La Chronique Agora

Ben Bernanke ou Larry Summers, la Fed devrait… ne rien faire

▪ Les tendances automnales devraient bientôt se révéler. En général, les marchés commencent à donner des indices directionnels en août. Puis, à l’automne… ils s’y mettent sérieusement.

Le marché obligataire semble avoir atteint un sommet en mai. L’or a probablement atteint son plus bas début juillet. Et les actions ? Il se pourrait bien qu’elles soient en train d’atteindre leur sommet en ce moment. Nous devrons attendre pour vérifier cette hypothèse.

Ces tendances, si elles continuent, vont causer pleurs et grincements de dents à la Fed. Les banquiers centraux américains n’ont pas la moindre idée de ce qui se passe… et aucune idée non plus de ce qu’il faut y faire.

Barack Obama devrait appeler ses services secrets. Ils sauront comment nous contacter.

Nous avons annoncé cette semaine que nous étions ouvert à toute proposition de la part de la Fed. Nous nous doutions que nous n’aurions pas de nouvelles de M. Obama tout de suite. Il lui faudra quelques jours pour réaliser que les principaux postulants à la succession de Bernanke devraient consacrer leurs talents à autre chose — peut-être astiquer l’argenterie de la Maison Blanche.

Selon la presse, la course à la présidence de la Fed se concentre sur deux personnes — Janet Yellen et Larry Summers — Summers ayant une petite longueur d’avance. Mais M. Obama pourrait choisir Mme Yellen simplement pour des raisons anatomiques. Comme nous l’avons expliqué il y a quelques jours, un banquier central échouant dans sa mission principale — protéger la devise de la nation — devrait être castré. Au moins en ce sens, Mme Yellen a l’avantage.

▪ Vices et vertus d’une personne « brillante »
Normalement, personne ne saurait ni même se soucierait de qui obtient le poste à la Fed. Mais tout le monde dit que nous ne vivons pas une époque « normale ». Ils semblent tous penser que les temps nécessitent une personne extraordinaire… une personne « brillante ». Après tout, qui d’autre pourrait accomplir la mission définie par le président Obama : maintenir la croissance de l’économie US, brider l’inflation et s’assurer que de nouvelles instabilités ne sont pas créées ? C’est beaucoup demander.

Toute cette affaire ne vise qu’à mettre sous les feux de la rampe le candidat dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est brillant — Larry Summers. Qui appelle-t-on quand l’époque n’est « pas normale » ? Qui d’autre a un tel cerveau ? Aussi rapide qu’une vipère, aussi agile qu’un prestidigitateur, aussi pénétrant que de l’anti-rouille ! Oui, pour cette raison, les insiders pensent que Larry Summers est de plus en plus convaincant aux yeux de son maître.

Oui mais… et si l’époque était en fait plutôt normale ? Et si M. Summers n’était en réalité pas si brillant que ça ?

Voyons d’abord la seconde question. Nous mettons de côté le fait que M. Summers a réussi à se mettre à dos presque l’intégralité de la faculté de Harvard… et qu’il a coûté au fonds Harvard un milliard de dollars grâce à ses spéculations erronées sur les taux d’intérêt. Regardons plutôt un défaut plus grave et plus voyant. En 2005, à Jackson Hole, dans le Wyoming, le professeur Raghuram Rajan a décrit l’évidence. Il a dessiné les contours de la bulle financière devant un public dont Larry Summers faisait partie. Il a averti que cette bulle éclaterait. Aucune analyse spéciale ou réflexion profonde n’était requise de la part de M. Summers. Il n’avait pas besoin de penser par lui-même. Il lui suffisait d’être attentif. Ce qu’il a été, en l’occurrence. Et comme à son habitude, il a mal compris. « Le principe de base, légèrement rétrograde ce cette intervention », a-t-il commenté, est « largement malavisé ».

