▪ L’extraordinaire se banalise. Plus personne ne juge prodigieux une sixième hausse d’affilée ni une quatorzième sur une série de 16, et surtout le jour de la démission de Mario Monti. C’est d’ailleurs devenu au fil des heures un non-événement, même si Milan a dévissé jusqu’à 4% en fin de matinée.
Un algorithme a été mis en route vers midi (et 3 580 points) et le rouleau compresseur haussier n’a rencontré aucune opposition jusqu’à 17h35.
En effet, les vendeurs potentiels se couchent — comme d’habitude depuis trois semaines — dès qu’ils identifient les prémices d’une hausse robotisée. C’est ainsi qu’en dépit d’une actualité ou d’une conjoncture adverse, la volatilité continue paradoxalement de s’écraser.
Le CAC 40 a porté hier son niveau de surachat vers de nouveaux sommets annuels. Plus l’indice s’expose à un risque de correction violente, plus le risque disparaît des indicateurs censés le mesurer. Pendant ce temps, les volumes continuent de s’évaporer (1,6 milliard d’euros échangés en séance ce lundi).
▪ Autopsie d’un flash krach
La plupart des krachs ont eu comme corollaire une disparition de la liquidité. Rien que la chute de 30% des volumes en novembre justifierait que le V-Stoxx rebondisse de 20%, ne serait-ce que pour pricer le risque structurel lié à l’absence de contrepartie — au contraire, le voici au plus bas absolu.
Nous n’évoquons pas la notion de krach pour vous faire frissonner à 10 jours de la fin du monde. Nous faisons référence à un flash krach — bien concret — qui s’est produit à 9h35 très précise sur EADS ; cela a entraîné l’inscription d’un plus bas en séance sur le CAC vers 3 575 points.
Rappel des faits : EADS consolidait tout doucement (-0,5% à -0,7%) depuis l’ouverture, sans gonflement des volumes, sans pression à la baisse. Mais le titre a soudain été victime d’un plongeon de 10% en une minute, de 29,44 euros vers 26,35 euros (entre 9h34 et 9h35 précise).
Le passage sous 29 euros aurait entraîné le déclenchement d’une cascade de stops à la vente ainsi qu’un phénomène d’évaporation ultra-rapide de tous les ordres d’achat présents en carnet, sauf ceux des petits porteurs.
Cela a été un carnage pour ceux qui avaient placés des ventes de protection. Ils ont vu leurs ordres exécutés dans les pires conditions, sans la moindre contrepartie.
Cette fois-ci, pas de gros doigt (erreur de passage d’ordre) pour expliquer cet effondrement, ce qui est d’autant plus inquiétant. Il ne s’est échangé que 85 000 titres entre 9h34 et 9h35 alors qu’EADS chutait de 10,5% (à 26,35 euros).
Sachez simplement qu’il avait fallu pas moins de 23 millions de titres (soit un demi-milliard d’euros de capitaux) pour faire grimper EADS de 26,35 euros à 30 euros.
Il a suffi de moins de 100 000 titres et d’à peine 25 millions d’euros pour faire le trajet inverse !
Le titre a été suspendu durant cinq minutes avant d’effacer tout le terrain perdu à 9h40 — reprise des cotations après cinq minutes de réservation à la baisse. Puis il est revenu au contact des 29,6 euros (son zénith du 6 décembre) vers 11h45.
▪ Pour ramasser du cash, soyez (très) réactif !
Voici une nouvelle preuve éclatante de la façon dont le high frequency trading (HFT) fait disparaître la liquidité avec des carnets d’ordres totalement fictifs et une contrepartie hologramme !
Mais de quoi nous plaignons-nous ? Chacun d’entre nous peut profiter de mouvements de cours aberrants pour acheter ses titres favoris à bon compte.
Voyez, il suffisait juste de rentrer un ordre d’achat à 26,5 euros entre 9h35, 58 secondes et 7 dixièmes et 9h35, 59 secondes et 5 dixièmes. En tapant vite et avec un peu de réactivité, on ramasse tout ce qu’on veut sur ce marché !
Bon d’accord, il faut vraiment être très réactif car tout s’est joué en moins de 30 secondes. La réalité, c’est que personne — mais absolument personne — n’a eu le temps de saisir un seul ordre d’achat avant que la cotation soit suspendue (réservation à la baisse).
Mais à quelque chose, malheur est bon. Certains commentateurs étaient très satisfaits de cette petite mésaventure car les coupe-circuits ont très bien fonctionné.
Autrement dit, dormez sur vos deux oreilles, nous sommes en sécurité dans ce marché robotisé !
Bon, c’est vrai, il y a parfois des ratés. C’est le cas avec le subit effondrement de 7,5% d’Alcatel-Lucent (107 millions de titres échangés durant le fixing, soit 4,5% du capital) le 30 novembre.
Personne n’a jamais su ce qui s’était passé, aucune enquête n’a été diligentée.
Malgré un montant record portant sur plus de 7% du capital négocié ce jour-là, aucun franchissement de seuil n’a été communiqué au marché par l’AMF.
Circulez, y’a rien à voir ! Mais bon, avouez qu’il s’en passe, des choses bizarres !