La Chronique Agora

Bitcoin : qui a vu le flash-krach ?

golden bitcoin, conceptual image for crypto currency

Le Bitcoin est-il un actif de réserve ou simplement un formidable instrument spéculatif ?

La semaine passée, la crypto-sphère a fêté dans l’euphorie le franchissement du seuil psychologique des 100 000 dollars par le Bitcoin.

La plus célèbre des crypto-monnaies a même profité de son élan pour dépasser, avant de matérialiser son premier repli, les 103 000 dollars. Entre mercredi soir et jeudi matin, le jeton s’est offert une progression en ligne droite de 8,8%, bondissant de 94 900 dollars à 103 360 dollars.

Cette performance remarquable a été saluée comme il se doit par la sphère financière et la presse économique.

Moins médiatisé a été le flash-krach qui a emporté le Bitcoin lors de l’épisode d’incertitude politique extrême en Corée du Sud. En une demi-heure, la crypto-monnaie a perdu le tiers de sa valeur.

En une semaine, la crypto-monnaie nous a dévoilé deux de ses caractéristiques essentielles. Oui, elle permet aux spéculateurs de générer des gains inédits. Non, il ne s’agit pas d’un réservoir de valeur capable de protéger un patrimoine en cas de crise.

Le plongeon du Bitcoin durant la phase aigüe de la crise coréenne a effacé 30% de sa valeur en quelques dizaines de minutes. Infographie : TradingView

Alors que la question d’un investissement « de bon père de famille » dans le Bitcoin ne manquera pas d’être sur toutes les lèvres lors des repas de fin d’année, l’épisode coréen doit rappeler aux potentiels acheteurs que la crypto-monnaie – si rentable qu’elle puisse être lors de ses phases haussières – est un très mauvais réservoir de valeur durant les périodes troublées.

Son achat ne doit être envisagé qu’à des fins spéculatives, avec une stratégie d’entrée et de sortie clairement établie à l’avance.

Les spéculateurs aux anges

Le franchissement du seuil des 100 000 dollars a ravi les investisseurs « to the Moon » (« visez la Lune » en français), qui clament depuis des années qu’il n’existe aucune limite haute à la valeur du Bitcoin.

Il est vrai qu’après avoir échoué à plusieurs reprises à franchir les 70 000 dollars, les sceptiques voyaient le prix de la crypto-monnaie condamné à évoluer sur des niveaux à cinq chiffres. Les 100 000 dollars, qui faisaient office d’objectif inatteignable destiné à faire rêver les foules, sont désormais une réalité. Les optimistes étaient donc des précurseurs.

Une fois le cap des 100 000 dollars franchi, les prédictions des plus enthousiastes qui voyaient le Bitcoin atteindre le million paraissent nettement moins farfelues qu’auparavant.

Et s’il n’existait vraiment aucune limite à la hausse ? La valeur à terme du Bitcoin, dont le nombre de jetons est limité, et qui s’exprime en monnaies fiduciaire dont la quantité augmente exponentiellement, serait-elle infinie ?

Le fait est que non seulement le Bitcoin possède une volatilité qui permet les allers-retours spéculatifs, mais sa détention « buy and hold » s’avère également rentable quelle que soit la date d’achat. Comme pour tout actif atteignant un plus haut historique, tous les détenteurs de Bitcoin du monde avaient leurs lignes dans le vert lors du franchissement des 100 000 dollars.

En tant que véhicule spéculatif, le Bitcoin a donc tenu toutes ses promesses. Certes, il est habitué des corrections violentes et ceux qui le détiennent depuis ses débuts ont dû garder le cap lorsqu’il perdait jusqu’à 73% de sa valeur. S’ils détiennent encore des BTC aujourd’hui en portefeuille, c’est qu’ils n’ont pas non plus réalisé leurs gains à 10 000 dollars, ni à 50 000 dollars, ni à 75 000 dollars. En l’absence de toute référence, vendre à 100 000 dollars plutôt qu’attendre les 200 000 dollars ou les 500 000 dollars relève d’une décision purement arbitraire.

Mais ce type de défi est inhérent à la spéculation et ne doit pas être considéré comme un défaut du Bitcoin. En revanche, sa tendance à l’effondrement lors des périodes de tension fait de la crypto-monnaie l’inverse d’un réservoir de valeur.

La fin du mythe de l’or numérique

Ceux qui considèrent le Bitcoin comme un « or numérique » en seront pour leurs frais. Bien sûr, le jeton possède deux qualités fondamentales qui le rendent supérieur au métal jaune : il peut être transféré à l’autre bout du monde en quelques clics, et un jeton peut être fractionné à l’envi.

Il règle donc deux problèmes qui limitent l’usage de l’or physique comme monnaie en temps de crise : sa capacité à être transféré en toute sécurité, et sa difficulté à être divisé. Se faire surprendre à une frontière ou dans une ruelle sombre avec une valise pleine d’or n’est pas une situation d’avenir ; et un lingot d’or est bien inutile pour régler de menus achats lorsque le temps presse.

Le Bitcoin répondant à ces deux besoins mieux que l’or, il aurait pu être privilégié par les agents économiques lors des périodes tendues.

Cette année, deux contre-exemples sont venus prouver que tel n’est pas le cas.

La semaine passée, le président sud-coréen a tenté d’imposer au pays la loi martiale au coeur de la nuit. Une période de grande incertitude s’en est suivie, et les forces armées ont tenté d’empêcher les députés d’accéder au Parlement – un épisode de chaos qui renvoie le pays des décennies en arrière.

Même si cette situation inattendue s’est résolue en quelques heures, les plateformes d’échange de Bitcoin asiatiques ont été submergées par des ventes massives, dans des volumes exponentiels.

Cet épisode prouve que, lorsque l’armée est dans les rues, le premier réflexe des agents économiques est de vendre le Bitcoin – pas d’en acheter.

Le Bitcoin ne s’était pas non plus illustré cet été, lors du krach mondial sur les marchés actions. Entre le 31 juillet et le 5 août, tandis que le S&P 500 cédait 6% et que le CAC 40 abandonnait 5%, le Bitcoin s’effondrait de 17%. Malgré la course à la liquidité, l’or restait quasi-stable (-1,2%) et repassait en territoire positif quatre jours plus tard.

Evolution comparée du S&P 500 (en bleu), du CAC 40 (en vert), de l’or (en jaune) et du Bitcoin (en orange) lors du krach estival

Warren Buffett a coutume de dire que « c’est lorsque la marée se retire que l’on voit qui se baigne sans maillot ».

Sur les marchés, c’est lorsque la panique gagne que les valeurs refuge s’illustrent. Preuve est faite que le Bitcoin n’en fait pas encore partie. Ceux qui se laissent tenter par les sirènes d’une crypto à 1 million de dollars doivent l’acheter en toute connaissance de cause : il ne s’agit toujours pas d’une monnaie, toujours pas d’un actif de réserve.

Simplement d’un formidable instrument spéculatif.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile