La Chronique Agora

Le bitcoin est-il déjà une monnaie ?

bitcoin cryptomonnaieLe bitcoin possède certains attributs d’une monnaie. Mais est-il une véritable alternative aux monnaies fiduciaires ?

Le premier attribut d’une monnaie est d’être un moyen de paiement et d’échange. Une monnaie ne peut donc être partiellement populaire et partiellement utilisée.

Certes, il se trouve que l’utilisation de bitcoins a fortement progressé ces dernières années. On peut évoquer les 125 000 commerçants qui acceptent aux Etats-Unis les règlements en bitcoins. Il y a également le NYSE (New York Stock Exchange) qui a introduit en 2014 la plateforme d’échanges américaine Coinbase.

Plus récemment, nous avons appris qu’une société japonaise, GMO Internet, va proposer à ses salariés la possibilité de percevoir jusqu’à 100 000 yens de leur paie mensuelle (autour de 750 €) en bitcoin.

Nous ne pouvons ignorer que de plus en plus de commerçants en Europe et en France acceptent le paiement en bitcoin…

Mais pour que le bitcoin soit un jour un moyen de paiement universel, il faudrait qu’une autorité juridique ou politique unanimement acceptée par l’ensemble des membres d’une communauté garantisse leur valeur aux unités, leur conférant alors un caractère fiduciaire.

N’oublions jamais que la monnaie est une créature plus ou moins affirmée de l’Etat (quel que soit la sympathie que l’on ait pour les représentants de cet Etat et quelle que soit sa forme institutionnelle). C’est en partie pour cette raison que l’inflation et les déficits existent.

La création monétaire des banques centrales restera-t-elle impunie ?

Le bitcoin veut se libérer d’une monnaie « manipulée » par un gouvernement ou une banque centrale. Les partisans du bitcoin vous diront que c’est une monnaie non manipulable et donc réserve de valeur. C’est vrai qu’on ne peut pas « battre monnaie » comme pour du dollar ou de l’euro. En effet, il faut utiliser d’énormes puissances de calcul, coûteuses, pour pouvoir miner de nouvelles pièces de bitcoins.

Contrairement à la monnaie fiduciaire de l’Etat, le bitcoin ressemblerait dans son processus de création à la façon dont l’or a été extrait du sol. C’est l’argument majeur de ses partisans.

La création monétaire massive des grandes banques centrales du monde (Fed, BCE, BoE,BoJ, BNS,…) durant ces 10 dernières années est un exemple de « manipulation ».

Cela fait surgir un risque de crise des monnaies fiduciaires. Et par conséquent, une crise de la légitimité des banques centrales.

En créant de la monnaie, la banque centrale émet une dette sur elle-même non exigible. Cela, bien sûr, tant que la monnaie émise est acceptée comme moyen d’échange, de paiement, de transaction et de réserve. On imagine mal qu’il en soit autrement dans une économie moderne.

L’inflation et a fortiori l’hyperinflation ne sont pas vraiment d’actualité.

Il faut des circonstances économiques et politiques exceptionnelles pour préférer la monnaie marchandise toujours limitée (or et peut-être le bitcoin en considérant la blockchain inviolable) à la monnaie crédit fabriquée en quantité illimitée (dollars, euros, yens,…).

On pense à l’Allemagne des années 1920, à l’Argentine en 2001-2002 ou au Zimbabwe et au Venezuela d’aujourd’hui.

Instabilité et volatilité du bitcoin

La monnaie doit être un étalon de valeur pour permettre et faciliter le calcul économique et rendre les transactions équitables. Comment envisager que le bitcoin remplisse ce rôle puisqu’il peut varier de plus ou moins 20% en quelques heures ?

Vous pouvez être inquiet à terme sur les monnaies fiduciaires. Mais ne croyez pas pour autant au bitcoin. La vraie et seule alternative aux monnaies fiduciaires nous semble encore et toujours être l’or.
[NDLR : D’ailleurs l’or recommence à monter, en toute discrétion… Il a franchi une résistance majeure de 1 300 $ l’once en fin d’été. L’augmentation des taux d’intérêts sur l’immense fardeau de dettes que porte le monde nourrit les inquiétudes.  L’or, le seul actif financier qui ne soit la dette de personne, est promis à un bel avenir. Découvrez ici comment démultiplier sa hausse.]

On viendra peut-être nous dire « vous êtes un ignare, vous ne comprenez rien à la blockchain, faites confiance aux experts qui savent ».

Les experts sont faillibles

Souvenons-nous qu’il fallait faire confiance aux experts de la nouvelle économie en 2000 avec les valeurs TMT (technos, médias, télécoms) peu avant l’éclatement de la bulle Internet, ou encore aux experts des CDO, CDO de CDO en 2006-2007 peu avant la crise des titrisations subprime ou même aux experts des finances publiques en 2009 quelques mois avant le début de la crise des dettes souveraines périphériques de la Zone euro. La mémoire des marchés financiers est désespérément faible.

Alors le bitcoin qui a cassé les 10 000 $ le 30 novembre 2017 puis 15 000 $ le 7 décembre et 19 600 $ au plus haut le 17 décembre vaut-il 0 ou vaut-il 50 000 $, voire 100 000 $ ?

Peut-être qu’il vaudra un jour 100 000 $ mais pendant combien de temps et y restera-t-il ? Nous pensons toutefois que la probabilité que le bitcoin vaille à terme 0 est très forte.

Nous sommes en présence d’un objet financier non identifié qui ne possède pas vraiment les attributs d’une monnaie.

N’oublions pas le bon sens de Warren Buffett : « le prix est ce que vous payez. La valeur est ce que vous obtenez. »

On sait que 40% de la capitalisation du bitcoin est détenue par un petit millier de personnes. En cas de krach sur le bitcoin, on ose à peine imaginer les risques de crise systémique, si parmi ce millier il y avait de très grosses positions détenues par un gros investisseur institutionnel, une grande banque, un gros fonds de pension ou un gros hedge fund.

Les pertes massives de ces acteurs les obligeraient alors à vendre en catastrophe des actifs traditionnels pour absorber leurs moins-values.

L’ironie de l’histoire est que l’on expliquerait sans doute cette crise par la folle création monétaire des banques centrales qui aura conduit à inonder le monde financier de liquidités, lesquelles liquidités auront conduit entre autres à la folle spéculation sur le bitcoin.

Mais au fait, quelles sont les méthodes d’évaluation des acteurs institutionnels investis en bitcoin ? C’est ce que nous verrons demain.

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