La Chronique Agora

Bonne nouvelle/mauvaise nouvelle

Et ça ne va pas forcément nous faire rire !

Vous connaissez tous l’alternative-gag « j’ai une bonne, et une mauvaise nouvelle »… La bonne, quel que soit l’ordre de sa divulgation, est pire que la mauvaise, ce qui constitue le principal ressort comique du faux paradoxe.

Je vous propose donc son symétrique « positif » avec l’alternative suivante : bonne nouvelle, les marchés sont au plus haut et ils sont en mode « to the moon ». La mauvaise nouvelle – en fait, elle est multiple– c’est que :

Mais ce qu’il y a de très particulier dans l’alternative « bonnes nouvelles/mauvaises nouvelles » à la sauce « rallye de 2024 », c’est que les marchés se moquent totalement – « intégralement » serait encore plus approprié – des mauvaises nouvelles énumérées ci-dessus.

La preuve : la fin « bullish » du mois de février débouche sur une entame tonitruante du mois de mars, ce qui donne lieu à un feu d’artifices de records (S&P 500, Nasdaq Composite, Nasdaq-100).

Les commentaires entendus à la clôture le 1er mars font état d’un marché en mode « all-in ». Le rallye haussier entamé il y a 18 semaines présente de plus en plus de similitudes avec la période fin 1999/début 2000, avec cette variante singulière qu’il n’existe plus aucune phase de volatilité à la baisse.

Les indices US ont en effet bouclé une 18e semaine de hausse avec un gain hebdo de +1% pour le S&P500 et +2% pour le Nasdaq-100, alors que le secteur des semi-conducteurs s’envolait de +4% ce 1er mars, affichant un gain stratosphérique de +20% en 1 mois, ce qui est bel et bien comparable au comportement des « dot.com » fin 1999 début 2000.

L’indice « SOXX » des semi-conducteurs s’est tout simplement aligné sur Nvidia avec +4% : le n°1 planétaire a retracé son zénith à 826 $ et se hisse au-delà des 2 000 Mds$ de capitalisation (2 055 Mds$) et ravit ainsi la 3e place en terme capitalisation planétaire à Saudi-Aramco (2 036 Mds$).

Il s’est échangé chaque jour de la semaine passée un volume de 30 Mds$ sur Nvidia : c’est l’équivalent de deux semaines d’activité sur le marché parisien.

Nvidia est devenu Wall Street et Wall Street ne respire plus qu’au travers de Nvidia. Ce seul titre pèse plus que le secteur énergie (1 900 Mds$), ou plus que l’ensemble du secteur « immobilier » (environ 1 000 Mds$, en contraction en 2024) + « minier » (environ 750 Mds$) + l’ensemble des valeurs « aurifères » du monde entier (250 Mds$) qui affichent leur plus basse valorisation par rapport au S&P 500 depuis 20 ans.

Mais Nvidia ne représente même pas 1% du chiffre d’affaires de l’ensemble des valeurs de ces secteurs : c’est le plus grand « gap » de valorisation/chiffre d’affaires de l’histoire des marchés.

Nous pourrions conclure cette chronique par une nouvelle alternative : la bonne nouvelle, c’est qu’un seul titre vous procure plus de retour sur investissement en neuf semaines que 250 autres en neuf mois… et Wall Street est convaincu que c’est bien parti pour durer.

La mauvaise nouvelle, c’est que l’élément de langage « la Russie nous menace, la Russie nous attaque » fait irruption dans nos médias moins de six mois après le vote d’une disposition élyséenne autorisant l’Etat français à réquisitionner hommes, moyens financiers et matériel non plus en cas de conflit, mais de « menace » (un mot qui revient un peu trop souvent).

Ne pas oublier l’article 16 de la Constitution de la Ve République qui, en « période de crise », permet de donner des « pouvoirs étendus » ou « pouvoirs exceptionnels » au président de la République française… et une réquisition fait désormais partie de ses options.

Plutôt qu’une réquisition, Bruno Le Maire évoque pour l’instant un grand emprunt « mutualisé » paneuropéen pour affecter l’épargne « dormante » à des projets prioritaires comme la décarbonation et la « souveraineté européenne » (comprendre l’effort de réarmement dans un contexte de désengagement financier des Etats-Unis).

Mais là encore, les investisseurs s’en fichent et assimilent cela à de la « gesticulation », du bruit de fond sans intérêt, puisque rien ne peut arrêter le rallye de Nvidia, sauf peut-être une hausse de l’or au-delà de 2 100 $/oz, qui démontrerait que les acheteurs d’or ont compris quelque chose que les détenteurs d’actions ne veulent ni voir, ni comprendre depuis trop longtemps.

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