La Chronique Agora

La Chine, un géant impuissant

Malgré une influence toujours grandissante aux yeux du monde, il semblerait que la Chine ne soit pas tout à fait ce qu’elle laisse paraître…

Les mythes ont la vie dure. Parmi eux, on trouve le grand mythe selon lequel la Chine est prête à conquérir le monde. Aujourd’hui, je vais démystifier ce mythe.

Personne ne conteste l’importance de la Chine dans l’économie mondiale : elle a la deuxième plus grosse économie du monde derrière les Etats-Unis et compte pour 17% du PIB mondial (ou un pourcentage encore plus élevé, si l’on utilise une autre méthode appelée parité de pouvoir d’achat).

Elle compte la deuxième population la plus importante avec 1,41 milliard de personnes, juste derrière l’Inde. Elle possède la troisième plus grande masse continentale au monde, derrière la Russie et le Canada. La Chine possède également le troisième arsenal nucléaire au monde, après la Russie et les Etats-Unis.

La taille peut pourtant être trompeuse…

La plupart des observateurs traduisent l’importance de l’économie chinoise en un statut de superpuissance mondiale qui dépassera bientôt les Etats-Unis en termes de puissance économique et militaire.

Cette extrapolation est une chimère. En réalité, l’économie de la Chine est fragile et s’affaiblit un peu plus chaque jour.

La Chine pourrait très bientôt se retrouver dans un tourment économique, incluant une crise de l’épargne, une crise de la monnaie et une récession économique, survenant simultanément.

Voici un examen approfondi des faiblesses inhérentes à la Chine. Malheureusement pour les investisseurs américains, les problèmes de la Chine menacent aussi d’entraîner l’économie mondiale dans leur chute.

Le mythe de la Chine

Les problèmes économiques de la Chine sont sur deux niveaux : le niveau macro à long terme et le niveau technique à court terme. Considérons les choses dans l’ordre…

A long terme, la Chine est confrontée à trois obstacles matériels, à savoir le piège du revenu moyen, le déclin démographique et le gaspillage des investissements.

Le piège du revenu moyen affecte les économies en développement qui ont atteint le niveau de revenus moyens d’environ 10 000 $ par habitant et par an. Passer à des revenus faibles (environ 5 000 $ par habitant et par personne) est simple.

Les pays déplacent leurs populations des zones rurales vers les zones urbaines, construisent des logements et des infrastructures adaptés, attirent les investissements étrangers directs grâce à une main-d’oeuvre bon marché et à des coûts d’exploitation peu élevés, s’engagent dans une fabrication de type assemblage et dégagent d’importants excédents commerciaux en exportant les produits manufacturés.

Le plus difficile est de passer de revenus moyens à des revenus élevés (environ 20 000 $ par habitant et par an). Pour cela, la fabrication à faible valeur ajoutée ne suffit pas. Il est nécessaire de passer à une fabrication de haute technologie et à forte valeur ajoutée, qui nécessite des travaux de recherche et de développement originaux et l’accès à des outils de haute technologie, tels que les équipements de fabrication de semi-conducteurs.

La Chine a acquis certains de ces outils grâce au vol de la propriété intellectuelle, mais elle n’en détient pas suffisamment. La Chine fait aussi face à une compétition féroce de la part des industriels engagés dans la haute technologie incluant Taïwan, la Corée du Sud, Singapour et le Japon.

Seuls quelques pays ont réussi à passer de revenus moyens à des revenus élevés, notamment ceux que nous venons de mentionner. Plein d’autres – dont la Turquie, la Malaisie, l’Indonésie, l’Inde et l’Afrique du Sud – sont coincés dans le piège des revenus moyens, tout comme la Chine.

Les perspectives de voir la Chine sortir de la catégorie des pays à revenus moyens sont minces, d’autant plus que les investissements directs étrangers se déplacent vers l’Inde et le Viêt Nam, au détriment de la Chine. Ce problème suffit à lui seul à freiner la croissance chinoise.

Le désastre démographique chinois

La Chine est également confrontée à ce qu’on appellera le plus grand désastre démographique depuis la Peste Noire au XIVe siècle.

C’est le résultat de la politique de l’enfant unique de la Chine entre 1980 et 2015 combiné aux infanticide de masse chez les fillettes. Le challenge démographique est accentué par une meilleure éducation et des opportunités de carrière pour les femmes, ce qui impacte la formation familiale et constitue un tournant historique dans le rôle de la famille.

La population de la Chine risque de passer de 1,41 milliard à 750 millions dans les 50 prochaines années, ce qui représente une baisse d’environ 650 millions de personnes.

Si l’on considère que l’une des définitions du PIB est la population en âge de travailler x la productivité, il est logique que le PIB de la Chine connaisse un déclin spectaculaire jusqu’à la fin de ce siècle. (Remarque : le PIB total diminuera, mais le PIB par habitant pourra être maintenu en raison de la diminution de la population elle-même.)

Enfin, la Chine a gaspillé une grande partie de la richesse gagnée au cours des 30 dernières années dans des infrastructures inutiles. Une économie mature consacre environ 25% de son PIB à de nouveaux investissements (usines, équipements, logements, transports, etc.) et environ 65% à la consommation (les 10% restants sont répartis entre les excédents ou déficits commerciaux et les dépenses publiques).

En Chine, cette répartition est inversée. Environ 45% du PIB est consacré aux investissements et seulement 25% à la consommation.

Ce montant d’investissements peut mener à de gros gains en productivité dans le futur s’ils sont dépensés intelligemment pour des infrastructures essentielles, des transports, des usines high-tech et des équipements de R&D.

