La Chronique Agora

Comment et pourquoi les Chinois s’approprient-ils le Bitcoin

bitcoin - monnaie libre

Le bitcoin est une monnaie électronique dénuée de valeur intrinsèque mais qui mérite tout votre intérêt. C’est en effet une monnaie qui évolue sans aucune contrainte étatique et qui peut passer les frontières aussi facilement qu’un électron file dans un fil de cuivre ou photon dans une fibre optique. On peut tirer des enseignements de son comportement.

Samedi 5 novembre, c’est désormais plus de 630 euros qu’il faut débourser en moyenne pour se procurer une unité de la devise numérique, et le plus haut de la dernière bulle a quasiment été rejoint avec un pic en séance à 1 000 euros les 3 et 4 novembre.

Après une année 2014 déprimante et un premier semestre 2015 poussif, le bitcoin nous a gratifié de trois mouvements de grande ampleur depuis le mois d’août 2015. A chaque fois, les commentateurs évoquent des pistes variées pour expliquer le phénomène. Le cours du bitcoin semble pourtant être mu par un facteur principal, les autres étant très secondaires.

Les deux précédents accès de fièvres du bitcoin

En novembre 2015, dans le cadre d’une quatrième bulle, »l’étincelle chinoise » avait propulsé la crypto-monnaie de 380 euros à 700 euros en séance sur la plateforme bitcoin.de, avant de retomber progressivement pour se stabiliser aux alentours des 400 euros.

Une cinquième bulle a pris forme entre début mai et la mi-juillet 2016. Stabilisé aux environs des 400 euros (plus bas à 362 euros atteint le 2 mai), le cours s’est emballé du 27 au 30 mai, puis à nouveau du 12 au 20 juin, avec un plus haut aux alentours de 1 100 euros en séance. Le bitcoin est ensuite resté calme, fluctuant entre 500 et 550 euros jusqu’à la mi-septembre.

Trois explications ont été avancées pour expliquer ce mouvement haussier.

La chute du cours de l’ether (ETH), une monnaie virtuelle concurrente du bitcoin dont le premier bloc a été créé le 30 juillet 2015, soit cinq ans et demi après le bloc genesis de bitcoin. Hypothèse assez peu convaincante puisque les deux crypto-monnaies ont évolué sans véritable corrélation sur cette période.

D’autres commentateurs expliquaient cette hausse par l’imminence de la division par deux de la prime de minage (halving) intervenue le 10 juillet, changement technique qui se produit tous les 210 000 blocs de transactions. La production de bitcoins générée en 10 minutes (environ) est passée de 50 unités pendant les quatre premières années, à 25 en 2012, pour se monter à 12,5 à compter de l’été 2016.Or, la création de nouveaux bitcoins étant définie algorithmiquement et connue à l’avance, cette information était déjà intégrée dans le cours et le BTC n’a pas subi de soubresaut particulier lors du halving day. Pas de raison qu’il en aille différemment lors du prochain halving prévu pour 2021.

Le véritable catalyseur est l’évolution du yuan

Le véritable catalyseur a en réalité à nouveau été la dévaluation du yuan chinois par rapport au dollar, phénomène qui se poursuit depuis début 2014 et qui incite les épargnants chinois à se protéger de la perte de la valeur de la devise nationale en achetant des bitcoins, moyen le plus efficace pour contourner le contrôle des capitaux.
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Dans le détail, le cours du bitcoin a poursuivi sa stabilisation jusqu’au 22 septembre avec un plus bas en clôture à 536 euros, pour ensuite « doucement » remonter (les échelles de temps sont très relatives en matière de bitcoin !) jusqu’à la mi-octobre. Puis la hausse a accéléré, comme en témoignent les grosses bougies vertes du graphique ci-dessous (la longueur des mèches des bougies traduisent le niveau de volatilité en séance), avant la correction débutée sévèrement le 3 novembre (ouverture à 664 euros et fermeture à 624, soit une baisse de 6%).


Cliquez sur le graphique pour l’agrandir

Et la bulle actuelle ?

Là encore, on pourrait égrener tout un tas de raisons susceptibles de faire monter le cours : taux négatifs, baisse du cours de l’etherum depuis le 20 septembre (théorie des vases communicants), hausse de l’utilisation du bitcoin en Inde pour les transferts internationaux, sortie de la version 0.13.1 du porte-monnaie électronique Bitcoin Core (qui présente plusieurs avancées techniques), ou encore hausse de la volatilité sur les marchés financiers, notamment sur le S&P 500 avec un VIX qui a explosé fin octobre pour aujourd’hui dépasser les 22 points :


Source : CBOE

Depuis septembre, la tendance générale du VIX présente effectivement des traits communs à celle du bitcoin mais sur le long terme, la comparaison ne tient pas.

