La Chronique Agora

Carnage chez les hedge funds

Par Alexandra Voinchet (*)

Le cancer gagne. La situation dans laquelle se trouvent les hedge funds est délicate. Les métastases se multiplient : 350 fonds ont été liquidés au cours du premier semestre 2008. Mais, le cancer progresse.

La tumeur s’appelle Lehman Brothers. Même moribonde, la banque a encore de quoi nous faire trembler. La filiale londonienne de la banque était devenue, à son apogée, un courtier incontournable de la City. On – des fonds d’investissement – lui confiait beaucoup d’argent en échange de bons coups sur les marchés. Début septembre, les frères Lehman avaient en gestion près de 50 milliards d’euros. L’annonce de leur faillite a stoppé net les activités de courtage et ces 50 milliards ont été gelés.

Un mois a passé. Désormais, les hedge funds aimeraient bien revoir la couleur de leur argent. Or, le remboursement n’est pas simple, reconnaît Price Waterhouse Coopers, qui a été désigné tuteur de Lehman Brothers et qui avoue que la guérison pourrait prendre une année, selon des informations de La Tribune. Des délais que ne peuvent pas s’accorder les hedge funds, aujourd’hui pris à la gorge.

Bérézina chez les hedge funds
Le mois dernier, les encours des hedge funds américains ont chuté de 43 milliards de dollars, selon les calculs de Trim Tabs InvestmentResearch. De 79 milliards, surenchérit Eurekahedge, qui collecte les performances de 2 431 fonds. Les prévisions de Citibank laissent augurer du pire : les hedge funds qui, jusque là, géraient 2 000 milliards de dollars pourraient bien perdre la moitié de leur enveloppe.

La raison de cette désertion : leurs bien piètres gains pour des gens qui promettaient des +10% ou des +20%. Entre juin et septembre, leur performance a accusé le coup : -19,9%, selon une étude de BarclayHedge sur plus de 1 600 hedge funds américains.

De nombreux fonds ont mis la clé sous la porte. 700 dépôts de bilan sur quelque 7 652 hedge funds enregistrés fin juin dernier, cela fait un taux de faillite de 10% environ. Même les banques s’en sortent mieux.

"Combien de hedge funds seront amenés à disparaître ? C’est impossible à dire mais les estimations selon lesquelles 30% des fonds disparaîtront sont sans doute dans le bas de la fourchette. Le plus probable, c’est qu’au moins la moitié d’entre eux disparaîtra", assène Jonathan Davis, l’éditorialiste du Financial Times dans une publication entièrement dédiée à la gestion de fonds – saine lecture !

Les petits fonds d’investissement ont été sévèrement touchés. Pour Arié Assayag, responsable de la gestion hedge fund à la Société générale, interviewé dans La Tribune, "la crise va vraisemblablement faire disparaître les plus petits, qui aujourd’hui ont du mal à se financer, ainsi que certaines stratégies d’investissement telles que les arbitrages de convertibles ou de produits dérivés ultra complexes ou, de façon générale, les stratégies reposant sur un très fort effet de levier." A la lecture de ces termes barbares, on se dit que ce n’est donc peut-être pas un mal.

Quelques grands noms également, comme Highland Capital Management qui gérait pas moins de 35 milliards de dollars, sont bien mal en point.

Pas de pitié pour les hedge funds français
Ne croyez pas que les hedge funds tricolores s’en sortent mieux que leurs homologues américains ! Le 3 octobre dernier, nous vous disions dans une de nos Quotidienne que ADI était sur la sellette et que cette société de gestion financière, filiale de l’assureur Matmut, avait fermé cinq fonds, soit 10% de ses encours. Information confirmée ces jours derniers. Bilan : 20 millions d’euros perdus.

Figurez-vous qu’une partie des fonds d’ADI étaient placés dans les coffres de Lehman Brothers. Lehman tombé, ADI a chancelé. Le Français n’est sans doute pas le seul pris au piège par la déroute de Lehman Brothers. Ils seraient 3 500 dans cette situation, d’après Price Waterhouse Coopers. Il ne faudra pas s’étonner de voir une cascade de faillites dans les semaines et mois à venir, prévient le Financial Times.

Chez les dirigeants de Matmut, la leçon a été comprise : on ne les reprendra plus à jouer à la gestion alternative de produits dérivés. Matmut possède pourtant toujours près de la moitié des parts d’une autre société de gestion, OFI.

Toute coïncidence entre les cas Matmut et Caisse d’Epargne n’est pas fortuite. L’un comme l’autre ont cru se faire de l’argent facilement en s’improvisant trader. Ils en paient aujourd’hui le prix fort.

Ah, Warren Buffett a bien raison ! Il ne faut investir que dans ce que l’on comprend.

(*) Journaliste, Alexandra Voinchet est diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, dans la spécialité Médias. Elle est également titulaire d’un master de Presse économique de l’Université Paris Dauphine. Après deux ans d’expérience en presse financière et boursière, elle a rejoint l’équipe de Money Week. Elle participe régulièrement à la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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