La Chronique Agora

Quand le capital n’est plus… du capital !

▪ Un grand succès d’un économiste français a attiré l’oeil de nos collègues anglo-saxons. Il s’agit du dernier livre de Thomas Piketty, Le capital au 21ème siècle, dont la traduction en anglais trône en numéro un des ventes d’Amazon.

Le succès de ce livre de 970 pages (version française) tient probablement à trois facteurs : le style, une équation simple et une solution populaire.

Pour un économiste universitaire français, Thomas Piketty possède un style clair et lisible comparé aux galimatias indigestes de la plupart de ses pairs. L’axe principal du livre tient en une équation accessible à quelqu’un qui possède un niveau d’étude de fin de primaire : r > c où « r » sont les revenus du capital (le rendement des obligations d’Etat à 10 ans, en gros) et « c » la croissance (le rythme d’augmentation du PIB). C’est à la fois simple et facile à retenir. La conclusion : il faut prendre leur argent aux riches, les rentiers pour lutter contre l’inégalité cause de décohésion sociale.

Avec cette « redistribution », nous vivrons dans un monde plus doux, plus harmonieux, plus bisounours

Prendre l’argent des riches devrait être facile puisque ces riches deviennent de plus en plus rares (mais de plus en plus riches) grâce à la concentration du capital. Avec cette « redistribution », nous vivrons dans un monde plus doux, plus harmonieux, plus bisounours ; l’agneau triomphera du loup qui n’aura presque plus de laine sur le dos et plus un poil ne dépassera.

▪ Une contre-équation possible
Si d > c, virez votre gouvernement !

Dans mon équation : « d » est le déficit et « c » la croissance. La croissance de l’activité économique incorpore le déficit : les dépenses publiques financées par l’endettement collectif des populations (vos impôts futurs ou ceux de vos enfants car l’argent des riches ne suffit pas à bon nombre de promesses sociales)

Les banques centrales comme la Bundesbank demandent à rapatrier leur or des coffres américains et français.

Ce qu’elles ne savent pas, c’est qu’elles risquent fort de ne jamais revoir leurs lingots !

Découvrez pourquoi sans plus attendre : il pourrait y avoir de spectaculaires profits à la clé.

 

Mon équation conduit à une solution différente de celle de Piketty

Supposez qu’une entreprise annonce que son chiffre d’affaires a progressé de 0,8% (le rythme de croissance annuelle en France) mais que pour atteindre ce résultat elle ait emprunté une somme correspondant presque au quadruple de ce supplément de chiffre d’affaires (le déficit de la France est de 4,3% du PIB). Pensez-vous que cette entreprise est un modèle de bonne gestion et que la progression de son chiffre d’affaires soit saine ? Non. Donc si vous êtes actionnaire, vous virez illico presto les crétins de l’équipe dirigeante qui s’endettent pour rien et vont vous mettre sur la paille. Mon équation conduit à une solution différente de celle de Piketty.

Je souhaite cependant que Thomas Piketty devienne riche grâce à ses droits d’auteur. Je pense sincèrement que plus il y a de riches, mieux c’est et qu’il vaut mieux vivre en Suisse qu’en Corée du Nord.

▪ La faille du capital au 21ème siècle
On peut regretter qu’au fil de ces 970 pages ne figure aucune réflexion sur la nature du capital, qui a profondément changé dans la deuxième moitié du 20ème siècle. Depuis 1970 et la fin des accords de Bretton Woods, date à laquelle le dollar et les monnaies ne sont plus liés à l’or, la monnaie est de la dette et le « capital » se résume essentiellement à l’accès au crédit et à la croissance de l’endettement public.

Dans ces conditions, il est logique que le « capital » progresse plus vite que la croissance de l’activité économique et que cela profite surtout à l’industrie financière qui l’émet. Cela n’a rien à voir avec l’opposition marxiste entre capital et travail.

▪ Le capital et le travail avant Marx
Avant Marx, le capital existait, le travail aussi. Comment se faisait alors la répartition entre capital et travail ? La fin du Moyen-Age a vu l’émergence du capitalisme, des marchands-banquiers et les contrats de l’époque — les contrats de commenda ou compagnia — nous donnent des indications de cette répartition. Il s’agissait de véritables associations entre l‘apporteur de capital, qui restait sédentaire, et celui qui prenait le risque d’un long voyage et faisait un « apport en industrie », son labeur et une mise de fonds plus petite.

En général, le capitaliste sédentaire apportait deux-tiers du capital et l’emprunteur-travailleur le tiers restant. Les pertes étaient partagées en 2/3 et 1/3 et les bénéfices divisés par moitié. Dans le cas des armateurs, évidemment, si le bateau se perdait corps et âme, les pertes pouvaient être totales…

Ces contrats se sont noués sans aucune réflexion d’économistes, librement, les deux partis estimant que c’était la répartition optimale. Et le capitalisme progressa ainsi.

Faut-il pour autant surtaxer tous les robots, valets du capital ?

▪ Le capital et le travail à l’heure de la production robotisée de masse
Sautons allégrement huit siècles. La part du capital dans la production industrielle n’a cessé de croître, et tant mieux car personne n’a envie d’une vie à la Dickens. Ce qui veut dire que dans l’activité économique d’un pays — chiffrée par le PIB — la part du travail est de plus en plus faible et la part du capital (l’investissement en robotisation) de plus en plus forte. Faut-il pour autant surtaxer tous les robots, valets du capital ?

L’industrie allemande compte 150 000 robots installés contre 35 000 dans l’industrie française. Taux de chômage en Allemagne : 5,10% ; taux de chômage en France : 10,20%.

L’activité humaine ne se réduit pas à une équation.

L’économie n’est pas une « science » ; elle n’est pas prédictive et l’Homme a du mal à rentrer dans une équation. Heureusement… La réalité est beaucoup plus compliquée et l’économie résulte de milliards de décisions individuelles. « La raison humaine ne peut ni prévoir ni modeler délibérément son propre devenir. Ses avancées consistent à déceler les endroits où elle s’est trompée », analysait Friedrich Hayek, économiste et Prix Nobel. Pour l’école autrichienne d’économie, la manipulation keynésienne ne peut que conduire à des catastrophes. C’est bien ce que nous constatons.

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