuf ans avant 2020…

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