▪ Il n’y a pas qu’Omnicom et Publicis qui fusionnent… la Chine et les Etats-Unis le font également sur la question des retraites !
Compte tenu de l’actualité de lundi, une large place sera faite dans cette chronique à la fusion Publicis-Omnicom. Le grand accord surprise de l’été a enchanté toute la communauté financière et restauré la confiance dans un avenir radieux, bla, bla, bla…
Nous plaisantons, naturellement !
Car pendant qu’on vous rebattait les oreilles avec cette opération — tellement sensationnelle que Publicis a fini à l’équilibre après avoir gagné 6% à l’ouverture — on occultait opportunément les sujets sensibles dont nous allons vous entretenir immédiatement.
Celui qui nous interpelle, c’est l’enquête sur l’endettement de l’Etat chinois requise par Li Keqiang ce week-end. Un état des lieux des dettes locales et régionales va être demandé à tous les pourvoyeurs de crédit institutionnels ou parallèles (shadow banking) afin d’évaluer le montant et surtout la qualité des créances pesant sur le système financier chinois.
▪ Les besoins de la Chine changent
Nous ne croyons guère à une opération vérité — celle-ci est certainement trop effarante pour être révélée au public et aux marchés. Cependant, ce pourrait être l’occasion de mettre sur la touche nombre de spéculateurs imprudents et de dignitaires impliqués dans des affaires de corruption.
L’autre message est plus indirect : ce n’est plus de surinvestissement dont la Chine a besoin à l’horizon 2020/2050 mais d’un partage plus équitable de la richesse (ça, c’est le mot d’ordre officiel)… Et pour y parvenir, il faut mettre en place de meilleurs standards sociaux — sécurité sanitaire, prise en charge des dépenses de santé, allocations chômage, retraite, etc.
Le problème actuel, c’est que sorti de la classe moyenne émergente et des privilégiés récemment enrichis (les cadres du Parti ainsi que nombre de membres de leur famille), il subsiste plus d’un milliard de Chinois dont le niveau de vie stagne ou régresse, du fait de l’inflation — il faut surtout comprendre le coût de la vie citadine pour les ruraux.
Le seul moyen de les faire consommer davantage, c’est d’accroître les prestations sociales. En effet, augmenter les salaires semble désormais difficile avec la multiplication des concurrents à bas coût de production en Asie, en Indonésie et en Afrique.
Les excédents de production que n’absorbent plus les Occidentaux sont colossaux ; il faut créer une clientèle solvable pour les éponger. Un milliard de consommateurs potentiels sur le marché intérieur devrait y suffire… à condition de leur en donner les moyens.
▪ Le vieillissement de la population, un défi en Chine… et ailleurs
Cela commence par exemple par l’octroi d’une retraite pour des centaines de millions de Chinois qui vont cesser leur activité d’ici 2023. Le vieillissement de la population constitue un défi majeur… si en plus les anciens sombrent dans la pauvreté, le pays pourrait rentrer irrémédiablement en récession comme ce fut le cas au Japon il y a 25 ans.
Le même fléau menace les Etats-Unis. Lorsque les médias évoquent la faillite de Detroit ou la crise financière qui frappe des métropoles comme Chicago, Baltimore ou Los Angeles, ils ne décrivent que la partie émergée de l’iceberg de la crise des retraites qui va secouer les Etats-Unis d’ici 20 ans.
A l’heure actuelle, plus de 10 000 baby-boomers atteignent l’âge de 65 ans chaque jour — et cela va continuer à se produire quotidiennement au cours des 20 prochaines années
Le nombre de personnes âgées (65 ans et plus) devrait plus que doubler d’ici 2050 aux Etats-Unis. Ce qui se passe à Detroit (plus assez d’actifs pour financer les pensionnés d’une commune, d’une grande ville, d’un état) est l’exemple précurseur de ce qui va bientôt se produire partout dans le pays — où la « sous-capitalisation des retraites » est la règle (une formule polie pour désigner le défaut pur et simple de financement). Si Detroit n’est pas renfloué, les ex-fonctionnaires de cette municipalité ne vont obtenir que 10 cents environ pour chaque dollar qu’ils ont épargné.
▪ Des chiffres à donner le vertige
Un professeur d’université du nom de John Rauh a calculé que le montant total de l’épargne par capitalisation et des dépenses de santé pour les seuls fonctionnaires retraités que l’Etat et les collectivités locales ont accumulé s’élève à 4 400 milliards de dollars.
En rajoutant la Sécurité sociale et Medicare pour l’ensemble du secteur public et privé, le gouvernement américain est confronté à un total de 222 milliers de milliards de dollars de dettes non-provisionnées.
Ce chiffre — qui représente quatre fois le PIB planétaire annuel — vous apparaît extravagant ? Il suffit de savoir que le nombre d’Américains percevant des prestations de la Sécurité sociale devrait croître de près de 56 millions aujourd’hui à 93 millions en 2035, soit +66%.
Faites-les bénéficier des mêmes montants que ceux versés actuellement aux nouveaux retraités en projetant sur les 15 prochaines années l’envol des coûts de prise en charge des personne âgées ces 15 dernières années… et le déficit de financement donne immédiatement le vertige.
« Heureusement », l’Etat américain n’a pas le monopole de l’imprévoyance. En effet, 26% de tous les Américains de la tranche d’âge allant de 46 à 64 ans n’ont pas d’épargne personnelle.
Un total de 46% des travailleurs américains ont moins de 10 000 $ d’épargne retraite. Pas moins de 60% déclarent que le total de leurs économies et investissements est inférieur à 25 000 $. Enfin, ils sont 75% à détenir moins de 40 000 $ de patrimoine financier (dont les actions représentent moins de 50% en moyenne).
Comme nous le rappelons régulièrement, est-ce que ces 75% d’épargnants sous la barre des 40 000 $ (il s’agit d’une référence majeure puisque ce montant correspond à un salaire moyen aux Etats-Unis) se sentent suffisamment enrichis par une hausse de 18% de Wall Street cette année pour envisager un gros achat d’ici fin 2013… puis se mettre à dépenser à qui mieux-mieux au cours des prochaines années ?
Que se passera-t-il si les retraites légales (hors effort d’épargne personnel) sont inférieures de 50% au montant que les allocataires avaient prévu de toucher (et non pas -90% comme dans le cas extrême de Detroit) ?
Non, la question est mal posée : que vont-ils faire sachant que les retraites d’ici 10 ans maximum seront au mieux égales à 50% du montant prévu ?