La Chronique Agora

Bureaucraties : ces engrenages qui menacent la survie du monde

Les protocoles rigides et la centralisation extrême du pouvoir nucléaire créent un risque colossal : celui de laisser le destin du monde dépendre d’erreurs humaines, de défaillances technologiques… ou d’un président mal conseillé.

L’horloge de l’Apocalypse, créée en 1945 par Albert Einstein, J. Robert Oppenheimer et d’autres scientifiques, mesure la distance qui nous sépare d’un cataclysme « causé par les technologies créées par l’homme ». Selon cette horloge, il ne reste que 89 secondes avant la fin du monde.

L’industrie américaine de l’armement tire les ficelles en coulisse, et les dirigeants dotés d’arsenaux nucléaires s’écharpent, tels des enfants jouant avec des bâtons de dynamite et des allumettes, inconscients du danger.

Donald Trump serait bien inspiré d’inviter la confrérie de la bombe atomique à jouer au golf, pour qu’ils se concentrent sur leurs coups plutôt que sur l’idée de déclencher l’Apocalypse. Ou peut-être serait-il temps d’organiser la société autour du respect de la personne plutôt que de la majorité. Mais c’est un autre débat.

Depuis qu’il a adopté le modèle de l’Etat de sécurité nationale après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement américain s’est fait de nombreux ennemis. Pourtant, la plupart des citoyens continuent de croire qu’ils vivent libres, que leurs votes comptent, et que leurs dirigeants élus, ainsi que leurs subordonnés bureaucratiques, « veillent sans relâche, jour et nuit, au bien-être de la nation », comme l’écrivait Mises.

La sécurité nationale est devenue une obsession du gouvernement. Ce dernier mène sans relâche une politique étrangère unilatérale, dont le message sournois est clair : nous commandons, et si vous n’obéissez pas, nous vous écraserons. Pour que les choses soient bien claires, le président a décidé de rendre au ministère de la Défense son ancien nom : le ministère de la Guerre. Comme l’a déclaré Ron Paul, cette initiative pourrait se retourner contre les va-t-en-guerre si elle ravive l’exigence constitutionnelle d’une « déclaration de guerre votée par le Congrès ».

Selon diverses sources, le gouvernement fédéral compte entre 400 et 2 000 agences. Certaines se disent « indépendantes », prétendument pour éviter les influences politiques : c’est le cas de la NASA, de l’EPA, de la FTC et – la plus indépendante de toutes – du Conseil de la Réserve fédérale.

Puis il y a la Constitution, qui fut un temps conservée à Fort Knox pendant la Seconde Guerre mondiale, puis définitivement scellée dans une vitrine étanche et pare-balles, remplie de gaz argon pour éviter sa dégradation, au 701 Constitution Avenue, à Washington D.C.

Chaque fonctionnaire fédéral jure de « soutenir et défendre la Constitution des Etats-Unis contre tous ses ennemis, extérieurs et intérieurs ». C’est le terme « intérieurs » qui pourrait poser problème dans un monde armé de bombes nucléaires.

Lors d’une conférence qui s’est tenue à Harvard en 2017, intitulée « Premier usage présidentiel : Est-ce légal ? Est-ce constitutionnel ? Est-ce juste ? », on a défini les deux principales fonctions du protocole d’emploi de l’arme nucléaire :

  1. il concentre le pouvoir de décision sur l’usage de ces armes entre les mains du président, au sommet du pouvoir exécutif, à l’écart de l’armée et des autres institutions ;
  2. il permet au président de réagir rapidement et fermement à une attaque nucléaire, dont les missiles pourraient traverser la planète en trente minutes, ou frapper depuis un sous-marin en quinze.

Réfléchissons un instant à ce que cela signifie de confier l’arme nucléaire au président.

