La Chronique Agora

Chine : la bulle de l'immobilier n'est pas synonyme de crise économique

▪ Votre chroniqueur se promène en Chine en ce moment (je suis techniquement sans domicile fixe depuis quelque temps, une situation à laquelle je ne suis pas pressé de remédier.)

Je suis allé à Pékin en compagnie de Bill, Addison et Chris Mayer il y a quelques mois, nous souhaitions nous faire une idée de ce pays. Au cours de cette visite, nous avons rencontré des professeurs d’économie, des éditeurs financiers, des gestionnaires de fonds professionnels et des industriels de toute la capitale.

L’économie chinoise était, nous pouvons le dire, dans une bulle. Les prix de l’immobilier, par exemple, augmentaient à un rythme soutenu, ce qui a poussé de nombreux économistes de renom à déclarer le secteur immobilier résidentiel comme étant la mère de toutes les bulles. Jim Chanos est même allé jusqu’à comparer ça à "Dubaï… en mille fois plus grand", ajoutant ensuite que l’économie de l’empire du Milieu s’était complètement emballée et qu’elle était sur "la route vers l’enfer".

"Le marché de l’immobilier résidentiel, comme le consensus général s’accorde à le dire, est particulièrement inquiétant", avons-nous dit à l’époque, depuis Pékin. "Les chiffres ont un peu baissé le mois dernier, mais certains ont déclaré que c’était seulement parce que le gouvernement a demandé à ce que certaines propriétés de grande valeur soient retirées du marché".

Les planificateurs de Pékin se sont déjà mis au travail pour tenter d’enlever un peu de toute cette pression exercée sur le secteur de l’immobilier en freinant les prêts, en demandant à ce que des réserves supplémentaires soient conservées dans les coffres des banques, et en réduisant les prêts hypothécaires pour les secondes ou troisièmes résidences. Malgré leurs efforts, l’économie chinoise est parvenue à un taux de croissance annuel incroyable de 11,9% au premier trimestre, son plus gros taux d’expansion depuis 2007. Et, bien que la valeur totale des ventes immobilières ait chuté de 25% en mai par rapport au mois précédent, les prix continuent à grimper, quoiqu’à un taux assez bas (c’est passé de 12,8% en avril à 12,4% en mai).

Pour un nombre grandissant de ces fameux travailleurs migrants, les prix de l’immobilier dans de grandes villes comme Pékin et Shanghai sont beaucoup trop élevés. Une correction va certainement se produire… et elle sera peut-être violente. En début de semaine dernière, Ken Rogoff, professeur à Harvard, a rejoint la bande de la "bulle" lorsqu’il a déclaré à Bloomberg News que nous avions déjà "commencé à voir une chute dans l’immobilier et qu’elle allait atteindre le système bancaire".

▪ Tout ça n’épargne pas les investisseurs, évidemment. L’indice repère du pays, le Shanghai Composite, a chuté de plus de 6% il y a deux semaines. C’était déjà l’indice le plus mal placé en Asie cette année, et la mauvaise performance de la semaine dernière le rabaisse encore de 26%, il est ainsi entré dans le territoire "officiel" du marché baissier.

Ceci dit, les bulles et les corrections ne ressemblent pas aux krachs irréversibles et aux morts économiques multi-générationnelles telles que celles qui se déroulent en ce moment dans les puissances occidentales mondiales moribondes et vieillissantes. Ceux qui ont pour habitude de se mêler de tout ne changeront pas, qu’ils soient Américains, Européens, Chinois ou autre. Refaire les mêmes erreurs encore et encore est dans leurs gènes. Et ce n’est qu’une petite partie de ce qui ne les différencie pas des singes.

Mais les marchés émergents du monde n’ont que très peu d’ingrédients clés que les économies développées ne possèdent pas. Leur principal avantage, c’est que les chiffres qu’on peut lire sur leurs bilans sont écrits en noir, pas en rouge. La plupart ont d’énormes excédents commerciaux, tandis que l’Occident s’enfonce de plus en plus profondément dans la dette à chaque nouveau programme d’aide inventé et chaque dollar emprunté ou imprimé pour les financer. En ce moment, la Chine détient la plus grosse quantité de réserves étrangères, avec 2,45 milliers de milliards de dollars. Tandis qu’une grande partie – près de 900 milliards de dollars – est détenue en dollars US dont la valeur est atrophiée, les Chinois ne perdent pas de temps et transforment leurs surplus en actifs concrets.

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