▪ La bonne humeur régnait sur les marchés lundi matin. Après les 2,7% gagnés vendredi, quoi de plus agréable que de prolonger cette douce euphorie — qui semblait s’inspirer des températures estivales de cette mi novembre — par une progression bien méritée (pas de guerre, pas de révolution au cours du week-end) de 1% supplémentaire.
Mais dès qu’il s’agit d’aligner une troisième séance de hausse consécutive, le mauvais sort s’acharne !
Enfin, façon de parler… car quand autant de milliards sont en jeu, rien n’arrive par hasard. Paris qui grimpait de 20 points au cours des premiers échanges en perdait une cinquantaine au final.
Il est décidément bien difficile pour le CAC 40, mais également l’Euro-Stoxx 50, d’aligner plus de deux séances de hausse d’affilée. Les indices européens ne sont pas parvenus à enchaîner le moindre épisode haussier de plus de 48 heures depuis la période du 5 au 12 octobre dernier.
Rassurez-vous, la réciproque est tout aussi vraie : aucune phase de correction n’a duré plus de 72 heures depuis la mi-octobre.
Les marchés européens se comportent depuis un mois comme la Manche qui roule ses galets à marée haute sur une plage de Normandie. Une vague de fond (ou vague scélérate) a bel et bien surgi le 27 octobre. Les eaux sont montées brusquement jusqu’au niveau du parking, couvrant d’algues et d’écume quelques véhicules. Mais elle a reflué comme elle était venue, et le va-et-vient des vagues a repris son rythme naturel.
Pour l’heure, nous assistons à une phase de mer étale et comme vous le subodorez, nous n’allons pas tarder à la voir se mettre à refluer. Cela signifie que les indices boursiers — par analogie — ne devraient pas tarder à en faire autant.
▪ Le processus s’est enclenché lundi matin avec la publication d’une chute de 2% de la production industrielle dans l’Eurozone (et de 1,3% dans l’Union européenne) au mois de septembre. Le scénario d’un épisode de récession se précise et cela ne réjouit pas les investisseurs.
Ils ont ensuite mal digéré vers midi le taux qu’a dû supporter l’Italie pour un refinancement de trois milliards d’euros sous forme de bons à cinq ans.
Cette émission obligataire, pourtant de taille réduite, n’a été souscrite qu’à 120% (avec une marge de sécurité extrêmement faible) et elle s’assortit d’un rendement de 6,3%. Il s’agit là d’un coût exorbitant et absolument pas tenable à moyen terme, d’autant plus que le deux ans et le 10 ans affichent des taux du même acabit (toute la courbe est sous tension en Italie).
Un véritable phénomène de contamination s’est propagé en direction de l’Espagne où les taux longs sont repassés au-dessus des 6% à quelques jours des élections législatives. Il en va de même pour le Portugal où le 10 ans flirte avec les 13% sur fond de récession au troisième trimestre (-0,4% en rythme séquentiel et -1,7% en rythme annuel).
▪ L’Euro-Stoxx 50 a subi un troisième épisode de déprime en milieu d’après-midi, alors qu’Unicredit — la première banque d’Italie — a dévoilé une perte nette de 10,46 milliards d’euros au troisième trimestre. Elle est due à des dépréciations de nature extraordinaire, expliquait son directeur général Frederico Ghizzoni.
Il ne donne aucune précision sur la nature des pertes (sont-elles ou non récurrentes ?) mais nous prévient à demi-mot qu’un mauvais sort a été jeté sur sa banque. Les soupçons se portent sur une sorcière bien connue de la région napolitaine. La banque ne peut nous en dire davantage tant que la totalité des résidus collés au fond des marmites et le contenu de mystérieuses boîtes en fer rouillé couvertes de toiles d’araignées n’aura pas été analysé.