Mais la Chine a perdu son argent avec des « villes fantômes » (énormes infrastructures sans résidents, ni entreprises) et des éléphants blancs extravagants comme à la gare de Nanjing Sud, qui a des murs en marbre, 128 escaliers roulants et pourtant très peu de passagers.

De tels projets créent de l’emploi à court terme et de la demande en cuivre, en verre, en acier ou en aluminium. Mais lorsque le projet arrive à terme, les emplois disparaissent (à moins d’être redirigés vers un autre projet inutile) et l’infrastructure, pas productive, se retrouve avec des coûts de maintenance élevés.

Si le PIB chinois était ajusté pour tenir compte des pertes dues au gaspillage des investissements, conformément aux principes comptables généralement acceptés, les chiffres de croissance annoncés pour les 30 dernières années auraient été réduits de 20% ou plus. Ces pertes sont réelles, que les chiffres soient ajustés ou non.

La Chine dans une impasse

Selon les trois facteurs (le piège du revenu moyen, le déclin démographique et le gaspillage des investissements), le soi-disant miracle chinois s’est transformé en cul-de-sac.

La panne du moteur de croissance de la Chine n’est pas uniquement due à ces facteurs à long terme. Parmi les obstacles à court terme à la croissance figurent un ratio dette/PIB excessif, un tarissement des investissements directs étrangers, une pénurie de dollars et une baisse rapide de la monnaie.

Carmen Reinhart et Ken Rogoff, économistes à Harvard, ont démontré que des ratios dette/PIB supérieurs à 90% réduisent le multiplicateur keynésien des dépenses publiques supplémentaires financées par la dette à moins de 1,0.

Cela signifie que, pour les économies dans cette situation, si elles empruntent un dollar et dépensent un dollar, elles reçoivent moins d’un dollar de PIB supplémentaire. Bien entendu, ce processus augmente encore le ratio (puisque le dénominateur du PIB croît plus lentement que le numérateur de la dette), ce qui ralentit encore la croissance.

En clair, on ne peut pas sortir d’une crise de la dette par l’emprunt.

La Chine a l’un des ratios dette/PIB les plus élevés au monde, dépassant largement les 300%. (Une grande partie de cette dette est enfouie au niveau provincial ou dans des banques contrôlées par l’Etat, plutôt que dans des obligations souveraines, mais la dynamique dette/croissance est la même.)

Ce surendettement retardera la croissance chinoise indépendamment des autres facteurs mentionnés dans cet article.

A cause des guerres commerciales, des guerres de tarifs et de la détérioration des relations entre la Chine et les Etats-Unis, les investissements directs étrangers sont déviés de Chine en faveur de d’autres centres à forte croissance, comme l’Inde. La main-d’oeuvre suffisante (mais en déclin) de la Chine ne peut être productive sans investissements directs étrangers pour financer des installations de production de pointe et de nouvelles technologies.

La Chine est condamnée à stagner sur le modèle de l’ancienne URSS sans un apport continu de nouveaux capitaux et de nouvelles technologies.

Les excédents commerciaux de la Chine, libellés en dollars, ne peuvent combler le fossé, car ces réserves sont nécessaires pour assurer le service de la dette libellée en dollars des entreprises d’Etat chinoises et pour soutenir les bilans des banques chinoises.

C’est la véritable raison pour laquelle les avoirs chinois en titres du Trésor américain diminuent. Ce n’est pas parce que la Chine « se débarrasse » des bons du Trésor, mais plutôt parce que la Chine doit vendre ces titres pour obtenir des dollars afin de soutenir ses dettes et de faire face à une pénurie mondiale de dollars.

Retirez-vous des actions chinoises

Toutes ces tendances négatives se traduisent par une baisse rapide du taux de change USD/CNY. Après avoir atteint un pic intermédiaire de 7,10 pour 1 $ le 31 janvier 2024, le yuan chinois a franchi l’objectif de 7,25 fixé par la banque centrale à la mi-juin et se négocie actuellement à 7,27. Le CNY poursuivra son déclin, atteignant peut-être 7,30 pour 1 $ dans les semaines à venir.

L’effondrement de la monnaie n’est pas aussi avantageux pour les exportations que beaucoup l’imaginent, car la valeur ajoutée des exportations de la Chine n’est que d’environ 5%. Elle doit importer du Japon, de la Corée du Sud, de l’Allemagne et de Taïwan la plupart des matières premières qu’elle utilise pour fabriquer ses produits d’exportation.

Une monnaie en déclin augmente le coût de ces importations et réduit la compétitivité de la Chine. Elle rend également les investissements directs étrangers moins attrayants et nuit aux efforts de la Chine pour passer à une économie de consommation en provoquant une inflation sur les biens importés.

La situation serait grave si la Chine ralentissait rapidement et si les problèmes se limitaient à la Chine. Ce n’est pas le cas. Le ralentissement de la croissance en Chine nuit aux banques japonaises, qui sont fortement investies dans ce pays. Il nuit aux exportateurs sud-coréens, taïwanais et australiens qui dépendent des marchés chinois.

Il contribue également à un ralentissement mondial qui a déjà touché l’Allemagne, la France, le Japon et le Royaume-Uni. Enfin, il nuit aux investisseurs américains qui sont confrontés à une vague de faillites d’entreprises et de défaillances d’obligations.

Les Etats-Unis ne seront pas à l’abri de ce ralentissement mondial qui menace de se transformer en récession et en crise financière mondiale. Les investisseurs américains devraient se débarrasser des actions et des ETF chinois et réduire leurs avoirs en actions en général.

Nous entrons dans une nouvelle époque de « Cash is king » (« l’argent liquide est roi »), Chine en tête, montrant la voie à suivre.

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