La Chronique Agora

Le coliving, solution d’avenir ou feu de paille ?

coliving

L’immobilier est dans une situation tendue – les espaces de bureaux, notamment, ont été frappés de plein fouet par la pandémie. Le coliving, en plein essor, représente-t-il une alternative pour l’investisseur immobilier ?

Que sortira-t-il de la crise actuelle pour l’immobilier ? Bien malin qui peut le dire sans risque de se tromper.

En ce début d’année 2021, l’indice des prix Meilleurs Agents-Les Echos constate le commencement de la baisse à Paris, tandis que les prix, et les transactions, progressent dans la banlieue francilienne.

Ailleurs en France, les prix continuent de monter légèrement, avec cependant des situations très contrastées selon l’impact de la pandémie. Par exemple, Toulouse est très affectée du fait de la crise du secteur aérien, comme Nice où les touristes ont disparu. A Lille et à Strasbourg, en revanche, la tension entre l’offre et la demande maintient des prix élevés.

De son côté, Standard & Poor’s estime que l’immobilier d’habitation en Europe devrait continuer sa hausse dans les années prochaines. Elle serait cependant très modérée en France (entre +1,5% et +2% par an de 2021 à 2023) au contraire d’autres pays comme l’Allemagne (entre +4,5% et +5,3%), les Pays-Bas (entre +3,4% et +5,2%), ou encore l’Irlande (entre +2,7% et +4,5%).

Alors, faudra-t-il investir à l’étranger pour tenter de gagner un peu d’argent avec l’immobilier ? C’est une solution à envisager, mais faut-il pour autant abandonner totalement la France ? N’existe-t-il pas, dans notre pays, quelques opportunités prometteuses ? Serait-ce le cas du coliving ?

Le coliving s’est développé à la faveur de la pandémie de Covid-19

Même s’ils commencent de la même façon, le coliving et le Covid n’ont, a priori, pas de point commun. Pourtant, c’est bien l’un (le Covid-19) qui a mis en lumière l’autre (le coliving).

Car le coliving est une forme de colocation améliorée qui séduit les célibataires manquant souvent d’espace et souffrant de solitude, deux « maux » que la pandémie a exacerbés. Après le premier confinement du début 2020, des acteurs du coliving ont pu voir la demande s’envoler de 30%.

Mais en quoi cette formule diffère-t-elle de la colocation classique ? Au départ, il s’agit bien de partager à plusieurs un grand appartement ou une maison dans laquelle chaque locataire dispose d’un espace privatif (chambre, voire salle de bains et kitchenette) et partage avec les autres habitants des pièces à vivre.

Ce que le coliving apporte généralement de plus, ce sont les services d’hôtellerie et de conciergerie : ménage, blanchisserie, livraisons, dépannage… toutes ces tâches qui, dans la colocation classique, doivent être réparties entre les colocataires et sont souvent sources de conflits. Dans le coliving, les abonnements (électricité, internet haut débit, télévision avec plateformes de streaming, etc.) sont également inclus.

En fait, il s’agit de reproduire au logement la formule développée pour les espaces de travail avec le coworking. D’ailleurs, les espaces de coliving les plus haut de gamme (et les plus spacieux) peuvent proposer, en plus des logements, des bureaux partagés, une salle de sport, un espace de restauration, une bibliothèque, un bar, même une salle de cinéma ou un sauna, souvent ouverts aux non-résidents.

Certains espaces de coliving sont animés par un community manager qui est chargé de proposer des activités aux colocataires : conférences, cours de cuisine, soirées cinéma, etc.

Une formule adaptée à notre époque

Si la pandémie a poussé cette colocation nouvelle génération sur le devant de la scène, celle-ci n’est pourtant pas née avec le virus. En France, elle date en effet de 2017 lorsque The Babel Community a ouvert un premier espace à Marseille.

Il faut dire que la formule est bien adaptée à notre époque. En effet, les jeunes d’aujourd’hui semblent particulièrement rétifs à toute forme d’engagement de long terme, dans la vie professionnelle comme dans la vie personnelle, et trouvent dans le coliving une flexibilité qui leur sied.

Les nouvelles formes de travail contribuent également au succès du coliving : le télétravail, bien sûr, qui a le vent en poupe, mais aussi le travail indépendant, la multiplication des contrats courts et de l’intérim (qui certes souffre en ce moment de la crise, mais qui connaissait précédemment une belle croissance).

