La Chronique Agora

Céréales : Bunge ouvre les portes de l’Asie

▪ Mauvaise passe pour les acteurs des matières premières. MF Global a mis la clef sous la porte. Le courtier était un des leaders du trading de matières premières. Par exemple, il était un des privilégiés à pouvoir négocier sur le Ring, le lieu de négoce des matières premières à Londres. Sa disparition laisse des secteurs désertés. C’est le cas de la laine, dont il commerçait plus de 80% de la production.

Sa faillite traduit surtout la plus grande corrélation des matières aux cycles économiques. MF Global était devenu dépendant des cycliques financiers. Le cocktail ralentissement de l’économie mondiale + volatilité des matières premières + baisse de la demande lui a été fatal. Et il n’a pas été le seul à souffrir.

Les résultats trimestriels des négociants en matières premières sont également inquiétants. Trois des quatre plus grands négociants en matières premières affichent des revenus en recul. Pourtant, cette plus grande corrélation va nous aider à mieux investir.

Quelle visibilité avons-nous actuellement sur l’économie ? Plutôt sombre. Le référendum demandé par George Papandréou a une nouvelle fois amené les investisseurs à retenir leur souffle. Cette fois, la question du délitement de la Zone euro est vraiment posée. Rien de bien encourageant pour la demande de matières premières.

Pourtant, si l’Europe n’en finit pas de plonger, le monde ne coule pas pour autant. Des îlots de croissance résistent, au premier rang desquels l’Asie. Ils seront les premiers à (re)booster la demande en matières premières. Les négociants les plus réactifs pour capter cette croissance sauront redécoller rapidement.

▪ ABCD, tous étaient frappés
Les résultats du troisième trimestre ont été catastrophiques pour les quatre grands négociants internationaux, représentés par les lettres « ABCD ». Les marges ont été laminées par une hausse des prix (maïs et blé), et l’activité réduite par une baisse de la demande (pétrole et colza). Le tout plongé dans un marché volatil.

Ainsi, Cargill a vu ses bénéfices baisser de 66%. Sans surprise, la firme a mis en cause les « inquiétudes économiques, fiscales et politiques des deux côtés de l’Atlantique ». Première à annoncer ses résultats, la firme a donné le ton du secteur.

Ainsi Louis Dreyfus a annoncé des résultats en baisse sur le troisième trimestre. Et Bunge a publié à son tour des résultats en baisse de 33%. Tous avançaient les mêmes explications : volatilité et baisse des marges.

Seule Archer Daniels Midland sortait la tête de l’eau. La compagnie a réussi à compenser la baisse de ses activités grâce à un commerce effréné du blé de la mer Noire.

▪ Le blé de la mer Noire sauve ADM
D’abord, ADM a bénéficié de la levée de l’embargo sur les exportations de blé russe et ukrainien. Puis est venu se rajouter une récolte miraculeuse dans la zone. La récolte dans la zone de la mer Noire a été si abondante que le blé était stocké dans les wagons faute de place. La compagnie a vendu la production en Egypte, en Europe et jusqu’en Asie. Ainsi, les bénéfices de la compagnie ont doublé dans ce secteur.

Les revenus de la compagnie ont augmenté de 30% sur le trimestre, sauvant des résultats décevant sur ses autres activités.

▪ Les oléagineux particulièrement déprimés
Les quatre fantastiques du négoce ont tous subi un phénomène en particulier : la réduction des marges sur les oléagineux. Ainsi les activités d’ADM dans la transformation du soja et des plantes étaient en baisse de 28%. Les revenus des activités de transformation de maïs étaient également en baisse de quasiment 50%. La faute à une hausse des prix, notamment pour le maïs qui a dépassé parfois les 8 $ le boisseau. La baisse de la demande en Europe a également pesé sur les marges.

Cependant, une des compagnies a décidé de se réorienter sur les marchés les plus dynamiques : Bunge.

▪ L’union de la canne et de la palme
Comme beaucoup d’autres, Bunge s’est plaint des prix « particulièrement volatils » des marchés. Ses résultats dans le secteur de l’agro-industrie ont été presque divisés par deux, pour peser seulement 159 millions de dollars.

Pourtant, Bunge a amorcé un tournant. Désormais, le négociant a l’intention de se focaliser sur deux secteurs.

▪ La canne à sucre
Depuis deux ans, la production de sucre et d’éthanol au Brésil stagne. La faute au vieillissement des plantations de cannes à sucre et au manque d’investissement. Ainsi, pour la première fois depuis 10 ans, la production de la région du centre-sud a baissé cette année. En conséquence, les prix ont recommencé à augmenter à partir de mai, réduisant les marges des exploitants et des négociants.

Cette année, le gouvernement brésilien a réagi en annonçant un investissement de 50 milliards de dollars sur 10 ans dans la production d’éthanol. Bunge a l’intention de profiter du renouveau du secteur. La compagnie va investir 2,5 milliards dans ce secteur. Pour elle, les prix du sucre et de l’éthanol « devraient rester soutenus par une forte demande, une offre réduite en éthanol au Brésil, et un besoin d’encourager l’extension des capacités brésiliennes ».

▪ L’huile de palme
Un autre secteur dispose d’un relais de croissance, l’huile de palme. Alors que Bunge voit ses marges sur le colza se réduire en Europe, la demande d’huile de palme en Asie devrait augmenter de 10% pour la saison 2011-12. C’est la consommation forte de porc qui soutient la demande.

Ainsi Bunge vient d’annoncer l’achat de 35% des parts de Bumiraya Investindo. La compagnie gère quatre plantations indonésiennes d’huile de palme, et possède des terrains pour s’agrandir. Bunge présente cet achat comme « une première étape dans la construction d’une présence en amont dans le secteur de l’huile de palme ».

Pour 2012, je vous recommande donc de guetter les cours de Bunge. Moins diversifié qu’ADM, la compagnie tente actuellement d’en profiter pour se focaliser sur les secteurs de croissance, notamment asiatique. En ces temps mouvementés, une compagnie bien exposée aux marchés asiatiques vaut de l’or.

Sa stratégie claire et son positionnement sur l’Asie pourrait permettre à Bunge de connaître une croissance forte en 2012.

Première parution dans l’Edito Matières Premières & Devises du 03/11/2011.

 

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