La Chronique Agora

Du bon usage de l’ironie

▪ Eh bien ! Votre correspondante a mis les pieds dans le plat ! Ma chronique du week-end dernier a suscité remous et réactions jusqu’au sein de notre rédaction.

En cause ?

Cette petite phrase : « peut-on vraiment blâmer le gouvernement ? Les caisses sont désespérément vides, la catastrophe est à nos portes… il faut bien prendre de l’argent quelque part ».

Le sang de notre lecteur P.M. n’a fait qu’un tour à la lecture de ces mots. « Je vous lis avec plaisir, et notamment votre dernier article sur la fuite des riches et des entrepreneurs devant le racket gouvernemental », m’a-t-il écrit.

« [Mais] franchement, je ne comprends pas comment vous pouvez manifester une telle indulgence. Voilà une classe politique incapable d’équilibrer un budget depuis 1975, qui dépense des sommes folles pour se faire élire, qui gaspille des centaines de millions en dépenses somptuaires ou inutiles pendant des années, qui ne crée aucune richesse, qui ne vit que grâce au travail des entrepreneurs, et qui, lorsqu’elle a vidé les caisses, mord la main qui la nourrit en décrétant qu’il est temps que les riches contribuent à l’effort national ! De qui se moque-t-on ? Ce sont les riches, justement, qui créent la richesse nationale, qui tiennent à bout de bras tout le corps social, depuis des dizaines d’années, en dépit des impôts sans cesse alourdis, des charges sociales écrasantes, des tracasseries administratives et de la gabegie généralisée ! »

« […] Je vous en prie, ne vous laissez pas intoxiquer par le discours ambiant. Il est faux et délétère. C’est cette classe politique en France, en Italie, en Amérique, qui est à l’origine de tous nos malheurs, c’est elle qui a créé les subprime avec ses copains banquiers pour permettre aux classes populaires d’acquérir des maisons qu’elle ne pouvaient pas payer, c’est elle qui crée des déficits colossaux dans tous les pays développés. C’est elle qui triche sans vergogne avec le libéralisme pour le rendre finalement responsable de la crise alors qu’il n’y est pour rien ».

▪ Un autre lecteur, R.R., était encore plus sévère : « il est extrêmement curieux qu’une spécialiste en placements financiers oeuvrant au sein d’une équipe prétendant donner, contre rémunération, des conseils fiables en matière de placements, utilise elle aussi la langue de bois. Cela ne peut nuire, ce me semble, qu’à sa crédibilité en matière de conseil ».

« En réalité, même s’il est patent que le contexte économique est difficile, la solution du redressement économique ne passe certainement pas par la poursuite d’une politique suicidaire ».

Même Simone Wapler, rédactrice en chef de La Stratégie de Simone Wapler, a remis les pendules à l’heure lors d’une discussion entre deux réunions : « mais enfin Françoise ! Bien sûr que le gouvernement est à blâmer ! Voilà des décennies qu’ils font n’importe quoi, et maintenant, ils se servent directement dans nos poches — sans aucune contrepartie. On n’en trouvera pas un pour dire ‘c’est vrai, on vous demande un effort maintenant, mais en échange, voilà ce que nous faisons de notre côté’. »

▪ Votre correspondante se le tient pour dit !

Mais permettez-moi quand même d’ajouter quelques éléments pour ma défense… Pour commencer, j’avais écrit cela avec une bonne dose d’ironie — la preuve une fois encore que le second degré ne passe pas toujours bien à l’écrit.

Plus important, ce que je voulais dire par cette phrase est en fait ceci : c’est dans la nature du gouvernement — tous les gouvernements, quels qu’ils soient — que d’utiliser ses électeurs sans vergogne pour arriver à ses fins. Un peu comme il est dans la nature du crocodile de happer la première gazelle qui passe à sa portée. Et cela même s’il s’agit d’une « nature » particulièrement perverse et distordue — la politique.

Dans les circonstances actuelles, où les caisses sont vides, les ronds-de-cuir et autres politicards ne peuvent plus avoir recours aux écrans de fumée habituels ; leurs trucs et astuces — assouplissement quantitatif, plans de « relance » et autres usines à gaz — ne fonctionnent plus.

Alors que font-ils ? Comme le crocodile, ils se mettent en chasse.

Peut-on les en blâmer ? Oui et non.

En tout cas, on n’est pas obligé de leur servir de proie facile.

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
La Chronique Agora

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