La Chronique Agora

Après les Bitcoins, l’or et l’argent-métal, à qui le tour ?

banques centrales

Nous n’allons pas jouer les savants ni les historiens de l’or — d’autres que nous ont décrit avec talent les spectaculaires fluctuations du métal précieux depuis la création de la Fed –, mais s’il est un seul constat que nous souhaitons partager, c’est que pour la première fois en 100 ans, le coup de tabac s’est déclenché sans catalyseur clairement identifiable.

C’est surtout la première fois que l’or s’effondre une semaine seulement après qu’une banque centrale de premier plan ait annoncé recourir de façon illimitée à la planche à billets.

La Bank of Japan inonde depuis 10 jours la planète de billets de Monopoly, regonfle toutes les bulles d’actifs (dettes souveraines, obligations à hauts rendements, actions et ETF)… et la seule qui éclate, c’est précisément celle qui s’est, aux dires de certains, constituée en réaction face à l’impression de fausse monnaie tous azimuts.

La principale raison avancée par les faussaires — et ceux qui les encensent — c’est qu’il y a beaucoup mieux à faire avec les torrents de liquidités déversées par la BoJ et la Fed que d’acheter un actif qui ne rapporte rien.

Cette posture intellectuelle s’appuie sur la conviction que l’accélération de la croissance est déjà en marche… ce que toutes les dernières statistiques et prévisions officielles démentent, au passage. Mais si par extraordinaire la reprise se faisait trop attendre — une hypothèse à peine imaginable –, alors il est quasiment assuré que la BCE se lancerait à son tour à corps perdu dans l’impression monétaire, comme ses principales consoeurs, les banques centrales à irresponsabilité illimitée.

Autrement dit, pour sortir l’Europe de l’ornière, Mario Draghi n’aurait d’autre choix que de recourir à une stratégie qui ne fonctionne pas depuis plus de 20 ans au Japon et qui ne crée même pas 1,5% de croissance réelle aux Etats-Unis depuis quatre ans (une fois les dépenses de l’Etat déduites des dépenses entièrement financées, comme de juste, par la planche à billets).

Nous entendons de plus en plus de stratèges affirmer que plus les prochaines statistiques en provenance d’Europe seront mauvaises (voire catastrophiques sur le front de l’emploi), plus nous verrons le CAC 40 et l’Euro-Stoxx 50 grimper. Eh oui : cela ne fera qu’accentuer la pression sur la BCE pour qu’elle précipite la monétisation des dettes européennes, ce qui devrait survenir dès cet été, avec ou sans l’assentiment d’Angela Merkel et de la Bundesbank.

▪ Imprimer sans limite ou périr économiquement, il faut choisir !
L’Allemagne se contente depuis fin 2009 (et le surgissement de la crise grecque) de repousser l’échéance, lâchant ponctuellement du lest en prenant bien soin de ne pas donner le sentiment de perdre la face… Oui, mais chacun sait bien que Mario Draghi attend simplement qu’Angela Merkel détourne pudiquement les yeux pour appuyer sur le gros bouton rouge qui commande la mise en marche des rotatives de la BCE.

Nous faisons partie de ceux qui anticipent depuis la crise de 2008 une sortie de l’Allemagne de la Zone euro si Super-Mario prenait le relais de Ben Bernanke. La chancelière ne cautionnera pas un tel renoncement aux principes fondateurs de la monnaie unique à la sauce Bundesbank.

Ce n’est pas un hasard si un parti prônant le rejet de l’euro — enfin, d’une monnaie se comportant comme le yen plutôt que l’ex-deutschemark — vient de voir le jour outre-Rhin. Voici l’Allemagne rattrapée par la récession qui frappe ses partenaires incapables de se développer avec une monnaie forte (1,32 $ mardi soir).

Car l’Allemagne s’en sort grâce au pouvoir d’achat de l’euro… auprès de fournisseurs qui sont précisément encore hors de la Zone euro, comme la Chine, la Pologne et autres ex-pays de l’est.

Imaginez la France se fournissant à bas coût au Maroc ou au Vietnam puis apposant au moment d’emballer les produits le label « pur luxe made in France » avant de le revendre au prix fort à l’Allemagne.

Nous pouvons être à peu près certains que la presse germanique ne tarderait pas à appeler au boycott de la maroquinerie et des parfums français fabriqués hors de nos frontières…

▪ Pourquoi le boycott de l’or ?
Mais il nous faut revenir à l’autre sujet du moment qui est le boycott de l’or. Le rouleau compresseur de la propagande pro-actions et actifs risqués déboule à toute vapeur depuis que le métal précieux se trouve déboulonné du piédestal sur lequel était gravé « valeur refuge, sans rendement certes — mais surtout sans dettes ».

