La Chronique Agora

Le mirage de la capitalisation boursière

la valorisation boursière du bitcoin

Une variation de capitalisation ne correspond pas à des flux d’argent. Elle repose sur un scénario qui attribue le prix de la dernière transaction à tout un stock.

Très récemment, un ami me faisait part de ses réflexions sur la chute des prix des monnaies virtuelles, bitcoin et autres étrangetés du même ordre.

Il faisait le constat suivant :

« Aujourd’hui ce sont plus de 500 milliards de dollars de capitalisation qui se sont évaporés. 500 milliards de dollars investis dans ces cryptomonnaies et qui ont disparu en fumée. J’imagine les fortunes perdues par certains, et récupérées par d’autres, en quelques semaines. 500 milliards de dollars se sont déversés sur ce marché depuis octobre 2017, ils ont aujourd’hui disparu en fumée. »

Le bitcoin a connu un premier trimestre 2018 calamiteux

Ce n’est pas pour autant 500 milliards de dollars qui se sont évaporés.

[NDLR : Oubliez les bitcoins, les plus gros gains ont déjà été faits. 2018 devrait être l’année de la grande collision blockchain. Deux technologies – l’une d’entre elle étant la blockchain – vont se rencontrer et s’associer pour créer un bouleversement digne de celui de l’électronique et de la numérisation. Découvrez ici comment en profiter.]

Selon son analyse, les hausses et les baisses de capitalisation, c’est-à-dire les variations de valorisation des actifs négociés au prix du marché, correspondraient à des flux et des reflux de liquidités à hauteur des variations de valorisation.

Cette vision des choses est malheureusement incorrecte. Difficile d’en vouloir à cet ami tant cette idée est assénée par les médias à chaque grosse correction des marchés, y compris par les médias spécialisés dans la chose financière.

Pour un actif négociable donné, tous les portefeuilles incluant une ligne de cet actif sont directement dépendants, pour le calcul de leur valorisation, des transactions négociées sur le marché et en particulier de la toute dernière transaction réalisée. En effet lorsqu’un prix est arrêté dans un marché, régulé ou non, ce prix s’applique à tous les actifs semblables sans que les détenteurs de ces actifs aient nécessairement réalisé de mouvement dans leur portefeuille.

Prenons un exemple, volontairement caricatural pour mieux comprendre.

Perte en valorisation ne veut pas dire perte réelle

Les investisseurs A, B, C, D… et Z détiennent des bitcoins au pair de 1 000 € pour un bitcoin. L’ensemble de ces portefeuilles représente en tout 100 milliards d’euros.

Considérons que le marché est particulièrement peu actif. Néanmoins, l’investisseur A a besoin d’argent frais. Pour être certain de réaliser sa vente, il met en vente un bitcoin à 900 €.

Le marché étant quasi déserté à cette heure, personne d’autre que l’investisseur B n’est présent. Considérant qu’une bonne affaire se présente, il achète donc ce bitcoin.

Dès lors, à cause de cette seule transaction, l’ensemble des portefeuilles est maintenant valorisé sur la base de 900 € pour un bitcoin, soit une baisse de 10%. La capitalisation globale a donc baissé de 10 milliards d’euros par « la faute » d’une seule transaction.

Les seuls perdant ici seront ceux qui auraient acquis des bitcoins à 1 000 € ou plus. Il est donc impossible de valoriser ici la perte réelle des investisseurs puisque tous n’ont pas été acheteurs au-dessus de ce prix.

La capitalisation ne représente donc absolument pas une réalité monétaire. Elle représente une fiction monétaire correspondant à un scenario totalement virtuel : que tous les détenteurs de bitcoins liquident leur portefeuille pour des euros au même instant. Ce qui est absolument impossible.

De la même façon les journaux nous bassinent régulièrement les oreilles d’un afflux de liquidités qui serait à l’origine de la hausse de tel ou tel actif financier. Ces liquidités erreraient désespérément, en mal de trouver un placement offrant un bon rendement.

Là aussi un exemple, certes tout aussi caricatural, devrait vous éclairer.

Imaginez un marché où sont négociées des actions quelconques. Sur ce marché sont cotées 100 000 actions de la société X, 200 000 de Y et 300 000 de la société Z. Chacune de ces 600 000 actions est, à chaque instant, détenue dans le portefeuille d’un investisseur. Il n’existe pas d’action orpheline.

A l’extérieur de ce marché existent des investisseurs détenant des liquidités non-investies. Si l’un de ceux-ci souhaite acquérir une action X, Y ou Z, il devra la négocier sur ce marché en l’achetant à un investisseur souhaitant s’en défaire.

Un investisseur est précisément décidé à investir 1 000 € en actions de la société X. Par chance, un vendeur se présente au prix de 1 000 €. L’acheteur se précipite et achète.

Quel est le bilan en matière de flux ?

– Toutes les actions de la société X sont toujours toutes détenues par un investisseur. Seuls 1 000 € d’actions X ont changé de main.

– Les liquidités, soit-disant « en mal de placement », sont toujours au même niveau : un investisseur a simplement donné à un autre 1 000 € en échange des actions X que ce dernier détenait. 1 000 € ont donc changé de main mais le niveau global des liquidités non-investies n’a strictement pas changé.

La génération spontanée n’existe donc pas ; une action, un billet de banque ne sont jamais orphelins, à chaque instant quelqu’un les détient.

Le marché est un jeu de chaises musicales et la capitalisation un mirage qui, comme ceux du désert, peut s’évanouir à tout instant devant les yeux de l’investisseur.

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