La Chronique Agora

Chine/Etats-Unis : la guerre du pétrole a déjà commencé

▪ « Je veux déclarer la guerre à la Chine », a déclaré un candidat à la présidentielle américaine à la télévision il y a quelques jours.

Certes, nous prenons cette déclaration quelque peu hors de son contexte. « Je ne veux pas entrer dans une guerre commerciale », a déclaré l’ancien sénateur Rick Santorum. « Je veux battre la Chine. Je veux déclarer la guerre à la Chine et faire des Etats-Unis l’endroit le plus attractif de la terre pour faire des affaires ».

Tel le Petit Poucet, suivons les miettes de pain…

Cette semaine, par 63 voix contre 35, les sénateurs américains ont voté une loi orgueilleuse qui a pour objectif de punir la Chine pour avoir « manipulé » le renminbi.

Selon Leon Hadar, correspondant à Washington du journal singapourien Business Times, « la législation proposée remplacerait le système actuel par lequel le ministère des Finances américain est obligé de citer les pays qui manipulent ‘intentionnellement’ leur monnaie. »

A la place, nous aurions un système « par lequel le ministère des Finances déterminerait si une monnaie étrangère est dans un mauvais alignement fondamental, et proposerait des façons de corriger le déséquilibre avec les pays qui sont nommés. Les pays qui ne parviennent pas à fixer leur monnaie seraient soumis à des devoirs anti-dumping et autres amendes ».

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La réaction de Pékin ne s’est pas faite attendre. L’agence officielle Xinhua News a invoqué le fantôme du Smoot-Hawley Tariff Act qui a contribué à transformer une dépression en Grande Dépression.

« Si l’on compare la situation sociale et politique actuelle avec celle d’il y a 80 ans », continue Xinhua News, « nous trouvons des similarités frappantes : un ralentissement économique, un taux de chômage élevé, un fort mécontentement du peuple et des conflits politiques croissants, en particulier à l’approche d’une échéance présidentielle ».

Par conséquent, quelques heures après le vote on pouvait voir un autre candidat, Mitt Romney, déclarant qu’il qualifierait immédiatement la Chine de manipulateur de monnaie s’il était élu. Mais il s’est empressé d’ajouter : « je ne veux faire de guerre commerciale à personne ».

Trop tard. Car une autre sorte de « guerre commerciale » a déjà commencé.

▪ La Chine s’est déjà montrée plus habile que les Etats-Unis en Irak en raflant le pétrole après la guerre… sans avoir même eu à tirer un coup de feu.

« La Chine est le plus grand bénéficiaire du trésor pétrolier irakien », affirme Gal Luft de l’Institute for the Analysis of Global Security. « Les entreprises chinoises, soutenues par leur gouvernement, bénéficient de gros avantages par rapport aux majors (les compagnies pétrolières internationales) et disposent également d’un meilleur pouvoir de négociation ».

A l’été 2009, l’Irak a attribué des contrats pour développer sept grands champs pétroliers. L’entreprise chinoise CNPC fut la grande gagnante… ainsi que la russe Lukoil, la malaisienne Petronas et la française Total. Exxon Mobil a dû se contenter des restes.

A l’été 2011, les gouvernements irakien et chinois ont signé deux accords de coopération économique. La Chine construit des pipelines et autres infrastructures, en échange de quoi l’Irak lui donne accès au pétrole.

PetroChina prévoit déjà deux pipelines qui relieraient l’Irak à la Chine. « D’un autre côté », observe Allen Good, analyste chez Morningstar, « Exxon doit répondre à des actionnaires et ne peut se permettre d’augmenter les ressources sans tenir compte du retour sur investissement ».

« La Chine a l’argent et est clairement une puissance qui monte », explique Peter Beutel, analyste chez Cameron Hanover. « Elle peut offrir une aide politique, parfois une aide technologique et une aide militaire — ce qu’aucune grande compagnie pétrolière ne peut faire ».

« Prenons l’exemple de la Libye. La Chine peut offrir des armes et une protection politique au nouveau gouvernement. La France aussi mais pas les majors. C’est là la grande différence ».

C’est ironique, si l’on considère que certains experts pensent que la guerre en Libye a été une tentative occidentale de mettre la Chine en échec. « La Chine possède de gros investissements dans l’énergie et dans la construction en Libye », a affirmé au printemps dernier l’ancien sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan, Paul Craig Roberts. « Elle considère l’Afrique comme une future source d’énergie ».

En novembre 2006, la Chine a invité les leaders de 48 pays africains à Pékin pour aborder les problèmes économiques. En tête de liste : l’accès à l’énergie et aux gisements miniers.

Le mois suivant, Bush autorisa la création d’AFRICOM — un nouveau commandement militaire centré sur l’Afrique. Auparavant, les responsabilités étaient divisées entre trois commandements régionaux.

Abordant ce sujet au cours de son témoignage devant le Congrès fin 2007, le conseiller au ministère de la Défense, Peter Pham, a clairement explicité les objectifs d’AFRICOM : ils « protègent l’accès aux hydrocarbures et autres ressources stratégiques que l’Afrique possède en abondance… Une tâche qui inclut de s’assurer contre la vulnérabilité de ces richesses naturelles et de s’assurer qu’aucune autre troisième partie intéressée, comme la Chine, l’Inde, le Japon ou la Russie, n’obtient des monopoles ou un traitement de faveur ».

AFRICOM a connu sa première « grande guerre » cette année… en Libye. « Washington essaie de paralyser son principal rival, la Chine », déclare Paul Craig Roberts, « en niant l’énergie de la Chine. C’est de cela qu’il s’agit vraiment : une réaction des Etats-Unis face à la pénétration de la Chine en Afrique ».

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