La Chronique Agora

Bienvenue au pays du subprime

** Bienvenue au Pays du Subprime, cher lecteur.

* C’est ainsi que Stephen Roach l’a formulé. L’économiste de Morgan Stanley était dans les journaux hier, expliquant pourquoi la chute du dollar est une mauvaise nouvelle. Exprimé le plus simplement possible, un dollar faible signifie qu’il faut plus de dollars pour acheter des choses sur le marché. Cette année, par exemple, les Américains achèteront probablement pour environ 2 500 milliards de dollars de biens à l’étranger. Ils en auraient bien plus pour leur argent si le dollar était plus fort. Plus spécifiquement, si le dollar valait encore ce qu’il valait en 2002, ils obtiendraient 20% de plus. En d’autres termes le dollar a perdu 20% de sa valeur — par rapport à la plupart des devises étrangères — au cours des cinq dernières années.

* Par rapport à d’autres choses, elles aussi importées de l’étranger, le dollar a perdu encore plus de valeur. Le zinc a grimpé de 60% rien qu’au cours de l’an dernier. Le nickel a pris 125%. Sur les cinq dernières années, le pétrole a augmenté de 158%. Le blé est 126% plus cher. Le dollar atteint des planchers par rapport à l’euro.

* Les Américains qui croient que la politique d’argent facile de la Fed sauvera l’économie devraient y réfléchir à deux fois. Les baisses de taux d’intérêt sont censées rendre le crédit plus abondant. Mais plus de crédit, selon nous, c’est précisément ce dont l’économie US n’a pas besoin.

* Au cours des 18 prochains mois, environ 2,5 millions de ménages risquent d’être affectés par le réajustement des taux de prêts hypothécaires. Le total de ces prêts se monte à environ 250 milliards de dollars. Pour commencer, pensez d’abord à cela : si le dollar était encore à son niveau d’il y a cinq ans, les Américains pourraient épargner environ 500 milliards de dollars sur leurs achats étrangers — en une seule année ! La valeur de tous les actifs américains est d’environ 50 000 milliards de dollars. Une baisse de 20% équivaut à une perte de richesse se montant à 12,5 milliers de milliards de dollars… c’est presque comme si toutes les entreprises cotées aux Etats-Unis avaient fait faillite.

* Les baisses de taux de la Fed sont censées éviter une récession… pour que les Américains ne s’appauvrissent pas. Mais la baisse du dollar les rend plus pauvres quoi qu’il arrive.

* A présent, réfléchissez à cela : la plupart de ces prêts immobiliers subprime seront réajustés — non pas en se basant sur les taux de la Fed, mais sur le London Inter-Bank Lending Rate. Et les taux des prêts de long terme ne sont pas les mêmes que ceux de court terme. Lorsque la Fed baisse les taux, elle signale aux prêteurs que l’inflation va augmenter. Cela fait grimper les taux des prêts de long terme — comme les prêts immobiliers. Donc lorsque la Fed a annoncé la baisse la semaine dernière, les taux longs ont en fait augmenté de près de la moitié du demi-point de pourcentage retiré par la Fed. A présent, selon le Financial Times, le prêt immobilier subprime moyen sera réajusté à un taux de 10% — une énorme augmentation des dépenses mensuelles pour le malheureux propriétaire.

** Pendant ce temps, une telle quantité d’indicateurs négatifs nous parvient, dans les bureaux de la Chronique, que nous commençons à ressentir le besoin d’appeler un exorciste. Une récession est-elle en chemin ? Il nous semble qu’elle a déjà commencé :

* Les stocks de maisons sont à un sommet de 18 ans. Les ventes (reventes) de maisons sont à un plancher de cinq ans. Les prix de l’immobilier, selon Case/Shiller, ont chuté dans les 20 plus grandes villes américaines le mois dernier — de 3,9%. Les retards de paiements dépassent de loin la moyenne historique. Plus de 150 organismes de prêt immobilier ont mis la clé sous la porte.

* Faisons une petite pause.

* Alors que la valeur de l’actif numéro un des Américains est en train de baisser, leurs dépenses grimpent. Et il nous semble qu’elles vont grimper encore beaucoup plus. Pourquoi ?

* Rappelez-vous qu’une guerre des préfixes est en cours. Il ne fait aucun doute que nous vivons dans un monde "-flationniste". Mais quel genre de "-flation" ? "In" ou "Dé" ? Chaque fois que nous abordons la question, nous hésitons. Mais à présent, nous pouvons vous donner une réponse définitive : les deux.

* La "-flation" du marché immobilier devrait clairement commencer par un "dé". Et il en va de même pour toute l’économie subprime des Etats-Unis. Oui, cher lecteur, il s’agit bien d’une économie subprime. Comme le propriétaire subprime, l’économie US toute entière a trop de dettes et un style de vie qu’elle ne peut pas se permettre. Le grand geste de la Fed — offrir plus de crédit — a fière allure à la télévision. Les lourdauds qui regardent Jim Cramer doivent adorer ça. Mais cela ne fait pas disparaître la dette… cela ne peut pas vraiment mettre fin à l’inévitable déflation des actifs financiers américains… et cela augmente en fait la pression qui pèse sur les ménages moyens, parce que cela contraint les prix à grimper.

* L’économie américaine dépend à présent des consommateurs ; jamais une économie n’a tant dépendu des dépenses de consommation. Près de trois dollars sur quatre du PIB américains sont constitués par des dépenses de consommation.

* A suivre…

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