Pour se rapprocher de la vérité sur le fonctionnement du système, il faut d’abord que quelques idées gagnent du terrain.
Les découvertes des sciences sociales, de la linguistique, de l’anthropologie, du marxisme, de la sociologie, etc., n’ont pas été diffusées au niveau populaire.
C’est volontaire ; ces sciences, ou quelque fois ces pseudo-sciences, ne doivent pas être accessibles aux citoyens, car elles feraient progresser sa conscience de lui-même, de son environnement, sa conscience politique, sa conscience de sa situation de dominé et d’aliéné qui passe à côté de sa vie. Le peuple doit rester dans la bouteille ; comme le poisson, il ne doit pas savoir qu’il vit dans l’eau.
L’accès aux connaissances lui ferait prendre conscience de l’ordre social dans lequel il est plongé, de ses modes de fonctionnement, de ses rouages, alors que le système a besoin que cela ne se produise surtout pas. Le citoyen doit vivre en surface. Les autres dimensions sont réservées aux élites, super-élites et aux clercs mercenaires qui ont trahi en se mettant à leur service, au lieu de se mettre au service du peuple.
Le système doit rester inintelligible ; le peuple doit rester dans la caverne.
Progrès d’idées
Il est frappant de constater que sous couvert de progrès, le peuple n’est abreuvé que d’images superficielles, trompeuses, dissociées les unes des autres, kaléidoscopiques, biaisées, courbées, vidées de sens articulées par le seul émotionnel. Les progrès de la psychologie des profondeurs, du structuralisme, ne le concernent pas, pas plus que ceux de la philosophie du doute.
Ce qui m’impressionne favorablement cependant, c’est de constater non pas le progrès de l’humanité, non ; ce qui me satisfait, c’est de constater le progrès des idées. Elles font leur chemin, malgré l’épaisseur du crâne humain qui n’en veut pas savoir grand-chose.
Ainsi, la notion d’imaginaire social, de récit, de roman comme mode de gestion des foules, devient de plus en plus abordée, exposée et clarifiée.
Dans mon pessimisme, je ne crois pas beaucoup au progrès des hommes, je ne crois pas à l’action magique de leur volonté et à leur capacité à produire, à projeter un monde meilleur ; mais je pressens que le progrès des idées en lui-même finit par avoir un effet positif ; on ne peut plus avoir les gens de la même façon après que certaines idées aient fait leur chemin.
Je soutiens depuis longtemps que tout système, pour durer, a besoin d’être caché, non su, inconscient, enfoui ; le système craint la lumière ! L’inconscient étant structuré comme un langage, la lumière de la conscience, ce sont les mots et leurs combinaisons.
Donc, a contrario, les révélations démystifient le système, ses ruses et les trucs des puissants. Mais il y a un temps pour chaque mouvement de la conscience, un temps logique qui n’a rien à voir avec celui que vous connaissez.
Mitterrand a dit une chose juste sous cet aspect : « Il faut laisser le temps au temps. »
Pour s’approcher de la vérité
Voici un extrait d’un texte de Caitlin Johnstone qui illustre en partie cela :
« Plus vous travaillez intérieurement, et plus vous prenez conscience de vos propres processus intérieurs, plus vous comprenez à quel point la conscience humaine est dominée par le récit mental.
Et plus vous comprenez à quel point la conscience humaine est dominée par le récit mental, plus vous devenez pleinement conscient du pouvoir qu’une personne pourrait acquérir sur d’autres humains en contrôlant ces récits.
Ceux qui n’ont pas fait beaucoup de travail intérieur ont tendance à supposer que tout le monde perçoit fondamentalement la réalité telle qu’elle est réellement. Ils se forment alors soit de bonnes soit de mauvaises visions du monde. Tout dépend de leur qualité en tant qu’êtres humains. ‘Bon’ étant bien sûr défini comme ‘étroitement aligné avec ma propre vision du monde’ et ‘mauvais’ étant défini comme ‘éloigné de ma propre vision du monde’.
Mais plus vous faites un travail intérieur, plus vous trouvez cette position intenable. Au bout d’un moment, vous commencez à comprendre que personne ne voit la réalité telle qu’elle est réellement, y compris vous. »
Bien entendu, je ne souscris pas à cet exposé de Caitlin Johnstone ; mais je considère que la communication pour atteindre le peuple a quelquefois besoin d’un langage approximatif, un peu faux.
Pour approcher d’une vérité, il faut quelquefois tourner autour. On peut s’en rapprocher asymptotiquement.
Il faut d’abord vaincre les résistances, et donc trouver des moyens de les pénétrer.
L’inconscient doit devenir conscient.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]