Les marchés financiers demeurent indifférents à la censure du gouvernement Barnier.
Sans surprise, le gouvernement Barnier a été censuré et le Premier ministre a remis sa démission au président ce jeudi matin, à 10h.
Tous les médias vont peser le pour et le contre des scénarios du chaos qui circulaient depuis dimanche et le ralliement du RN à la motion de LFI.
Et pourtant, ce matin, en traversant la Seine au Pont de Neuilly (la ligne 1 du métro est aérienne à la sortie de La Défense), il était évident que la capitale n’était pas bordée par un fleuve de sang.
En arrivant au Châtelet/Forum des Halles, aucune invasion de grenouilles, pas de nuage de moustique ni de taons voraces, aucun orage de grêle à l’horizon… rien qu’un matin très banalement pluvieux de décembre, avec des vendeurs (pardon, on dit « conseillers ») affairés à installer les dernières décorations de Noël dans les vitrines.
Il fallait vraiment s’arrêter au kiosque pour prendre la mesure du séisme politique survenu mercredi vers 21h, avec l’annonce du vote de la censure, avec des titres évoquant un pays sans capitaine à la barre en pleine tempête, un pays « déstabilisé ». Les porte-paroles du groupe Renaissance n’ont pas de mots assez durs pour fustiger les « zextrêmes » qui enfoncent la France dans la crise par leur « irresponsabilité ».
Car ce sont évidemment les « zextrêmes » qui ont creusé notre dette de 1 000 Mds€ supplémentaires en sept ans, ont fait adopter à coup de « 49.3 » un PLF 2024 complètement irréaliste (une véritable « imposture » serait un terme plus approprié) se soldant par un « trou » de 100 Mds€ et un déficit compris entre 6,3% et 6,5%.
En ce qui concerne la poursuite d’un « cap » fixé depuis 2017 par le président, garant de la « stabilité » de nos institutions, il se solde par :
- une dissolution après 18 mois de second mandat ;
- cinq Premiers ministres (bientôt un 6e… puis un 7e ?) ;
- huit ministres de la Santé (un record absolu) ;
- six ministres de l’Education nationale (autre record absolu) ;
- six ministres de l’Agriculture (idem) ;
- quatre ministres de la Justice (dont un mis en examen) ;
- quatre ministres de l’Intérieur ;
- quatre ministres des Affaires étrangères, dont les deux derniers furent si « étrangers aux affaires » qu’ils ont contribué en 2 ou 3 voyages à faire péricliter nos relations avec les pays d’Afrique subsahariennes (six d’entre eux viennent pratiquement de couper tous leurs liens avec la France, dont le Tchad et le Sénégal il y a juste une semaine, suite à la tournée de Jean-Noël Barrot qui s’est montré si arrogant qu’il s’est fait presque « jeter » de ces deux pays).
Et n’oublions pas cet autre chef d’oeuvre : un Conseil constitutionnel largement renouvelé avec des membres incompétents dans ce domaine particulier mais d’une servilité à toute épreuve pour valider tout ce que souhaite l’Elysée, en trahissant sans vergogne l’esprit de nos lois, afin de violer nos libertés fondamentales.
Et ce, avec l’impardonnable complicité des médias grassement subventionnés avec nos impôts… Ceci explique peut-être leur cécité, leur laxisme ou leur omerta.
Pour les marchés financiers, cela faisait longtemps que la fin prématurée du gouvernement Barnier était « pricée », et cela s’est confirmé avec leur réaction – si caractéristique – lors de l’annonce du résultat du vote…
Pas de réaction !
Le CAC 40 a perdu 0,3% en transactions hors séance sur la nouvelle, il a rouvert inchangé, puis a commencé à gagner du terrain ce jeudi matin, dans le sillage du DAX40 qui battait un 33e record de l’année et du S&P 500 qui venait d’en battre un 55e la veille au soir.
Dans mes trois dernières chroniques vidéo « L’Inforruptible », je craignais d’avoir fait preuve d’un peu de légèreté en voulant me montrer trop sarcastique : « les marchés se moquent de nos turpitudes politiques comme d’une guigne », « les actionnaires se fichent que les contribuables soient ratissés, du moment que cela ne les concerne pas », « nos créanciers ont confiance, parce que la BCE qui veille sur nous, et en cas de tensions, elle pourrait accélérer sa baisse des taux ».
Pour rappel, lorsque les premières rumeurs de censure (par le RN, conjointement avec LFI) ont commencé à circuler, vers le 21 novembre, le rendement de nos OAT flirtait avec les 3,10%. Dix jours plus tard, nos OAT rapportent moins de 2,870% à nos créanciers (5 points de moins qu’à la veille du vote de la motion de censure).
Le 21 novembre dernier, le CAC 40 testait un plancher de 7 150 points ; ce 3 décembre, les 7 300 points ont été refranchis, et il s’attaque à présent aux 7 350 points.
Et ne croyez pas que notre situation économique puisse faire oublier l’incertitude politique (les deux sont liés de surcroît), car les derniers chiffres d’activité sont tout simplement calamiteux. Et ils ne concernent pas seulement l’industrie et le secteur manufacturier, ou la construction (120 000 à 150 000 emplois pourraient être perdus en 2025), mais aussi le secteur tertiaire sur lequel repose près de 75% de notre croissance.
L’indice PMI composite HCOB « PMI composite » de l’activité globale en France a plongé de 2,2 points, de 48,1 en octobre vers 45,9 en novembre. C’est la plus forte contraction de l’activité du secteur privé français depuis janvier dernier.
Les détenteurs d’actions françaises devraient en frissonner d’horreur (j’exagère à peine !), mais la dure réalité, c’est que la censure du gouvernement écarte pour quelques semaines ou quelques mois le risque de la surimposition des bénéfices des entreprises cotées ayant engrangé de gros profits en 2023.
C’est peu de dire que l’échec du gouvernement Barnier est un mal (à moyen terme, c’est évident) pour un bien à court terme (préservation des bénéfices en l’état pour encore un ou deux trimestres), et un non-événement boursier de magnitude 12 sur une échelle de 10.
Les investisseurs, dont BlackRock qui conseille Emmanuel Macron, savent depuis longtemps que peu importe le nom de l’hôte de Matignon, de Bercy, du Quai d’Orsay, etc., c’est le patron de l’Elysée qui décide… ou plutôt qui applique la feuille de route de Bruxelles.
En ce qui concerne les marchés, la seule boussole reste Wall Street, et les principaux acteurs demeurent la Fed… et BlackRock.