La Chronique Agora

Bitcoin, le nouveau « langage » de l’argent ?

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▪ Il y aura encore beaucoup d’avis — des pour et des contre — sur le sujet des Bitcoins. Si l’on ne tire rien d’autre de cette expérience, cela nous aura au moins incités à remettre en question certaines « vérités » non encore vérifiées sur ce que nous pensions savoir de l’argent…

L’un des blocages mentaux que je rencontre chez les adeptes de « l’argent physique » (dont vous faites à mon avis partie pour beaucoup d’entre vous, chers lecteurs), est que le Bitcoin est, par nature, intangible. Ils voient cela comme nécessairement négatif, a priori.

Le problème réside dans l’assemblage des concepts « fiduciaire » et « intangible ». On part de la supposition que le dernier est synonyme du premier, ce qui n’est tout simplement pas le cas. Il s’agit, plutôt, d’une erreur de déduction assez classique : toutes les monnaies fiduciaires sont intangibles, par conséquent toutes les monnaies intangibles sont fiduciaires.

Cela ressemble un peu à l’exemple éculé : « Tous les pouces sont des doigts… par conséquent tous les doigts sont des pouces ».

C’est faux.

Toutes les monnaies intangibles ne sont pas fiduciaires, comme le prouve le Bitcoin. Fiduciaire désigne une monnaie que l’on déclare avoir de la valeur simplement parce que l’Etat le décide (du latin fiducia, confiance). Le Bitcoin n’est rien de ce genre. Il ne repose que sur une valeur subjective, c’est-à-dire une valeur qui lui est attribuée par des individus volontaires qui, après avoir évalué ses caractéristiques, déterminent son utilité comme moyen d’échange dans un contexte donné (un contexte numérique par exemple). C’est l’exact opposé de la valeur par décret… par coercition… par violence. C’est la valeur par une détermination de marché volontaire.

▪ Les monnaies intangibles ne sont pas forcément à bannir !
Les adeptes de l’argent physique ont raison de ne pas faire confiance à l’Etat, au vu de ses résultats catastrophiques en termes de destruction du pouvoir d’achat par le biais de l’inflation. Mais ils ont tort de jeter la valeur potentielle des intangibles avec l’eau du bain putride des fiduciaires.

Il y a beaucoup d’intangibles auxquels nous attachons une valeur immense. Les mathématiques… le langage… la logique… les idées… l’amour… et j’en passe…

Le fait que le Bitcoin soit intangible est, peut-être de façon contre-intuitive, considéré par beaucoup comme l’une des ses plus attirantes caractéristiques. D’abord, il élimine quasiment les coûts de stockage. Même chose pour les coûts et les temps de transport. Et, malgré ce qu’en disent les banques centrales, il est plus ou moins impossible de l’interdire (contrairement par exemple à la détention privée d’or…) Bien sûr, ils pourraient établir des règles mais les appliquer serait comme interdire la langue anglaise… ou l’algèbre… ou de mauvaises pensées à propos de la femme du voisin…

D’une certaine façon, le Bitcoin est le « langage » de l’argent : il est égalitaire, dans le sens où il est disponible pour tous de la même manière (il n’existe pas d’autorité centrale qui émet d’abord des Bitcoins pour quelques privilégiés… contrairement, par exemple, à toutes les monnaies fiduciaires de la planète.)

Il peut évoluer et s’adapter (le protocole Open Source permet cela.) Il est démocratique, dans le sens où son prix est établi par des millions d’individus librement associés — le marché — qui « votent » chacun avec son portefeuille bitcoin. (Voilà un contraste rafraîchissant par rapport aux prix truqués de l’argent déterminés par les prétentieux surdiplômés de la Fed.)

Il est entièrement transparent, puisque n’importe qui téléchargeant le client bitcoin peut voir tout l’historique des transactions… mais il est également privé puisque les utilisateurs peuvent assez aisément cacher leur identité aux yeux trop curieux.

Il fonctionne beaucoup comme un langage, communiquant des informations à la fois d’individu à individu et de transaction individuelle au réseau entier, distribué. C’est une monnaie numérique pour l’ère numérique.

Naturellement, personne ne sait où cela nous mènera… sauf que c’est vers un domaine inexploré. Comme l’a dit quelqu’un récemment, soit le Bitcoin reviendra à zéro… soit il affichera beaucoup, beaucoup de zéros.

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