A Jackson Hole, l’une des principales représentantes du FMI a soutenu l’avis inverse de Powell, qui fait reposer l’inflation sur la demande et veut donc agir pour la faire chuter.
La communauté spéculative a mal pris le discours de Powell de vendredi dernier.
Le S&P 500 et le Nasdaq ont chuté respectivement de 2,5% et 3%, dans la foulée.
Ils n’ont retenu qu’une chose : pas de pivot de la Fed.
Powell a affirmé que « la première leçon est que les banques centrales peuvent et doivent assumer la responsabilité de fournir une inflation faible et stable ».
Powell a compris :
« Une longue période de politique monétaire très restrictive a finalement été nécessaire pour endiguer la forte inflation et lancer le processus de réduction de l’inflation aux niveaux bas et stables qui étaient la norme jusqu’au printemps de l’année dernière. Notre objectif est d’agir avec détermination maintenant. »
Il va prendre ses responsabilités, mais la question immédiatement se pose : est-ce que les banques centrales peuvent assurer le retour à une faible inflation avec leurs outils monétaires, avec des taux d’intérêt plus élevés et des retraits de liquidités dans le cadre de ce que l’on appelle le resserrement quantitatif (QT) ?
Résultats non garantis
Depuis 2008-2009, les banques centrales ont tenté sans succès de faire monter l’inflation à leurs taux cibles de 2 % en maintenant les taux d’intérêt à zéro et en achetant des titres à long terme. Rien n’a fonctionné. L’inflation est restée inférieure à l’objectif, tout comme la croissance économique.
Tout ce que cela a apporté, c’est une énorme bulle boursière et immobilière. Maintenant que l’on fait l’inverse, rien ne garantit que l’on aura le résultat désiré : la nouvelle politique monétaire peut très bien produire un krach boursier et immobilier, et une récession, mais sans baisse de l’inflation.
A Jackson Hole, tout le monde ne partageait pas l’analyse de Powell, qui fait reposer l’inflation sur la demande et veut la faire chuter en agissant à ce niveau. Powell veut créer une détente de l’activité, du chômage, augmenter les capacités inutilisées afin de casser la tendance haussière des prix.
Divers économistes pensent que c’est ou faux ou insuffisant. Gita Gopinath, l’ancienne économiste en chef du FMI explique : « Les modèles existants ne peuvent pas expliquer la poussée de l’inflation. » La courbe de Philips, qui prétend montrer que les marchés du travail tendus et la hausse des salaires provoquent l’inflation, ne correspond pas aux faits, car les économies ont connu une hausse de l’inflation sans que les salaires ne la provoquent.
Gopinath a fait valoir que les taux d’inflation élevés actuels étaient dus à la relance budgétaire mondiale inadaptée décidée par les gouvernements pendant la crise du Covid ; ils ont injecté trop d’argent entre les mains des ménages alors que nous assistions « parallèlement à une contraction de la production potentielle et de l’emploi ».
En clair, la production n’a pas pu répondre à la demande. Il y a eu excédent de la demande sur l’offre disponible et hausse de l’inflation. Si les banques centrales choisissent de resserrer leur politique monétaire, elles feront certes baisser la demande, l’investissement et la consommation, mais elles ne feront rien pour améliorer l’offre disponible. L’offre dépend de l’investissement productif et du taux de profitabilité.
La spirale inflationniste actuelle est principalement due aux restrictions de l’offre, en particulier dans les domaines de l’énergie, de l’alimentation et d’autres matières premières, ainsi qu’aux blocages de la chaîne d’approvisionnement mondiale pour de nombreux composants et produits nécessaires pour répondre à la demande. Elle est due également à des rattrapages de profitabilité à la faveur d’un retour de certains secteurs à la capacité de fixer leurs prix.
Je ne vois pas en quoi la hausse des taux d’intérêt, la hausse du coût du capital et le ralentissement de la croissance qui vont découler de la chute boursière vont améliorer les investissements productifs.
Le nouveau réglage de la Fed est une fois de plus une optimisation de court terme ; il néglige/sacrifie la préparation du long terme… c’est vrai, à cette échéance, nous serons tous morts !
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]