La Chronique Agora

Le capitalisme a-t-il échoué ?

Le problème n’est pas du tout l’échec du capitalisme… mais l’inévitable dépassement des pouvoirs publics et des élites qui les contrôlent.

Après avoir dépassé les 40 000 points, le Dow Jones a clôturé vendredi à 38 686 points.

Quelle direction va-t-il prendre à partir de maintenant ?

Nous ne le savons pas. Personne ne le sait.

Nous pensons que la tendance principale s’est inversée, de la hausse à la baisse… de la cupidité à la peur. En d’autres termes, les actifs sont susceptibles d’être moins chers – en termes réels – qu’ils ne le sont actuellement.

Et lorsque des points d’inflexion majeurs sont atteints, le marché ne revient généralement pas sur ses plus-hauts (ou ses plus-bas) tant que la balançoire n’a pas terminé sa course dans la direction opposée.

D’un sommet majeur à un creux majeur… Un aller-retour qui peut prendre des décennies.

Le Dow Jones n’est pas susceptible d’atteindre un véritable nouveau sommet (corrigé de l’inflation) avant de rebondir sur un véritable creux. Actuellement, en ajustant le Dow Jones à l’inflation, un nouveau sommet se situerait aux alentours des 44 000 ou 45 000 points.

Mesuré en or, le plus récent sommet, enregistré à l’automne 2021, donnait au Dow Jones une valeur de 20 onces d’or. Un retour à ce sommet signifierait que le Dow Jones serait à 46 000 points aujourd’hui.

Tout est possible. Mais nous ne pensons pas que ce scénario soit probable. Pas avant longtemps.

M. le Marché peut faire ce qu’il veut. Mais il vaut mieux penser qu’il suit les modèles du passé. Sinon, nous sommes totalement perdus… Et même si nous avons tort, il est certainement préférable de suivre le programme.

Vous manquerez peut-être quelques gains, mais vous éviterez probablement beaucoup de pertes.

La neige fondue

Pendant ce temps, nous allons nous intéresser au Financial Times. Le journal est certes toujours amusant à lire, mais il se trompe systématiquement sur presque tout. Les opinions de ses chroniqueurs sont parfois pathétiquement superficielles. Et le point de vue du journal est ancré dans le « dirigisme », la planification centrale, dont Friedrich Hayek a montré, de manière convaincante, qu’elle ne fonctionne pas.

Mais le « FT » est le journal que l’on trouve dans les bureaux gouvernementaux, les groupes de réflexion, les ambassades et les sièges sociaux des entreprises de toute la planète. Son principal commentateur économique, Martin Wolf, est largement considéré comme l’un des penseurs les plus importants au monde. Lawrence Summers l’a qualifié de « plus grand journaliste financier du monde ». Même Paul Krugman a dit du bien de lui.

Ce qui nous amène à nous interroger sur l’intensité à laquelle les gens réfléchissent réellement dans le monde.

Nous attendons du FT un discours instruit et intelligent. Mais le week-end dernier, nous avons eu un choc.

Un essai publié dans le journal, écrit par Rushir Sharma de Rockefeller International, était incroyablement clair et précis. (Son analyse de ce qui se passe dans l’économie américaine rejoint la nôtre.)

La lame de Sharma tranche si profondément avec les positions du FT (prises depuis des décennies) que nous nous sommes demandés si M. Wolf avait vraiment lu l’article avant de le faire paraître dans le journal. Peut-être était-il en vacances ? Mais non, il était là, invraisemblablement, sur la couverture de la section STYLE… avec un titre trompeur. Il est tout de même étonnant qu’ils l’aient publié.

Trop de gouvernement

« Ce qui n’a pas marché avec le capitalisme », titre le journal.

Les lecteurs habituels du FT ont dû se réveiller, comme des chiens de chasse reniflant l’odeur d’un lapin. Ils s’attendaient sûrement à l’habituelle rengaine selon laquelle les riches sont devenus plus riches et le climat s’est réchauffé grâce à l’avidité implacable des capitalistes. Cette critique serait inévitablement suivie de recommandations sérieuses, selon lesquelles le gouvernement devrait faire ceci… ou cela… pour corriger les problèmes existants.

Comme ils ont dû être déçus ! Sharma explique que le vrai problème est que les gouvernements en ont fait beaucoup trop : 

« L’ère de la réduction du poids de l’Etat [qui aurait eu lieu après la révolution Reagan] n’a jamais eu lieu. Depuis près d’un siècle, le gouvernement n’a cessé de s’étendre dans pratiquement tous les domaines mesurables, en tant que dépensier, emprunteur et régulateur. »

Et vous souvenez-vous que la « déréglementation » ayant suivi l’administration Reagan avait été à l’origine de la crise financière de 2008 ? Seulement, la déréglementation n’a jamais eu lieu.

Sharma explique :

« Au cours des trois dernières décennies, la bureaucratie a éliminé un total de 20 règles seulement, tout en en ajoutant de nouvelles à un rythme presque métronomique d’environ 3 000 par an, sous les deux partis. »

Au fur et à mesure que le gouvernement s’est étendu, il a offert un « socialisme » aux riches, aux pauvres et à tous ceux qui se trouvent entre les deux :

« Il s’agit d’une campagne visant à vacciner toute une société contre les ralentissements économiques. Bien qu’elle soit encore largement critiquée comme le pays du capital reaganien, les Etats-Unis sont en train de supplanter l’Europe en tant que société la moins tolérante à l’égard de la détresse financière de quiconque, y compris des super-riches. »

Croissance, récession… Guerre… Républicains… Démocrates… Dans les bons et les mauvais moments, les années grasses comme les années maigres… Le gouvernement fédéral a continué à résoudre de plus en plus de problèmes. La pauvreté ? La menace du communisme ? Le terrorisme ? Les mauvais pronoms ? Les microbes ? Le commerce avec la Chine ? Des taux d’intérêt trop élevés ? L’emploi ? Les puces ?

Presque chaque jour depuis un siècle, des hommes politiques et des bureaucrates s’emploient – souvent jusque tard dans la nuit – à résoudre les nombreux problèmes qui affligent notre espèce. Il est étonnant qu’il reste encore des problèmes.

Ils étaient si diligents et déterminés à bien faire leur travail qu’ils ont systématiquement dépensé plus que leurs recettes fiscales. Entre 1980 et fin 2019, les déficits ont représenté en moyenne 4% du PIB en période de récession et 3% en période de reprise.

Vous voyez donc que le problème n’est pas du tout l’échec du capitalisme… mais l’inévitable dépassement du gouvernement et des élites qui le contrôlent. Ils nous ont donné un nouveau problème à résoudre – une dette de 35 000 milliards de dollars… et une crise de la dette, presque garantie, à venir.

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