Plusieurs exorcistes ont déjà été mis à contribution et une équipe de magnétiseurs travaille sans relâche pour identifier d’éventuels complices. Les ramifications de ce complot ourdi par des adeptes de la magie noire s’étendraient de Wall Street jusqu’aux Bahamas.
En attendant que les coupables soient livrés à la justice des hommes puis excommuniés par le Vatican (qui ne plaisante pas avec la sorcellerie), il faut parer au plus pressé, c’est-à-dire procéder d’ici deux mois à une toute petite augmentation de capital de rien du tout : 7,5 milliards d’euros.
De la broutille… mais bon, mieux vaut être prudent et disposer d’un peu d’argent devant soi, même si cela reste symbolique, naturellement.
Ce qui compte, c’est qu’après de longs mois de magie noire, les actionnaires vont bénéficier de trois ans de magie blanche ! Frederico Ghizzoni se lâche : grâce à un plan de réorganisation de ses activités « ambitieux » mais « réaliste », il prévoit un bond du bénéfice net à 6,5 milliards d’euros en 2015, soit plus de quatre fois le profit de 1,33 milliard d’euros annoncé en 2010.
Pas de doute, Cagliostro et Merlin l’Enchanteur sont ressuscités et vont unir leur magie au profit exclusif d’Unicredit. La banque ne savait pas en 2010 qu’elle ferait pratiquement faillite en 2011, mais elle sait déjà qu’elle pourra distribuer de prodigieux dividendes en 2015.
A part prédire que l’équipe de France fera tout pour ne pas se ridiculiser une nouvelle fois au Mondial de football de 2014, nous sommes absolument incapable de deviner si les banques dégageront des profits mirobolants (merci Merlin) ou des pertes abyssales en 2015.
L’Amérique aura peut-être fait faillite d’ici là et nous ne pouvons exclure que l’Italie soit revenue à la lire dans les 12 prochains mois. Dans ces conditions, un bénéfice net à 6,5 milliards d’euros (de lires) nous paraît effectivement jouable à un horizon de quatre ans !
▪ Nous exagérons mais c’est pourtant ce que certains observateurs allemands ont pu extrapoler en entendant Angela Merkel affirmer que l’Europe traversait sa pire crise depuis 1945 !
Elle a tenté de dédramatiser en affirmant qu’il fallait plus d’Europe (et non pas plus d’égoïsme)… et que « les problèmes des uns ne peuvent être résolus sans davantage de solidarité ». « Notre responsabilité ne s’arrête pas à nos frontières », a-t-elle ajouté.
Vous pensiez qu’elle franchirait dans la foulée le pas consistant à résoudre les vrais problèmes qu’elle évoque par de vraies solutions qu’elle rejette depuis deux ans ? Eh bien, perdu !
La Chancelière rappelle « qu’il existe des limites que l’Allemagne n’est pas disposée à franchir, comme par exemple la création d’obligations européennes » — la seule solution crédible aux yeux de Wall Street et des créanciers internationaux. Il en va de même pour d’autres « remèdes à court terme », comme les interventions répétées de la BCE pour éteindre les incendies qui enflamment le marché des dettes souveraines.
Nous aimerions bien que, de temps en temps, Mme Merkel cesse de fustiger le laxisme budgétaire de tel ou tel pays de l’Eurozone pour dénoncer les responsables des attaques ciblées et parfaitement coordonnées qui détruisent la confiance dans les pays baignés par la mer Méditerranée. Des pays où les incendies criminels font beaucoup plus de dégâts que les départs de feux spontanés.
Mais pas question d’engager des poursuites contre les incendiaires agissant en service commandé, ni de s’en prendre aux commanditaires.
Pas question non plus de troquer les pelles et les seaux de la BCE contre des Canadairs.
Serait-ce une autre version de l’efficacité allemande : laisser brûler le champ des voisins pour se vanter ensuite d’avoir l’herbe la plus verte ?
Bien vu, cela détruit la vermine à peu de frais et cela permet d’économiser de l’engrais !