La Chronique Agora

Chute accélérée

** C’est une sensation que l’on ressent à mesure que l’on vieillit. Un peu comme si vous sautiez en parachute. Pendant longtemps, on a l’impression de simplement flotter dans les airs. Et soudain, vous voyez le sol se précipiter vers vous.

* Quand on est enfant, une semaine, c’est très très long. A présent, pour nous, une semaine passe aussi rapidement qu’un bus. Nous nous tenons sur le trottoir, lisant les titres du Financial Times… et c’est passé ; nous nous en rendons à peine compte.

* L’automne est arrivé à Londres. Il fait encore doux, mais le ciel est encombré et les feuilles ont jauni. Qu’est-il arrivé au printemps et à l’été, nous demandons-nous ? Nous ne pouvons pas nous en rappeler.

* Hier soir, nous nous sommes rendu à une fête avec nos deux filles… leurs petits amis… leurs amies… des amis de la famille… et des gens qui semblaient être entrés au passage. "Aïe aïe aïe", nous sommes-nous dit… "elles grandissent si rapidement. Pendant longtemps, elles n’ont été que des enfants. Nous pensions qu’elles resteraient des enfants pour toujours. Mais à présent… les choses s’accélèrent… et tout se passe si vite".

* Nos deux filles ne sont plus des enfants — ce sont des femmes, désormais. Elles sont adultes, avec des manières d’adultes et des problèmes d’adultes. Nous avons essayé de nous souvenir d’elles lorsqu’elles avaient cinq ou six ans. Les souvenirs doivent être enfouis quelque part, mais nous n’avons pas pu les retrouver… nous n’avons pas réussi à nous rappeler ce qu’elles étaient. Nous les connaissons désormais uniquement comme elles sont.

** Qu’est-ce que cela vous apporte, cher lecteur ? Eh bien, nous nous demandons si les choses ne s’accélèrent pas aussi pour l’économie. Pendant très longtemps, tout est resté plus ou moins pareil — flottant dans les airs. Les actions grimpant doucement. Le crédit affluant comme le courant d’une rivière. Le dollar chutant lentement. Puis, alors qu’on commence à croire que ces tendances confortables sont permanentes — soudain, tout change. Toute la "flation" contenue dans le système explose… les prix grimpent en flèche… ou s’effondrent. Les marchés souffrent — comme des gens dont le parachute ne se serait pas ouvert. Ensuite, on ne peut plus se rappeler comment c’était avant… on est étourdi, d’abord… puis la réalité du sol qui se rapproche de plus en plus vite mobilise votre attention à tel point que vous ne pouvez plus penser à rien d’autre. Vous perdez toute perspective. Ce qui est devient bien plus important que ce qui était.

* Ben Bernanke a ouvert un parachute auxiliaire mardi. Cela a remonté le moral des investisseurs. Mais est-ce que cela suffira à arrêter la chute ? Est-ce que cela prolongera la période où l’on flotte dans les airs ? Nous devrons attendre pour le savoir.

* Mais il nous semble que la direction de l’économie… et des marchés… reste la même.

* "Le déclin des prix de l’immobilier pourraient créer de futures perturbations, comme la crise du crédit que nous venons de voir", a déclaré Robert Shiller, économiste de Yale, au Comité économique du Sénat américain.

* Les demandes de permis de construire ont chuté à un plus bas de 12 ans. Elles ont désormais atteint leur niveau le plus bas depuis juin 1995. Et les prix à la consommation ont en fait chuté le mois dernier — menés par le prix du carburant. Des rapports du gouvernement nous disent que le taux d’inflation a baissé, passant de 2,2% à 2,1%.

* Cette baisse de l’inflation a donné à la Fed le temps de réorganiser ses forces, passant du combat contre l’inflation au combat contre l’autre sorte de "flation".

* Alan Greenspan, dont nous connaissons tous la réputation, a déclaré au Financial Times cette semaine qu’il pensait que les prix de l’immobilier aux Etats-Unis pourraient chuter de plus de 10%. Les prix des maisons ont plus que doublé ces dix dernières années. Une correction de 10% semble être un ajustement mineur. Mais elle aurait de graves conséquences, déclare Shiller.

* Selon les prévisions du Centre américain des prêts responsables, les saisies de prêts subprime mèneront à une perte totale se montant à 164 milliards de dollars de valeur immobilière. Les institutions financières seraient confrontées à des pertes de plus de 300 milliards de dollars provenant des refinancements hypothécaires. Mais les véritables dégâts seront subis par les propriétaires ordinaires. La valeur totale de l’immobilier résidentiel, aux Etats-Unis, atteint 21 000 milliards de dollars environ. Une baisse de 15% équivaudrait à une perte de 3 000 milliards de dollars pour les ménages. Cela ferait une bonne quantité de "flation" s’évaporant du système… et un atterrissage difficile pour les millions de personnes qui flottent dans les airs depuis 20 ans.

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