Que vaut le rendement de nombreuses entreprises cotées qui s’endettent pour distribuer de plus copieux dividendes à leurs actionnaires tandis qu’ils gèlent leurs investissements et réduisent par tous les moyens leur masse salariale ?

Et n’oublions pas qu’Apple s’est longtemps abstenu de verser la moindre rémunération à ses actionnaires, accumulant jusqu’à 100 milliards de dollars de liquidités… Une masse d’argent stockée dans une myriade de paradis fiscaux car si elle refaisait surface aux Etats-Unis, le fisc en confisquerait plus du tiers (35% contre 34% en France).

Est-ce que les super-profits d’Apple non distribués sont fondamentalement plus utiles aux actionnaires qu’une pile de Napoléons ou de pièces de 20 $/or bien au chaud dans un coffre personnel ?

Essayez donc de récupérer vos dividendes virtuels sur Apple aux Bermudes ou à Singapour et de les rapatrier en France ni vu ni connu afin d’éviter une taxation à 40% !

Et qu’est-ce qui garantit qu’une action aujourd’hui profitable « délivrera » ses 4% de rendement avec une régularité de métronome durant 10 ans comme une OAT françaises des années 2000 ?

Il suffit de jeter un coup d’oeil sur les prévisions de croissance du chiffre d’affaires des vedettes du S&P 500 en ce début de deuxième trimestre 2013. Près de huit entreprises sur 10 revoient leurs perspectives à la baisse ; Intel, qui publiait ses trimestriels mardi soir, a fait état d’un recul de plus d’un quart de son bénéfice net à trimestre comparable.

Le consensus des analystes rendu public au cours des dernières semaines réitère quant à lui la stratégie consistant à viser des objectifs « peu ambitieux » afin de ménager le maximum de possibilités d’annoncer de « bonnes surprises ».

▪ Les marchés reprennent du poil de la bête
Le terrain est déjà bien préparé afin que Wall Street ne se déclare pas déçu. Il n’est donc pas surprenant que le Dow Jones ait repris 1,08% le Standard & Poor’s 1,43% ce mardi.

Surfant sur une déferlante de résultats (Citigroup, Goldman Sachs, Yahoo!…), Wall Street a nettement amplifié ses gains au cours de la dernière heure de cotation hier. Les algorithmes haussiers ont « fait le job » en propulsant tous les indices vers les plus hauts du jour au coup de cloche final.

Les volumes ne suivent pas, toutefois, puisqu’il ne s’est échangé que 550 millions de titres sur le S&P 500 contre 700 millions lors du sell off de lundi. Le rebond final s’explique donc bien davantage par l’abstention des vendeurs que par une vague de fond de rachats à bon compte.

L’un des principaux moteurs de la hausse, ce fut à notre avis l’expiration des produits dérivés sur le VIX mardi soir. Tout a été fait afin de limiter la casse pour les vendeurs de volatilité (de gros institutionnels principalement), lesquels avaient été mis à mal la veille par une envolée hors norme de 43% du VIX vers 17,3, largement imputable à un facteur totalement imprévisible tel que le premier attentat sur le sol américain depuis 11 ans et sept mois.

Mais le VIX pu être ramené hier soir sous les 14 à la toute dernière minute (soit -19,5%) ce qui a certainement évité de lourdes pertes aux vendeurs de volatilité après le carnage de lundi.

Pas question en revanche d’intervenir sur le marché des métaux précieux pour propulser l’once d’or au-dessus des 1 400 $/once ! Bien au contraire, la campagne de dénigrement du métal précieux a repris de plus belle avec un seul mot d’ordre pour ceux qui auraient conservé quelques pièces et quelques lingots : vendez, vendez tout avant que l’once ne dégringole sous les 1 300 $… et achetez des actions, il n’y a pas d’autre choix.

La preuve, Wall Street est déjà revenu à 1% de ses records absolus alors que la relique barbare affiche -30% sur ses sommets… et bientôt -40% comme c’est parti !

Il y a une semaine, les Bitcoins, un actif de substitution « incontournaââble » géré par des algorithmes (cela lui fait au moins trois points communs avec les actions) inscrivait un record historique avec 90% des opérateurs haussiers (cela fait un quatrième point commun avec les actions)… Vous connaissez la suite !

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