La Chronique Agora

Carioca, un gisement pétrolier miraculeux ?

** Vous vous souvenez, il y a quelques jours, lorsque le directeur de l’Agence nationale brésilienne du pétrole (Haroldo Lima) a annoncé au monde entier que le champ pétrolifère de Carioca "pourrait être la plus grande découverte pétrolière des trente dernières années" ? Revenons un peu sur l’emploi du terme "pourrait". Cela "pourrait" être le plus grand champ de pétrole à ne jamais entrer en production.

– Carioca renfermerait jusqu’à 33 milliards de barils d’équivalent pétrole. Quand vous ajoutez ça à la grande découverte de huit milliards de barils d’équivalent pétrole à Tupi (situé dans le même bassin de Santos, le long des côtes brésiliennes), le Brésil — si l’on peut réellement produire à partir de ces champs — pourrait bondir à la dixième place dans la liste des plus grandes réserves de pétrole du monde, remplaçant ainsi le Nigeria (qui a d’autres problèmes en ce moment).

– Attendez. Voyons ce qu’il en est dans la réalité.

– "Le projet du Brésil de devenir le plus gros exportateur de pétrole du monde s’appuie sur l’exploitation de brut à six miles (près de 10 km) sous la surface de l’océan, dans des gisements si chauds qu’il peuvent faire fondre le métal utilisé pour transporter l’uranium dans les centrales nucléaires", rapportait Joe Carroll pour Bloomberg la semaine dernière. De mieux en mieux (ou de pire en pire, tout dépend du point de vue).

– "Exploiter ce qui pourrait être les plus grandes découvertes de pétrole de l’hémisphère ouest en trente ans va nécessiter un équipement capable de supporter une pression de 8 164 kg par centimètre carré, assez pour écraser un camion, des tuyaux qui peuvent acheminer le pétrole à des températures supérieures à 260°C et un trépan qui peut traverser des couches de sel épaisses de plus d’un mile (1,6 km)".

– L’industrie pétrolière nécessite de plus en plus de métaux. Et pas n’importe lesquels. Il faut un métal bien particulier pour supporter la chaleur et les températures que l’on trouve dans les exploitations pétrolières offshore en eaux profondes. C’est un investissement certainement plus intéressant que l’achat de Petrobras.

– Réfléchissez-y une seconde. Pour produire du pétrole à Carioca, le Brésil va devoir forer à 10 000 mètres de profondeur. C’est deux fois plus important que le puits de production le plus profond du monde. C’est aussi plus profond que la hauteur de l’Everest. Cela pourrait tout aussi bien être sur Mars ou sur Vénus tellement les conditions semblent ahurissantes.

** L’industrie pétrolière a fait bien des progrès depuis que le colonel Edwin Drake a creusé son premier puits à Titusville, en Pennsylvanie, en 1859. Les sondeurs atteignent des endroits où ils n’étaient encore jamais allés, et ça coûte cher. Par exemple, Exxon a dû développer des tuyaux spéciaux pour son projet Sakhalin II en Sibérie parce que les tuyaux en acier ne supportaient pas les températures rencontrées par les ingénieurs. Bloomberg rapporte que Chevron a détruit plus d’une dizaine de trépans d’une valeur de 50 000 $ chacun dans un projet pétrolier de 4,7 milliards de dollars à Tahiti.

– Mais où est-ce qu’on peut bien acheter des trépans à 50 000 $ ?

– A propos, saviez vous que Howard Hugues gagnait sa vie grâce aux trépans ? Nous ne le savions pas non plus jusqu’à ce que nous fassions des recherches sur le sujet ce matin. Les outils de coupe au carbure cémenté ou les outils fabriqués en tungstène et en diamant sont très demandés en ce moment. Mais dans le secteur pétrolier, c’est Howard Robard Hughes père qui a introduit les cônes d’acier rotatifs auprès des spéculateurs de l’est du Texas dans les deux premières décennies du vingtième siècle.

– Hughes a conservé le brevet du premier trépan tricône rotatif pendant 17 ans, entre 1934 et 1951. C’était à l’apogée de l’exploration et du forage en Amérique continentale. C’est ce qui a fait la fortune de Hughes et de son fils Howard — plus célèbre et plus excentrique que son père.

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