La Chronique Agora

Comment gonfler votre portefeuille comme un ballon d’hélium ?

L’université de Berkeley et l’université Max Planck ont calculé qu’en 2013, un immense nuage d’hélium sera englouti par un gigantesque trou noir, niché au coeur de la Voie lactée. De l’hélium, me direz-vous, ce n’est pas ce qui manque. Vous avez acheté à votre petit garçon un ballon Bob l’Eponge gonflé à l’hélium pas plus tard qu’hier…

Détrompez-vous : ce que le trou noir s’apprête à faire, c’est absorber des dizaines de milliards de dollars. Car l’hélium est de plus en plus rare, et les prix du gaz sont attendus en forte hausse. Oui, nous sommes peut-être en train de rentrer dans l’ère de l’hélium cher. Car l’hélium ne sert pas seulement à gonfler les ballons. L’hélium est un produit industriel de première importance. Alors que la France veut se réindustrialiser, il serait bon que nous n’en manquions pas !

▪ L’hélium est essentiel à l’industrie
L’hélium est un sous-produit du gaz naturel. Pourtant, il présente des caractéristiques très différentes, qui en font un gaz unique. D’abord, il a une faible densité, bien plus faible que l’air. Il possède également une conductivité thermique parmi les plus hautes dans les gaz industriels. Enfin son point d’ébullition est parmi les plus faibles au monde.

Il est ainsi devenu essentiel pour faire fonctionner de nombreux appareils technologiques, comme les appareils IRM. Il est également indispensable dans le processus de fabrication d’écrans à cristaux liquides, d’éléments de téléphone portable, de disques durs… On le retrouve également dans la fabrication de produits plus sensibles, comme les semi-conducteurs et les fusées de la NASA.

▪ L’hélium est devenu une ressource stratégique
L’hélium est devenu un produit industriel dans les années 1960. Les Etats-Unis étaient alors le premier consommateur et le premier exportateur d’hélium au monde. Dans la compétition économique avec l’URSS, ce gaz industriel est rapidement devenu une ressource stratégique. L’Etat a alors créé des réserves stratégiques, avec le vote d’un Helium Act en 1960.

Washington s’est également dépêché d’abreuver le « monde libre » de ce gaz, pour éviter qu’il tombe sous la dépendance des Soviétiques. Le marché était lors extrêmement bien approvisionné, et les prix administrés.

▪ Mais Bill Clinton décide de libéraliser partiellement le marché…
Avec la chute du Mur, le marché a été libéralisé, et les réserves stratégiques vendues sur le marché. Le problème, c’est que l’Etat a commencé à vendre ses stocks mais en conservant des prix fixes. Et des prix particulièrement bas. Si bien que la faiblesse des prix a fini par peser sur les marges des producteurs, et à les dissuader d’investir.

10 ans après, la faiblesse de la production américaine commence à inquiéter. Alors que la production baisse, actuellement au niveau de la consommation, les exportations ne sont assurées qu’en puisant abondamment dans les stocks, comme le montre ce graphique :

On constate bien que les volumes consommés (ligne rouge) correspondent pratiquement au niveau des volumes produits (ligne verte). Ainsi, seuls les stocks (ligne grise) permettent encore aux Etats-Unis d’exporter (ligne orange).

Au niveau mondial, la situation n’est pas meilleure. Le Conseil de la recherche nationale (NRC), un organisme américain, estime que le monde pourrait manquer d’hélium d’ici 30 ans si aucune nouvelle capacité de production n’était mise en service. Les Etats-Unis pourraient même devenir importateurs d’ici 10 ans !

▪ … et les prix s’élèvent alors dans le ciel
Alors que l’hélium est l’élément le plus abondant de l’univers, après l’hydrogène, les craintes d’une pénurie ont commencé à gonfler les cours. Les prix ont déjà doublé en cinq ans aux Etats-Unis. D’ailleurs, cette augmentation a commencé à avoir des conséquences inattendues.

Ainsi, la hausse des cours de l’hélium pourrait à l’avenir peser sur la traditionnelle parade de Thanksgiving aux Etats-Unis. La parade est célèbre pour ses ballons géants gonflés à l’hélium. Mais depuis que les coûts de remplissage d’un ballon à l’hélium sont passés de 3 000 $ en 2005, à 12 000 $ en 2008, la taille de la parade pourrait être réduite.

Désormais, ce gonflement des coûts inquiète les secteurs industriels. Il pourrait toutefois profiter à l’avenir à d’autres producteurs d’hélium en dehors des Etats-Unis.

▪ Une aubaine pour les producteurs de gaz
La baisse de la production américaine et la hausse des cours sur le marché international pourraient rapidement profiter aux autres pays producteurs. Puisque l’hélium est un sous-produit du gaz naturel, ce sont les pays gaziers qui vont en profiter en premier lieu. La Russie et l’Algérie pourraient devenir d’importants producteurs, se substituant ainsi aux Etats-Unis pour répondre à la demande européenne.

▪ Les pays d’Asie tirent la demande
Dans les années à venir, ce sont avant tout les marchés des pays émergents qui vont tirer le marché de l’hélium. D’ailleurs, la Russie ne s’y est pas trompée. Ainsi sa première exportation d’hélium liquide, effectuée en début d’année, a été livrée à la Chine.

Comme le rappelle Vadim Oudoute, le directeur général de la société exportatrice russe Krior, « le marché de l’Asie-Pacifique est le marché le plus dynamique dans le monde. La demande en hélium y progresse plus rapidement qu’aux Etats-Unis ou en Europe. Il s’agit de 5-6% par an, voire 15-20% dans des pays tels que la Chine ».

Les sociétés énergétiques russes Gazprom et Rosneft sont à leur tour en train de développer des capacités de production en Sibérie.

Mon conseil : Pour vous éviter des sueurs froides en investissant sur le marché russe, actuellement perturbé, vous pouvez vous rapprocher des marchés européens. La France abrite plusieurs groupes impliqués dans la production d’hélium. Le premier d’entre eux est Air Liquide.

Aux Etats-Unis, Praxair est également un important raffineur de gaz, notamment d’hélium. Pour ceux qui veulent miser sur un pure player du marché, je vous recommande de garder un oeil sur Air Products and Chemicals, un producteur coté à New York.

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