La Chronique Agora

Bienvenue à Merced…

** Les Etats-Unis tout entiers semblent suivre la direction de Merced, en Californie – l’épicentre du séisme immobilier.

* Pauvre Merced ; le New York Times appelle la ville "un désastre". Les prix de l’immobilier ont été divisés par deux. Trois maisons mises en vente sur quatre proviennent de saisies. Si un vendeur n’est pas prêt à baisser son prix au niveau de celui d’une maison saisie, il peut oublier la vente, déclarent les agents immobiliers.

* Comment la Californie s’est-elle mise dans un tel pétrin ?

* Le Times nous en dit plus :

* "… ils étaient rares, à Merced, à avoir planifié bien loin dans l’avenir".

* "Il  ne s’agit pas de la ville, qui avait approuvé avec enthousiasme la création de dizaines de nouveaux quartiers sans se demander si elle pouvait absorber la croissance. Et certainement pas des promoteurs. Ils ont construit 4 397 nouvelles maisons dans ces quartiers — certaines coûtant un demi-million de dollars –, sans se demander qui, dans une ville de 80 000 habitants seulement, pouvait se permettre de les acheter".

* "Et il ne s’agissait pas non plus, de toute évidence, des spéculateurs transformés en propriétaires terriens qui pensaient pouvoir obtenir des loyers équivalents à ceux de San Francisco dans une ville de travailleurs agricoles que l’Association pulmonaire américaine classe comme cité ayant la pire atmosphère du pays".

* "Et, malheureusement, pas les autochtones qui ont déménagé et contracté plus de dettes qu’ils ne pouvaient se permettre. Ils pensaient — et qui les aurait détrompés ? — que les beaux jours dureraient toujours"…

* "La croyance selon laquelle ce rêve pouvait être réussi sans risques, sans soucis et sans dépôt de garantie composait le centre de l’histoire d’amour des Etats-Unis avec l’immobilier durant les premières années de cette décennie, et pas uniquement à Merced".

* "Pendant combien de temps l’économie devra-t-elle payer le prix de cette illusion ? L’expérience de Merced, où [les prix] ont grimpé plus haut et chuté plus rapidement que dans tout autre endroit ou presque, suggère que la reprise après la débâcle immobilière nationale sera douloureuse et longue".

* Une débâcle longue et douloureuse serait en fait une bonne chose pour les Etats-Unis. Les Américains apprendraient une leçon précieuse sur l’argent : si vous voulez devenir riche, vous devez avoir plus de revenus que de dépenses ; il n’y a pas d’autre moyen fiable. La douleur les convaincrait d’éviter les spéculations crétines et les dépenses excessives. La prolongation leur donnerait le temps de rembourser les erreurs du passé, d’épargner de l’argent et de remettre leurs vies en ordre.

* "J’ai pitié de ces gens", a déclaré un de nos hôtes américains ce week-end. "Ils conduisent ces énormes pick-ups… ils ont des emplois qui leur rapportent à peine le salaire minimum… je ne vois pas comment ils s’en sortent. Et ils sont des millions"…

* "On peut critiquer l’économie américaine pour plusieurs raisons", répondait un économiste français, "mais elle a fait une chose merveilleuse. Elle a absorbé des millions d’immigrants – qui, souvent, n’avaient pas de compétences. La population américaine est passée d’environ 250 millions de personnes il y a quelques décennies de ça à 300 millions de personnes maintenant. Nous avons vu la même chose en Allemagne lorsque le pays a été réunifié. Le coût d’intégration des Allemands de l’Est dans l’économie moderne a été très élevé… et il a pesé sur l’économie allemande durant une décennie. Mais l’économie américaine a pu fournir des emplois à des millions d’immigrants — bon nombre d’entre eux illégaux — tout en continuant à grandir. Aucune autre économie n’aurait pu faire une telle chose"…

* Oui, telle était la grande réussite de l’économie US. Elle a accueilli les pauvres, les fatigués, les masses entassées… et les a mis au travail. Ces travailleurs marginaux — trimant à des emplois au salaire minimum — ont fait baisser le niveau général des revenus, si bien que l’employé moyen n’a pas vu de gain salarial ces 40 dernières années. Et aujourd’hui, grâce également  à la vigueur de l’euro, l’employé moyen des Etats-Unis aujourd’hui gagne moins que le Français ou l’Allemand moyen.

* Et qu’ont fait tous ces nouveaux travailleurs aux Etats-Unis ? Ils ont balayé des sols, rempli des étagères et changé des bassins. Plus que cela — ils ont contribué à construire l’échafaudage soutenant toute l’économie de consommation. Ils ont entassé des cartons à Wal-Mart — où les gens peuvent acheter des quantités industrielles de choses dont ils n’ont pas besoin. Ils ont entretenu les grills des restaurants où les Américains pouvaient engraisser — et régler l’addition avec leur carte de crédit. Ils nettoyaient des piscines et taillaient des haies… garaient des voitures… remplaçaient des toits… et installaient des sols en ardoise partout dans le pays.

* Mais l’économie américaine n’a pas fait que donner du travail à sa population ; elle lui a aussi donné du crédit. Le citoyen moyen pouvait dépenser de l’argent qu’il n’avait pas — et l’utiliser pour acheter une maison à Merced, en Californie. Et à présent, il est coincé.

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