La Chronique Agora

Surprise ! A la Fed, Bernanke maintient l’assouplissement quantitatif

▪ La Fed a décidé de maintenir l’intégralité de son programme de rachats d’actifs (85 milliards de dollars par mois) pour une période indéfinie, « du fait de la faiblesse de la croissance et de la dégradation des conditions de crédit », selon le communiqué officiel.

En résumé, Ben Bernanke constate que cela va moins bien qu’au printemps dernier, malgré les centaines de milliards que la banque centrale américaine a imprimés en 12 mois… et qui ne servent visiblement à rien.

Pour étayer sa décision de ne rien changer, la Fed abaisse ses objectifs de PIB pour 2013 et 2014, ce qui enchante littéralement les marchés.

Puisque l’économie ne va pas bien, Wall Street exulte !

La planche à billets va continuer de tourner à plein régime. Plus ça va mal pour la population américaine — hors microcosme financier –, plus le taux de circulation de la monnaie dans l’économie réelle est catastrophique (moins de la moitié de celui de 2007), plus les marchés flottent sur un nuage.

▪ Champagne à Wall Street
C’est bien le principe de « Wall Street contre Main Street » (l’industrie financière contre le monde réel) qui se confirme… Et c’est champagne pour les marchés d’actions et les T-Bonds, les très grands gagnants du jour.

Les trois principaux indices américains s’envolent de 1% en moyenne et pulvérisent collectivement leurs records absolus. Le Nasdaq a terminé hier à 3 785 points, le S&P 500 à 1 726, le Russell 2000 à 1 080 points et le Dow Jones à 15 677 points (15 710 au plus haut du jour).

La véritable bonne nouvelle pour le entreprises et les emprunteurs individuels, c’est que taux longs américains se sont détendus brutalement vers 2,70%, partant de 2,85% mardi soir.

Avant l’explosion haussière de 20h (+30 points sur le future CAC 40 en quelques secondes, +60 points au bout de 15 minutes), la séance de mercredi fut l’une des plus ennuyeuses de l’année 2013. Aucune volatilité, des volumes aux abonnés absents, des day traders démotivés… et aucune rumeur à se mettre sous la dent.

▪ Bernanke, successeur de Ben ?
A vrai dire, ce n’est pas tout à fait exact… Un bruit circule depuis mardi soir sur les marchés obligataires américains : Ben Bernanke pourrait jouer les prolongations, rempiler pour un demi-mandat, histoire d’user de son crédit auprès des marchés pour mener à bien l’extinction en douceur du QE3 (au rythme actuel, il peut aussi bien se maintenir jusqu’en 2020).

En effet, les deux précédentes éditions s’étaient soldées par une brutale rechute des marchés dès qu’il avait refermé — comme promis et à la date prévue — le robinet des liquidités. « Helicopter Ben » pourrait donc tenter de faire mentir le célèbre dicton « jamais deux sans trois ».

Certains se demanderont pourquoi — alors qu’il s’apprête à quitter la Fed en pleine gloire — il prendrait le risque d’assumer la gestion d’une stratégie de tapering qu’il vient de repousser aux calendes grecques.

D’autant que personne n’est capable d’en modéliser l’issue. Le risque que quelque chose tourne mal s’amplifie au fil des semaines. Nous vous invitons à relire notre chronique de mardi au sujet de la grenade dégoupillée… et voyez si s’engager à jongler avec elle durant deux ans de plus constitue une activité exaltante.

▪ Et Janet dans tout ça ?
Une question s’inscrit en filigrane derrière l’hypothèse Bernanke : est-ce que Janet Yellen — qui avoue humblement ne pas avoir vu venir la crise de 2007/2008 — va déclarer officiellement que devenir la première femme patronne de la Fed à 66 ans (Alan Greenspan en avait 61 en 1987) serait une consécration dont elle rêve depuis quatre ans qu’elle occupe la place de n°2 ?

Si Janet Yellen se montre aussi discrète (pas une déclaration à la presse en ce sens, même pas un petit trait d’humour comme « j’y pense lorsque je me lave les dents »), est-ce de la prudence mêlée d’une humilité non feinte ? Ou bien est-ce que, connaissant la dangerosité — voir l’impossibilité — de la tâche, elle ne préfère pas laisser un amateur de sensations forte — très sûr de lui, pour le coup — se déclarer d’ici la prochaine réunion de la Fed ?

Après tout, lorsque la centrale de Fukushima a explosé en 2011, des centaines de candidats au statut de héros se sont proposés pour aller restaurer les systèmes de refroidissement de la centrale — sans savoir si c’était possible –, dans des zones où une irradiation mortelle était quasi-certaine.

La comparaison du QE3 avec un réacteur dont le coeur est en train de fusionner à l’air libre peut apparaître de mauvais goût et excessive… et c’est bien le cas dans la mesure où le dollar aura disparu bien avant que la radioactivité autour de Fukushima ait retrouvé des niveaux compatibles avec une présence humaine prolongée.

S’exprimant mercredi sur une chaîne économique entre vers 14h30, Lloyd Blankfein, le parton de Goldman Sachs, approuvait la sérénité des marchés : une réduction de 10 à 15 milliards de dollars est « dans les cours ».

Et de souligner que la Fed a parfaitement préparé la communauté financière à une légère réduction du volume des injections mensuelles. De toute façon, la politique monétaire demeurera très accommodante aussi longtemps que la croissance apparaîtra fragile.

C’est-à-dire éternellement, au rythme actuel.

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