99% des transactions en yuan

En réalité, il n’est pas besoin d’épiloguer, tant un facteur écrase les autres de tout son poids. La comparaison entre les deux graphiques ci-dessous en atteste de manière éclatante :


Source : bitcoin.de

Le 15 juin 2016, alors qu’une cinquième bulle se formait sur le bitcoin, 84% des volumes de transaction était encore réalisés en yuans et 13% en dollars. 3% des transactions avaient toujours lieu en euros ou en yens.

Un peu moins de quatre mois plus tard, 99% des transactions ont désormais lieu dans la devise chinoise.

Pas étonnant, vu la perte de valeur que le yuan subit quasiment sans discontinuité vis-à-vis du dollar depuis 2014.

En zoomant sur ce graphique, on constate que le début de la formation de la cinquième bulle du BTC correspond à un point bas du dollar vis-à-vis du yuan à la toute fin avril 2016. De la même façon, le mouvement haussier entamé par le bitcoin fin septembre 2016 correspond à la reprise de la dégradation de la devise chinoise en dollars. L’inversion de ce mouvement fin octobre se répercute sur le cours du bitcoin.


Source : Bloomberg.com

S’il y a bien une corrélation entre l’évolution du yuan et celle du bitcoin sur les périodes considérées, le timing n’est pas parfait.

L’évolution du yuan n’est donc pas le seul facteur déterminant du cours du bitcoin.

Dans un billet publié le 26 octobre, Zero Hedge voit plutôt dans la récente hausse de la devise numérique la conséquence des mesures répressives prises par le gouvernement chinois vis-à-vis des produits de gestion de fortune. La Banque populaire de Chine a en effet annoncé tester une surveillance plus accrue de certains véhicules financiers dans le cadre de sa politique macro-prudentielle. Cinq jours plus tard, le même site détaillait de nouvelles mesures visant à resserrer le contrôle des capitaux à destination de Hong Kong, mises en place cette fois par China UnionPay, un organisme regroupant 175 banques et institutions financières chinoises.

En somme, les mouvements du bitcoin semblent en grande partie s’expliquer par les mouvements du yuan vis-à-vis du dollar ainsi que par les resserrements successifs en matière de contrôle des capitaux en Chine.

Depuis 2014, les mêmes causes produisent donc les mêmes effets, avec une force certes de plus en plus grande, mais pas encore au sommet de son potentiel. Zerohedge écrivait ainsi le 2 novembre 2015 :

« Si quelques centaines de millions de Chinois décident en même temps que le moment est venu de recourir au bitcoin pour contourner le contrôle des capitaux, et décident d’investir une minuscule fraction de leurs 22 000 milliards de dépôts dans le bitcoin (dont la capitalisation mondiale était dernièrement un peu au-dessus de trois milliards), alors installez-vous confortablement et observez le retour de la bulle du bitcoin, une bulle qui pourrait faire ressembler les plus hauts historiques à un point bas ».

En 2016, les Chinois ont plus de 30 000 milliards de dollars de dépôts et la capitalisation du bitcoin ne se monte qu’à 11 milliards.

A 630 euros le bitcoin, stop ou encore ?

En novembre 2013 j’écrivais :

« Pour ceux qui aiment la volatilité, le bitcoin offre un terrain de jeu comparable à celui des indices actions occidentaux depuis 1995, mais en version condensée : deux bulles magistrales – et peut-être une troisième en formation – en seulement trois ans, soit presque une bulle par an en moyenne ».

Nous en sommes désormais à notre 6ème bulle en six ans.

Quels constats peut-on dresser ?

Il ne semble pas y avoir de régularité au niveau des intervalles qui séparent chacune des bulles.

Ces bulles, sont de moins en moins exubérantes.Le temps où l’on pouvait se coucher membre de la « classe moyenne » et se réveiller multimillionnaire pourrait donc bien être révolu.

Enfin, si le plus haut de décembre 2013 n’a pas encore été dépassé, le bitcoin dessine toujours une tendance de long terme haussière.

Le bitcoin est-il un simple instrument d’échange ou bien doit-il être envisagé comme une technologie permettant de stocker de la valeur ? Si les gouvernements laissaient les gens échanger librement et ne voulaient pas contrôler le cours de la monnaie, le bitcoin existerait-il ?

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