Les media et les experts vivent en vase clos, coupés de la réalité de terrain et des critiques. Leur capacité à prévoir s’émousse comme le montre le Brexit.
Le Brexit a mis en lumière quatre faits importants.
Les médias et les experts sont en réalité des individus largement sujets à la partialité, et incapables de rester objectifs sur des questions majeures.
Les sondages et les analyses économiques ne sont plus précis.
L’ère de la centralisation est terminée.
Il n’y a pas de véritable plan B de prévu lorsque d’inévitables révoltes (politiques ou financières) se déclenchent.
Au cours des seize dernières années, il est devenu rituel que les « experts » et commentateurs passent à côté de problèmes majeurs – dédaignant certaines données ne confirmant pas leur opinion – pour proclamer ensuite, lorsque la crise éclate, que « personne n’a rien vu venir ».
Cela s’est produit à de nombreuses reprises ; la bulle Internet, la bulle immobilière, la crise de l’euro de 2011-2012, le marché haussier du dollar avec le krach des cours du pétrole de 2014, l’atterrissage brutal de la Chine ou le Brexit : les experts sont totalement passés à côté de problèmes criants.
Tout le monde est naturellement biaisé. Le problème actuel, au sein de la caste des « experts/médias », est que nombre d’entre eux ne côtoient que les membres de cette même caste.
Ce n’est pas grave de fréquenter des personnes qui partagent vos opinions. Toutefois, lorsque votre métier vous conduit à présenter au grand public vos opinions sous forme d’analyses factuelles, le biais de confirmation peut poser un réel problème.
La bulle dans laquelle vit Janet Yellen
C’est vrai, tout particulièrement, aux plus hauts échelons de l’élite politique et financière, telle que celle des banques centrales. Le fait est que des personnes comme Janet Yellen ne fréquentent que des responsables politiques de haut niveau et des banquiers de Wall Street. Même au sein des individus les plus riches de Washington, et disposant des meilleures relations, Janet Yellen se trouve isolée en raison de son rôle prépondérant au sein de l’économie.
« Dans les quartiers résidentiels de Georgetown, les habitants d’une résidence sécurisée de Hillandale vivaient retirés dans un calme absolu régi par un règlement de copropriété d’une cinquantaine de pages interdisant les clôtures, les motos, certaines nuances de peinture et espèces d’arbres, et d’avoir trop de chats et de chiens (pas plus de deux au total, par foyer)…
C’est alors que l’actrice la plus puissante en matière de politique économique, a emménagé dans la résidence et, selon les termes de certains habitants, détruit le quartier.
Selon les résidents, les contraintes liées à la sécurité de la nouvelle présidente de la Fed, Janet Yellen se sont abattues en début d’année dans l’impasse où elle vit, sous forme d’énormes camions chargés d’armes, de caméras et de pizzas à emporter. Un « camp militaire » aurait été installé, d’après une pétition présentée par des voisins inquiets (…)
Le gouvernement paye 5 000 à 6 000 $ de loyers par mois, ou plus, pour loger « tout un escadron de policiers », a déclaré l’avocat international William Shawn, qui vit à quelques pas des nouveaux venus, au bout de la rue. Est-ce vraiment nécessaire, afin de protéger une économiste non armée originaire de Brooklyn ? »
Source : The Wall Street journal
Sachant cela, l’idée que Janet Yellen soit un tant soit peu connectée « au quotidien de tout-un-chacun » est absurde.
Les personnes que côtoie la présidente de la Fed appartiennent au club des 0,1% les plus riches et ont vu leur fortune s’accroître de façon exponentielle grâce aux marchés haussiers, en Bourse et dans l’immobilier.
Janet Yellen est sans nul doute entourée d’individus qui reflètent sa propre conviction, à savoir que ses décisions politiques sont appropriées.
C’est pourquoi la Fed ne voit jamais arriver les bulles. C’est également pourquoi les prévisions de la Fed sont si inexactes. Peu importe le degré d’intelligence de ses responsables, ils n’en demeurent pas moins des êtres humains, avec leurs faiblesses et, notamment, ce biais de confirmation.
Les responsables de la Fed sont à l’extrémité du spectre politique, mais cela vaut la peine de souligner que les gens des médias sont tout aussi prompts à commettre les mêmes erreurs.
L’indigence des medias dénoncée par un « dircom » d’Obama
Cela se vérifie particulièrement lorsque l’on tient compte du risque qu’ils font courir à leur carrière s’ils critiquent ouvertement les personnes au pouvoir.
Voilà les propres mots de Benjamin Rhodes, conseiller national adjoint pour les communications, au sein du gouvernement Obama.
« Pour beaucoup de monde, il est difficile de mesurer la véritable ampleur du changement intervenu dans le secteur de l’information – 40% des professionnels de la presse écrite ont perdu leur emploi au cours de ces 10 dernières années– notamment parce que les lecteurs peuvent accéder à toutes l’actualité qu’ils souhaitent sur des réseaux sociaux tels que Facebook…
« Tous les journaux disposaient de bureaux à l’étranger », m’a-t-il dit.
« A présent, ce n’est plus le cas. Ils nous appellent pour qu’on leur explique ce qu’il s’est produit à Moscou et au Caire.
La plupart des organes de presse donnent des informations sur les événements se déroulant dans le monde depuis Washington. Le journaliste moyen, à qui nous parlons, est âgé de 27 ans, et sa seule expérience du journalisme consiste à assister aux campagnes politiques. C’est un changement radical. Ils ne connaissent rien, littéralement ». »
Source : New York Times
Les journalistes qui subsistent sont jeunes, globalement mal informés, et vont à la pêche aux informations auprès de ces mêmes personnes sur lesquelles ils sont censés faire des reportages ! Si c’est vrai en politique étrangère, ça l’est doublement en ce qui concerne la politique économique et financière. Combien de journalistes sont-ils titulaires d’un MBA ou bien ont-ils travaillé sur les marchés financiers ? Moins de 1% ?
Il est important de comprendre pourquoi des événements majeurs de type Brexit ne sont pas prédits avec justesse. C’est également la raison pour laquelle si peu de gens s’attendent actuellement à une récession aux Etats-Unis, ou à une dévaluation majeure du yuan chinois, à propos desquels je vous mets en garde depuis des mois.
Graham Summers
Graham Summers analyse les marchés internationaux pour Crise Or et Opportunités. Depuis le début de 2016, il a débouclé 25 positions toutes positives, avec des plus-values allant de 42,26% à 3,01% (moyenne de12,30%). Crises, Or et Opportunités est un service complet sur l’or et les minières. Pour en savoir plus…