Joe Biden a officiellement exercé la présidence de 2021 à 2025, mais ses troubles cognitifs ont conduit beaucoup d’observateurs à se demander qui prenait réellement les décisions. Les démocrates et les médias hostiles à Trump ont tenté de cacher ces problèmes, mais un débat télévisé les a révélés au grand jour. Les démocrates avaient pourtant réussi, en 1919, à protéger le président Wilson, frappé d’un accident vasculaire cérébral « qui a profondément et irréversiblement modifié le cours de l’histoire américaine du XXᵉ siècle ».

Quant à Donald Trump, on ignore s’il souffre d’un handicap caché qui altérerait son jugement, mais il ne craint pas les décisions extravagantes : rebaptiser le golfe du Mexique ou lancer une guerre des droits de douane, récemment jugée illégale mais qui constitue « le pilier de son programme économique ».

Pour l’instant, le gouvernement n’a aucune politique de premier usage nucléaire, ce qui signifie que tout tir serait une riposte à une attaque présumée. Le protocole actuel prévoit un lancement dans les plus brefs délais, avec plusieurs étapes de vérification et de consultation.

Pour récapituler, le président se réveille, donne un ordre par le biais d’une chaîne de commandement simplifiée à l’excès, qui n’offre plus aucun garde-fou, et, en cinq minutes, 400 bombes décollent sur des missiles tirés depuis le Midwest. Dix minutes plus tard, 400 autres bombes sont lancées depuis des sous-marins. Au total, cela représente 800 armes nucléaires, soit l’équivalent d’environ 15 000 bombes d’Hiroshima.

Pendant cette procédure accélérée, le président consulte plusieurs conseillers et officiers militaires, tenus légalement d’obéir aux ordres légitimes des supérieurs dans la chaîne de commandement, dont fait partie le président.

Mais ces officiers ont juré de défendre la Constitution, pas le président. Ainsi, « ils ont le ‘devoir de désobéir’ à un ordre illégal qui violerait ce serment, même s’il vient directement du président ».

En vertu de l’article II, section 2, clause 1 – la clause du commandant en chef – le président a le devoir et le pouvoir de repousser une attaque soudaine, y compris un tir de missiles. Mais que se passe-t-il en cas de désaccord sur la menace ? La détection précoce dépend de la technologie, qui comporte toujours une part d’incertitude.

Le 26 septembre 1983, au petit matin, l’agent de service soviétique Stanislav Petrov détecta sur ses écrans ce qui semblait être un tir de missiles américains. Il décida de ne pas en informer ses supérieurs, convaincu qu’il s’agissait d’une fausse alerte.

Selon ses mots : « Mes collègues étaient tous des militaires professionnels ; on leur avait appris à donner et à exécuter des ordres. » Petrov était le seul à avoir reçu une formation civile, et donc à user de son libre arbitre. Si les Américains attaquaient vraiment, ils n’iraient pas de main morte. Petrov vit d’abord un missile, puis plusieurs autres. Ce n’était pas une attaque, conclut-il, le cœur battant à tout rompre. Il ne fallait surtout pas riposter. Il se trouve que les « missiles » étaient en réalité… des nuages.

Mais la bureaucratie étant ce qu’elle est, il fut sanctionné plus tard, non pas pour sa décision, mais pour des erreurs de saisie dans le registre. Bien des années plus tard, il sera reconnu comme l’homme qui a sauvé le monde.

Aujourd’hui, pendant que les dirigeants mondiaux se réunissent à un énième sommet, un nouveau Stanislav Petrov, russe ou non, pourrait désobéir à un ordre, rompant la chaîne de commandement définie par le protocole bureaucratique – à raison ou à tort. Ou, épaulé par une intelligence artificielle (IA), il pourrait supposer une attaque réelle et en alerter ses supérieurs.

Pire encore : si Petrov avait été licencié, l’IA, devenue intelligence artificielle générale, pourrait ordonner au président de riposter, à tort. Quel président, quel général ou quel subalterne oserait contester le jugement d’une IA ? Et cette IA devrait-elle, elle aussi, prêter serment comme les autres ?

A mesure que l’Etat s’étend, la bureaucratie prolifère, et avec elle les pièges mortels qu’elle tend à ceux qui la laissent diriger leur vie.

Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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