** Ne vous débarrassez pas tout de suite de vos valeurs pétrolières !
– La production mondiale de pétrole a-t-elle dépassé son sommet ? Et si oui, comment les investisseurs devraient-ils réagir ? Nous posons cette question au vu du fait que les schistes bitumineux d’Amérique du Nord contiennent des milliards de barils de pétrole récupérable "théoriquement". Théoriquement, donc, la production mondiale de pétrole n’a peut-être pas encore dépassé son sommet.
– Nous sommes sceptique.
– Nous doutons que les dépôts contenus dans les schistes bitumineux soient rapidement accessibles. Il y a trop d’obstacles — logistiques, politiques et environnementaux — pour que cela se produise dans un avenir proche.
– Mais qu’en est-il de la région d’Athabasca, au Canada ? Le voisin nordique des Etats-Unis possède des réserves dignes de l’Arabie Saoudite sous forme de sables pétrolifères. Ces sables produisent déjà un million de barils par jour. Les sceptiques doutant de la théorie du Peak Oil placent tous leurs espoirs dans des sources non-traditionnelles comme Athabasca. Les estimations les plus optimistes suggèrent que la production des sables pétrolifères du Canada finira par atteindre 10 millions de barils quotidiens. Mais comment y parvenir en l’état actuel des choses ?
– Voilà bien le problème.
** L’un des ingrédients les plus importants dans le procédé de récupération des sables pétrolifères est le gaz naturel. Pour extraire du pétrole, il faut injecter du gaz naturel. BEAUCOUP de gaz naturel. Peter Tertzakian, économiste spécialiste de l’énergie, déclarait sur CNNMoney : "il faut l’équivalent de 0,7 barils de pétrole pour créer un baril de produit de sables pétrolifères".
– L’équation de Tertzakian se réfère aux "équivalents énergie". Durant le processus d’extraction et de raffinement des sables pétroliers pour en faire du brut léger, d’autres formes d’énergie sont utilisées. Et malheureusement, ce qu’on utilise en majeure partie, c’est du gaz naturel propre.
– "Ce qui me dérange au sujet des sables pétrolifères", déclare Marlo Raynolds, directeur exécutif du Pembina Institute, groupe de recherche environnementale basé à Calgary, "c’est qu’il s’agit d’une ressource exploitée de manière inefficace. Nous utilisons du gaz naturel — l’énergie fossile la plus propre — pour nettoyer du sable et fabriquer un combustible sale. C’est comme d’utiliser du caviar pour fabriquer du crabe reconstitué".
– Le procédé exige également d’énormes quantités d’eau. Vous avez sans aucun doute entendu parler de la crise de l’eau. Mon ami et collègue Chris Mayer en a beaucoup parlé. Eh bien, devinez un peu : si les sables pétrolifères sont effectivement une solution, la crise de l’eau va empirer. L’Athabasca ne peut augmenter la production de ses sables pétrolifères sans rencontrer d’énormes obstacles liés à l’eau.
– Mais revenons un peu au gaz naturel. Pour réellement augmenter la production des sables pétrolifères, le Canada devra finir par devenir un IMPORTATEUR net de gaz naturel. Réfléchissez-y quelques instants. Là encore, les optimistes de l’énergie "se mettent la tête dans le sable", si vous me permettez ce jeu de mots.
– Les puits de gaz naturel américains sont déjà en déclin prononcé. Si l’on espère résoudre la crise du pétrole en décuplant la production des sables pétrolifères, on ne fera qu’augmenter radicalement la combustion de gaz naturel.
– En deux mots, il faut de l’énergie pour faire de l’énergie… et résoudre les maux du pétrole par les sables pétrolifères ne fera que créer de nouveaux maux. La demande de gaz naturel augmente lentement mais sûrement dans le monde entier — et des opérations gourmandes en énergie comme les sables pétrolifères de Canada ne feront qu’augmenter le problème.
– Il faut de l’énergie pour créer de l’énergie : rappelez-vous cette phrase. Elle pourrait vous rapporter pas mal de profits au cours de la décennie qui vient. Nous sommes sur la crête d’une vague gigantesque. Le meilleur est à venir. Ne vous débarrassez pas tout de suite de vos valeurs pétrolières.