Vous voyez ? M. Summers pense que toute mention de cycles ou de limites est anti-progrès.

Nous lisons régulièrement les commentaires de M. Summers dans le Financial Times. Nous ne nous rappelons pas une seule idée valant la peine d’être répétée ou une seule proposition méritant qu’on en débatte. Comme Tom Friedman, il voit des problèmes partout et y trouve facilement des solutions. Lesquelles solutions sont chacune nette, logique et désastreuse. Des conséquences inattendues ? A-t-il jamais entendu parler du concept ? Pour lui, la raison n’a pas de limite… l’interventionnisme n’a pas de risques… et le monde n’a pas de cygnes noirs. Ne voyant pas de danger à la poursuite de la relance monétaire (l’inflation des prix à la consommation restant basse), il mettra le pied au plancher et roulera à tombeau ouvert… jusque dans le mur.

Ce qui nous amène à la deuxième question…

▪ A quel point la situation actuelle est-elle anormale ?
Les Etats-Unis sont passés à un système basé sur le crédit en 1971. Avec cette nouvelle devise papier, les Américains pouvaient emprunter beaucoup plus d’argent qu’auparavant. N’est-il pas normal qu’ils aient agi ainsi ? La dette totale est passée d’environ 150% du PIB US à 350%.

Puis, en 2007, quand jusqu’au moindre bébé labrador au chômage avait une hypothèque sur une maison au prix gonflé, était-il vraiment surprenant que les prêteurs paniquent ? Chaque bulle de crédit est suivie d’un krach du crédit. Qu’y a-t-il d’anormal à ça ?

Ensuite ? Les autorités ont paniqué aussi. Au lieu de laisser la correction faire son travail, elles sont intervenues. D’abord, un programme de 700 milliards de dollars sous George W. Bush. Puis 700 milliards supplémentaires sous Obama. Après quoi la Fed s’est mise au travail avec le taux zéro, le QE1, le QE2, le Twist et le QE3. N’est-ce pas là pile ce qu’on pouvait attendre d’elle ? Les autorités feront « tout ce qu’il faut » pour que l’argent continue de couler.

Mais ajouter plus de crédit à une économie qui souffre déjà d’un excès de crédit n’aide pas vraiment. Rien que de très naturel, là aussi. De sorte que l’économie ne s’est pas remise… Elle a simplement fait grimper les prix des actifs détenus par les riches. La plupart des gens n’ont rien gagné avec ce branle-bas monétaire et budgétaire. On comptait 116 millions d’Américains au chômage en 2008. Il n’y en a plus que 113 millions aujourd’hui… et la population s’est agrandie de huit millions de personnes pendant ce temps. De plus, bon nombre des emplois actuels sont dans le secteur des services et paient mal.

Qu’y a-t-il là d’anormal ? Et quelles brillantes innovations Larry Summers inventera-t-il pour masquer le fait que l’activisme de la Fed ne fonctionne pas ?

Ce qu’il faut, ce n’est pas du tout un esprit brillant, mais une morne patience. Nous avons besoin de politiques normales pour une période de désendettement normal. Jusqu’à présent, un seul candidat à la présidence de la Fed a fait preuve du manque nécessaire de brillant. Lui seul comprenait ce qui se passait en 2005-2007, et il connaît désormais les limites de l’activisme des banques centrales. Vous savez qui est ce candidat : votre serviteur.

Il a averti à plusieurs reprises, en des termes sobres et économiques, que « l’explosion de ce Vésuve de dette résonnera jusqu’aux cieux », ou à peu près. Puis, quand la lave s’est mise à couler en 2008-2009, il a prévu la réaction de la Fed et prédit qu’elle servirait à « des queues de prune ».

Maintenant, il sait quoi faire. La Fed devrait reculer. Rester assise sans bouger. Et laisser les marchés faire leur travail.

Il est temps de changer.

M. Obama, nous attendons votre appel de pied ferme.

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