La Chronique Agora

Bomb bomb bomb… bomb Iran

** Quelque chose a mal tourné le vendredi 6 juin… et les mauvais chiffres de l’emploi américain n’expliquent pas tout. Il y a eu des précédents — et des sévères — sans que les gérants jugent bon de balancer leurs portefeuilles boursiers par dessus bord.

Et surtout, a-t-on jamais vu un signal clairement récessionniste aux Etats-Unis provoquer une flambée de plus de 10% du baril de pétrole en quelques heures ?

** Mais revenons 48 heures en arrière: Les indices boursiers européens étaient à la croisée des chemins mercredi. Tous les espoirs étaient permis alors que le Nasdaq 100 et le Composite avaient opté jeudi soir pour le scénario haussier en débordant d’importantes résistances moyen terme (2 040 et 2 535 respectivement). Cependant, nous assistons à un troisième ou quatrième faux signal tendanciel majeur depuis la mi-mars, et ce qui aurait pu constituer l’ébauche d’un retracement des niveaux de fin 2007 se transforme en un vilain scénario baissier pour la quinzaine précédant la journée des Quatre sorcières qui marquera la fin du premier semestre le 20 juin prochain.

Le CAC 40, qui semblait aspiré vers les 5 000 en début de séance ce vendredi (+0,7% à 4 970 points) dans le sillage de Wall Street, dévissait finalement de 2,28% en clôture, sous les 4 800 points. Cela porte le repli hebdomadaire à 4,4%, effaçant ainsi tous les gains engrangés depuis le 15 avril dernier.

Le bilan s’avère pire encore pour l’Eurofirst (-2,35%) dont le recul hebdomadaire dépasse les 4,5%… Ce sont d’un coup tous les gains engrangés depuis le 28 mars dernier qui partent en fumée.

La débâcle a coïncidé avec la publication du taux de chômage américain, qui fait un bond — sans précédent depuis février 1986 — de 0,5% (à 5,5%) au mois de mai. Cela fait 800 000 chômeurs supplémentaires (mais comment de tels chiffres ont-ils pu être calculés ?), tandis que l’économie américaine aurait détruit 45 000 emplois, conformément aux prévisions.

Le dollar, qui était déjà en perdition depuis jeudi suite aux déclarations de J.C. Trichet induisant une hausse de taux imminente, chutait de 1% supplémentaire à 1,5750/euro (venant de 1,5370 jeudi matin).

** Les arbitrages au profit du pétrole semblent avoir obéi à un « effet ketchup » (on tapote, on tapote le fond de la bouteille… puis ça part d’un seul coup). Le baril enregistre une flambée sans précédent de 11% en 24 heures d’horloge  — un écart historique –, passant de 122 $ à 135,5 $, puis 134,1 $ à 17h15.

A Wall Street, ce scénario presque surréaliste, non prévu dans les manuels de trading destinés aux spécialistes de l’or noir — sauf en cas d’incident géopolitique majeur — n’est pas du goût des valeurs industrielles, les premières concernées. Le Dow Jones s’est donc rapidement effondré de 250 points (soit -2,3%), le Nasdaq 100 et le S&P 500 lâchant les 1,9% engrangés la veille.

C’est une véritable douche froide qui s’est abattue sur les marchés européens, avec 100% de valeurs en repli au sein du CAC 40 — qui vient de connaître sa pire semaine depuis début février. Les valeurs vulnérables à la hausse des carburants ont été laminées, à l’image d’Air France/KLM (-5,95%), Renault (-5,55%), Michelin (-3,95%) ou Peugeot (-2,55%). Cependant, les valeurs dollar subissaient également l’impact d’une spectaculaire remontée de l’euro : Alcatel replongeait de 4,3%, EADS de 3,9%, STMicro de 3,5% et Saint-Gobain de 3,5%.

Total et Gaz de France (-1% et -0,75% respectivement) affichaient les baisses parmi les moins importantes des valeurs du CAC 40. D’autres titres tels qu’Arcelor Mittal (-0,7%) ou Vallourec (-0,25% alors que le ramassage amorcé mi-mars se poursuit), très corrélés aux matières premières, figurent dans le trio de tête des replis les plus mesurés du jour.

Crédit Agricole a longtemps résisté à la déprime ambiante mais cède au final -2% à 13,86 euros… Une bonne partie des 1,7 euros perdus correspondent au droit préférentiel de souscription mais le repli hebdomadaire avoisine 18,5% sur l’ensemble de la semaine. Les questions relatives à l’ampleur inattendue — et non-élucidée par la banque — de l’augmentation de capital de six milliards d’euros restent ouvertes : la création de 33% de titres supplémentaires est bien supérieure aux anticipations.

** Nous serons fixés dès ce lundi soir sur le caractère accidentel ou non de l’explosion historique des cours du pétrole, suite à une déclaration d’un ministre israëlien — largement occultée par les principaux médias occidentaux ce week-end — affirmant que les avancées iraniennes en matière de nucléaire militaire rendaient un bombardement des installations « inévitable ».

Le terme « inévitable » pouvait-il être évité ? Le candidat McCain, qui égayait récemment un de ses meetings politiques d’une adaptation toute personnelle d’un grand standard des Beach Boys (Barbara Ann) en fredonnant « bomb, bomb, bomb… bomb, bomb Iran » a-t-il une petite idée sur la question ?

Philippe Béchade,
Paris

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