▪ Nous venons vivre le genre de séance où il est préférable :
– de ne rien savoir de ce qui se passe sur les marchés ;
– de n’avoir aucune idée sur le pourquoi du comment du décalage des cours ;
– d’être victime d’une panne de connexion avec son courtier en ligne ;
– de renverser sa tasse de café sucré sur son clavier ;
– de recevoir un coup de fil impromptu au moment d’appuyer sur la touche « achat » ou « vente » ;
– de descendre couper l’alarme de la voiture pour la cinquième fois depuis le lever du soleil,
– d’aller à la pêche et de laisser échapper malencontreusement son Smartphone en oubliant de se rincer les mains après avoir manipulé une carpe de 2,5 kilos.
En résumé, c’était typiquement la séance de Bourse où il vaut mieux faire tout autre chose que de la Bourse… parce qu’il est véritablement très rare qu’un investisseur ait l’occasion de faire autant de bêtises en un laps de temps aussi court.
Un simple tour d’horizon des points de retournement successifs du CAC 40 donne le tournis. Cela a commencé avec une ouverture en chute libre de 2% (comme tous les lundis depuis début septembre)… le test des 2 755 points (vers 9h05)… rebond en direction des 2 916 points (160 points en ligne droite entre 9h15 et 13h00, excusez du peu !)… rechute sur 2 806 points vers 16h15… (110 points reperdus en trois heures)… rebond au contact des 2 870 (60 points en une heure) et enfin clôture à 2 860 points (1,75%).
Nous n’essaierons pas de vous convaincre que nous avons tout compris. Nous n’avons même pas réussi à faire l’inventaire des rumeurs et fausses rumeurs qui ont circulé en cours de matinée — sans parler des inévitables déclarations politiques cacophoniques !
Les Nuisibles Anonymes avaient commencé à sévir dès le milieu de la nuit en semant la panique de Tokyo (-2,2%) à Hong Kong (-2,8%) en passant par Shanghai (-1,65%) et Séoul (-2,65%) au sujet de divers plan de recapitalisation des banques européennes.
De supputations en démentis, de scepticisme intégral en espoir de mise en place d’un Euro-Tarp (un FESF gonflé aux stéroïdes), les cours ont affiché des variations à faire exploser, à quelques minutes d’intervalle, toutes les barrières désactivantes sur les turbos et autres instruments à effet de levier.
Oui, M. Geithner a raison de reprendre le leitmotiv des commentateurs face aux turbulences qui ont dévasté les indices boursiers la semaine passée. Le temps des politiques s’écoule avec une lenteur infinie aux yeux des marchés.
Faute de parvenir à faire coïncider la course des aiguilles indiquant les secondes et les heures, les opérateurs les plus impatients cherchent quel pourrait être leur prochain coup d’avance et se lancent dans une folle course aux arbitrages.
▪ Les principales victimes de l’immédiat après-FOMC de la Fed sont les matières premières et les métaux précieux. L’once d’or a ainsi chuté de 6% lundi matin jusque vers 1 550 $ tandis que l’argent métal plongeait de 11% après 15% vendredi.
L’once d’or a ensuite repris 4% en quelques heures — se redressant au-dessus des 1 600 $ avant de retomber sous 1 595 $ en début de soirée.
L’explication du sell off sur les métaux précieux résiderait dans le constat que le Twist de maturités obligataires de la Fed n’engendre pas de création monétaire aux Etats-Unis. De plus, le refuge offert par l’or et l’argent face au danger inflationniste se justifie moins dans un contexte de ralentissement économique potentiellement déflationniste.
Force nous est de constater que depuis mercredi dernier, tout part dans tous les sens. Nous avons un euro qui enfonce le support des 1,35 $… des places asiatiques victimes d’une fuite des capitaux occidentaux… un baril de pétrole qui perd 10% sur la semaine et s’enfonce sous les 80 $ vendredi avant de se redresser péniblement vers 80,5 $ hier.
▪ Nous avons également du mal à suivre la logique du gouvernement d’Angela Merkel. La chancelière a prononcé dimanche soir une allocution d’une heure en forme de plaidoyer pour l’Europe. Elle a tenté de démontrer le danger extrême que courrait l’Allemagne en cas de faillite de la Grèce et d’éclatement de la Zone euro. Elle a indiqué que « la perte de confiance des investisseurs ainsi que des clients aurait des conséquences terribles pour l’Allemagne ».
C’est pour ces fortes raisons qu’elle compte faire approuver par le Bundestag jeudi, le recours plus large au FESF (dont la dotation pourrait être fortement accrue). Olli Rehn, le commissaire européen, évoquait également la pertinence de cette hypothèse qui reflète les attentes des marchés.
Mais dans l’après-midi de lundi, Wolfgang Schäuble, le ministre de l’Economie, douchait les marchés en affirmant que l’Allemagne n’avait pas l’intention de renflouer le FESF avec l’argent des contribuables.
Manifestement, il était parti à la pêche dimanche quand sa patronne a expliqué qu’il fallait désormais suivre une logique inverse, parce que ne pas activer le FESF, c’est prendre le risque d’envoyer l’Europe droit dans le mur comme l’ont si bien fait comprendre les marchés.
L’Allemagne a offert au monde parmi les plus belles symphonies orchestrales au 19ème siècle, il semblerait qu’elle se soit fait une spécialité, en ce début de 21ème siècle, de l’orchestration de la plus belle cacophonie… politique.