La Chronique Agora

La Chine s’inquiète pour sa croissance

banques centrales

▪ Les adeptes du high frequency trading ne sont pas encore partis en vacances… Et ils n’ont pas patienté pour rien durant deux mornes séances : il y avait bel et bien du pigeon à plumer.

Les marchés donnaient l’impression d’être un peu à bout de souffle mardi soir, de s’avancer imprudemment en zone de surachat (Wall Street engrange +155% depuis son plancher de mars 2009, sa plus spectaculaire performance depuis 70 ans). Quelques opérateurs se sont donc peut-être laissés tenter par l’ouverture de positions à découvert.

Cela ne pouvait pas rater : la première occasion de tirer les cours hors de proportion (les indices européens affichaient en effet +10% depuis le 25 juin dernier) a immédiatement été exploitée.

Nous avons assisté à Paris à une clôture en hausse parfaitement orchestrée : +1% à 3 962,75 points. Le CAC 40 engrange ainsi 6% depuis le 1er juillet : c’est tout simplement sa meilleure performance mensuelle depuis… octobre 2011 !

Emporté par un véritable vent d’euphorie, à l’heure la plus creuse de la séance (entre midi et 13h30), le CAC 40 a même inscrit un zénith à 3 975 avant de reculer ensuite jusque sur 3 944 points vers 16h30.

Ce pullback nous offrait une seconde illustration du principe du contrepied permanent. Les futures des principaux indices américains affichaient vers 13h15 des gains de 0,5%. Cela préfigurait l’inscription d’une cascade de nouveaux records absolus à la réouverture de New York.

▪ Wall Street déjoue les pronostics
Une majorité d’opérateurs ayant retourné leur veste hier matin pour passer acheteurs à la mi-journée ont alors vu Wall Street déjouer tous leurs pronostics haussiers. Les marchés américains se sont affichés assez nettement dans le rouge après une heure de cotation, puis de façon encore plus tranchée à la mi-séance.

Si le S&P 500 s’était envolé comme prévu au-delà des 1 700 et le Dow Jones au-dessus des 15 600 points dès 15h30, les commentateurs auraient mentionné en choeur l’impact du bon indice « flash PMI » manufacturier américain. Il surpassait les anticipations à 53,2 contre 51,9 en juin — tout comme le rebond des ventes de logements neufs à 497 000 en rythme annuel.

Cela n’a pas empêché les indices boursiers européens de terminer la journée dans l’allégresse avec une progression moyenne de +1,1%… quand les indices américains affichaient simultanément -0,2%.

Ne cherchez pas la moindre cohérence micro- ou macro-économique. La seule logique qui a prévalu, c’était combien il y avait de pigeons à plumer en tirant l’Euro-Stoxx 50 vers 2 750 et combien on pourrait « en déchirer » en orchestrant une consolidation de Wall Street sous ses planchers de la veille.

Ce n’est pas très difficile à comprendre et cela marche presque à tous les coups.

La hausse des actions en Europe illustre certainement le principe de la « Grande rotation » : plus les taux se tendent, plus les actions grimpent, c’est enfantin.

Les indices boursiers bénéficient tout simplement d’un arbitrage au détriment des marchés obligataires.

Les Bunds allemands (-5%) ont notamment replongé vers leurs planchers du mois de juillet. Ils affichaient un rendement de 1,635%, soit +10 points de base en quelques minutes, l’OAT 2023 se dégradant de 2,20% vers 2,26%.

▪ Série de PMI
Les marchés obligataires ont réagi aux « bons » PMI manufacturiers publiés en France et Allemagne hier matin. Tellement bons d’ailleurs que personne n’a rien vu venir… et que le redressement de l’activité industrielle en France et en Allemagne a échappé à la plupart des observateurs.

Idem pour l’accélération dans le secteur des services, qui survient sans le moindre frémissement du marché du travail (nouveau recul de l’intérim en France, nouvelle hausse du chômage en juin).

Bien sûr, les commentateurs jugent que le rebond des indices PMI européens au mois de juillet constitue un nouvelle « très positive ». Il serait intéressant qu’ils mettent de côté leur ravissement pour nous expliquer comment une telle embellie a pu se dessiner à leur insu.

En France, par exemple, le PMI « flash » manufacturier s’est repris, passant de 48,4 à 49,8 en juillet. Celui des services remonte de 47,5 à 48,3 ; le PMI global, qui affiche 48,8, se rapproche du seuil d’expansion de 50, préfigurant une reprise de la croissance en seconde partie d’année.

En Allemagne, à 50,3, le PMI manufacturier déborde le seuil technique des 50 pour la première fois depuis février. Quant à l’indice composite global qui intègre aussi les services, il s’envole vers 52,8, déjouant les pronostics les plus optimistes.

Là encore, il serait intéressant de connaître le détail des calculs de Markit pour élaborer ses PMI… et de s’assurer qu’aucun changement de méthodologie n’est survenu dans l’intervalle.

L’indice PMI compilé par HSBC auprès des directeurs d’achats chinois est en revanche ressorti en baisse à 47,7 pour le mois de juillet, contre 48,2 le mois précédent. Il touche ainsi un nouveau plus bas de 11 mois.

▪ La Chine agira
Le premier Ministre Li Keqiang avertit que « le plus bas niveau de croissance tolérable est de 7% (il a constamment été supérieur à ce niveau depuis 1990) et que le gouvernement ne permettra pas au PIB de descendre en dessous de cette limite ».

Une croissance stabilisée autour de 7,5% permettrait de stabiliser le chômage — assez facilement car la population vieillit et les nouveaux entrants seront moins nombreux au fil des années. Elle permettrait aussi de doubler la taille du PIB entre 2010 et 2020 : dans ce cas, les matières n’auraient pas fini de flamber.

Mais tout ceci n’est que vaines supputations et simagrées politiques à usage interne. Tout le monde sait bien qu’avec la contraction de la demande occidentale depuis fin 2008, la croissance chinoise est depuis longtemps redevenue inférieure à 7%… et probablement même à 5%.

Dans ces conditions, ce n’est pas le chômage chinois qui est devient intenable… mais bien la masse des créances douteuses (spéculation immobilière, surinvestissement, shadow banking), accumulées depuis 2007. C’est le « copier/coller » du syndrome japonais des années 1990, mais à l’échelle d’un pays sept fois plus peuplé que l’Empire du Soleil Levant à l’époque.

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