Suite de notre tour d’horizon du secteur des biotech, entamé hier…
▪ L’argent est, comme partout, le nerf de la guerre. Le cycle de développement d’un produit biotech demande 800 millions d’euros et dure de dix à treize années, sans aucune garantie de mise sur le marché. Les biomédicaments disposent d’une longue protection et sont difficiles à copier, même si les biosimilaires, leurs génériques, commencent à pointer leur nez.
Les grandes biotechs, qui commercialisent déjà certains médicaments, ont les moyens financiers de porter leurs projets. Avec des bénéfices nets 2008 qui se chiffrent en milliards de dollars, Amgen, Genentech et Gilead Sciences ont les reins solides. "La biotechnologie aux Etats-Unis a atteint une situation bénéficiaire agrégée pour la première fois en 2008", note pharmalive.com.
La plupart d’entre elles ont toutefois besoin d’un appui financier, des big pharmas ou des investisseurs. "Le marché des biotechs est essentiellement américain, où le capital-risque vibre davantage", explique Rudi Van Den Eynde. "En Europe, on a commencé à voir quelques belles biotechs : les suisses Actelion ou Serono, racheté par Merck. En Grande-Bretagne, quelques biotechs à succès ont été rachetées par des groupes pharmaceutiques — British Biotech par UCB, par exemple", cite de son côté Xavier d’Ornellas.
En revanche, les biotechs françaises, à un stade du développement moins avancé, manquent de visibilité auprès des investisseurs internationaux, regrette-t-il. "Effet de la crise financière : entre 2007 et 2008, les financements des biotechs ont chuté de 65% en Europe (et même de 79% en France, à 200 millions de dollars), contre seulement 39% aux Etats-Unis (à 13 milliards de dollars)", poursuit L’Agefi.
En France, l’Etat vient de lancer le fonds d’investissement InnoBio, doté de 139 millions d’euros. Si InnoBio peut créer quelques leaders fédérateurs bienvenus, les gérants s’inquiètent des modalités du saupoudrage financier. Encore une fois, l’argent aide les biotechs mais ne garantit en rien leur bonne marche ou leur succès. Toutes les molécules étudiées ne donneront pas un blockbuster, comme les traitements de Roche-Genentech.
Cette incertitude se constate en Bourse. Une mauvaise nouvelle et c’est la chute libre. Tant pis pour l’actionnaire. Tant mieux pour le prédateur. Novartis a ainsi racheté à bon prix Speedel, société avec qui il avait conclu un partenariat pour le développement d’un produit mais qui était délaissée en Bourse, parce que ce même produit mettait longtemps à décoller, rappelle Xavier d’Ornellas.
En revanche, une bonne nouvelle peut propulser le cours. Tombé à 0,01 $, le titre de Vermillion a bondi de 220 000% depuis que la société, proche de la faillite en mars, a trouvé de quoi se refinancer.
Un dopant pour votre portefeuille
La biotech est cependant un vrai support de performance pour l’investisseur. Sur les 10 secteurs industriels du S&P 500, elle a été le plus rentable au deuxième trimestre, avec une marge de 30,4%, devant le software (26%), rappelle Dexia. Encore faut-il se placer sur les bons titres. "La prise de risques est très difficile à évaluer dès le départ", prévient Xavier d’Ornellas.
Attention aux mirages tels que Nicox. Il y a aussi de quoi y perdre son latin financier : avec des sociétés en pertes, des hypothèses de croissance fragiles, la valorisation est un exercice délicat. De plus, cette industrie est principalement américaine, ce qui complique son appréhension et est source de risques de change pour l’investisseur. Certains fonds sont néanmoins couverts contre cet effet devises, comme la part B de CCR Actions Biotech.
Ce que cherchent avant tout les gérants : minimiser leur prise de risques. "Les sociétés, qui en sont au début de leurs recherches, n’offrent pas grand-chose, voire rien, pour les juger. Certes, leur capitalisation boursière est basse et le cours de l’action peut augmenter beaucoup. Mais la moindre mauvaise nouvelle peut aussi le faire s’écrouler de 50 à 70% en une journée. C’est du quitte ou double", prévient Rudi Van Den Eynde.
"La phase III donne un minimum de certitude, même si rien n’est assuré. Il reste une étape avec l’autorisation de mise sur le marché, et la commercialisation, même réussie, peut parfois se traduire par des pertes. Mais une meilleure visibilité signifie souvent une valorisation élevée, donc moins de bénéfices pour l’investisseur. Une société bien établie comme Amgen offre une croissance lente, mais sa valorisation reste attrayante — à peine supérieure à celle d’ArcelorMittal."
Certes, les petites biotechs bougent plus vite que leurs aînées. Au sein de Nordea Biotech, sa gérante, Kristina Ganea, se sert "des grandes compagnies matures pour réduire le risque"et des sociétés plus jeunes et plus petites "pour épicer le portefeuille et capturer potentiellement des domaines à plus forte croissance — mais aussi avec plus d’incertitude et de volatilité dans les cours de Bourse".
Aujourd’hui, "les biotechs offrent des taux de croissance supérieurs à ceux du marché en général et, dans le même temps, elles sont raisonnablement valorisées", conclut Kristina Ganea. Avoir des biotechs en portefeuille est un antidote à la sinistrose.
[NDLR : Des biotechs à l’or en passant par l’énergie, les petites valeurs et de nombreuses autres opportunités de profit, retrouvez tous les conseils d’Alexandra Voinchet — et de toute l’équipe de MoneyWeek — chaque semaine dans votre boîte aux lettres : il suffit de cliquer !]