La multiplication des solos (le nombre de célibataires a doublé en quarante ans, pas seulement du fait de l’allongement de la durée de vie, mais aussi parce que de plus en plus de jeunes ne vivent pas en couple) et la difficulté qu’ils ont à se loger à un prix raisonnable dans les grandes agglomérations font du coliving une solution.

L’économie du partage, dans laquelle l’usage et la propriété sont séparés, participe également au développement du concept. Enfin, on notera la tendance générale à construire des communautés, qui rassemblent des internautes autour d’une marque, d’un produit, d’un artiste, d’une cause, etc. Le coliving est la transposition de la communauté dans la vraie vie (in real life).

Tout est donc en place pour que les projets se multiplient dans les années qui viennent.

Des grands acteurs de l’immobilier et des spécialistes

Le concept du coliving – qui nous vient des Etats-Unis, même s’il semble né au Danemark dans les années 1960 – a d’abord été développé en France par des spécialistes. Nous avons cité plus haut The Babel Community, le précurseur dans l’Hexagone. Il a vite été rejoint par une foultitude de concurrents : La Casa, Colonies, Sharies, Koliving, The Collective, Homies, etc.

De grands groupes de la construction et de l’immobilier s’intéressent depuis peu à ce marché. C’est le cas de Vinci Immobilier (avec Bikube), de Bouygues Immobilier (avec Koumkwat) ou encore Nexity et BNP Paribas Real Estate.

D’autres pourraient bientôt regarder le coliving de près à l’instar des bailleurs sociaux (qui pourraient transformer leurs foyers de jeunes travailleurs) ou des spécialistes des résidences urbaines (ApartHotel, Residhome, Appart’City par exemple).

Station F, l’incubateur de start-ups lancé par Xavier Niel, propose aussi à ses résidents de les loger grâce à Flatmates, un ensemble de 100 appartements (et 600 chambres) à Ivry-sur-Seine. Il n’est pas exclu que des entreprises s’intéressent de plus près au concept pour pouvoir loger leurs collaborateurs quelques jours par semaine (les autres jours étant réalisés en télétravail).

Medici Living, spécialiste allemand du coliving, a émis l’idée de construire des espaces pour jeunes familles avec des services de garde d’enfants. Le concept n’a pas fini d’évoluer et d’attirer de nouveaux acteurs.

Comment investir dans le coliving ?

Alors que l’immobilier résidentiel ne rapporte plus grand-chose, et que l’immobilier tertiaire (commerces, bureaux) risque de voir sa rentabilité baisser à cause de la crise qui se profile, faut-il s’intéresser au coliving et comment ?

Il peut, en effet, être pertinent de surfer sur cette nouvelle vague, la demande étant très supérieure à l’offre (entre 10 et 35 fois selon les sources). Mais mieux vaut se faire épauler par des spécialistes que de se lancer seul.

Ainsi si vous disposez déjà d’un bien, ou si vous comptez en acquérir un pour le louer, il est possible de le transformer en coliving à condition qu’il soit suffisamment grand. Des opérateurs peuvent alors se charger de l’élaboration des plans à la mise en location, en passant par la gestion des travaux.

L’investissement rapporterait plus qu’une location classique (jusqu’à 25% et même 40% dans les zones tendues), mais il faut déduire le coût de l’opérateur et les investissements initiaux.

Le coliving est également accessible à ceux qui désirent investir des sommes plus modestes que celles que requiert l’achat d’un bien au cœur des grandes agglomérations. The Babel Community a, par exemple, lancé sa première résidence en partie grâce au crowdfunding. Dans ce cas, quelques milliers d’euros seulement sont nécessaires pour avoir sa part du gâteau.

Des fonds d’investissement permettent également de se positionner sur coliving, certains y sont même entièrement consacrés comme Audacia Elevation créé par Charles Beigbeder (avec tout de même un ticket d’entrée à 100 000 €). Des SCPI s’y intéressent également, comme Epargne Foncière de La Française.

Selon la dernière étude de Xerfi Innov sur le sujet, le nombre de lits devrait être multiplié par six d’ici 2023. Alors, êtes-vous prêt, vous aussi, pour l’aventure du coliving ?

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