La Chronique Agora

Beau temps pour les prêteurs sur gages

** L’ours du marché baissier commence à enfoncer ses griffes. Les marchés ont chuté la semaine dernière.

* La lutte entre l’inflation et la déflation commence à ressembler à une corrida. En d’autres termes, cela ne ressemble pas à une bataille entre des opposants égaux et opposés.

* Le taureau inflationniste sort en mugissant, frappant le sol de son sabot. Il charge à pleine vitesse ; on dirait qu’il va faire trembler les murs de l’arène. Il semble imbattable. Mais le picador tient bon et plante sa lance dans le dos du taureau. Les banderilleros se mettent alors au travail… harcelant l’animal de leurs banderilles. Le taureau s’affaiblit. Il perd sa vie goutte à goutte.

* Le taureau ne peut pas gagner. Pas durant une corrida. A l’occasion, il peut ouvrir le ventre de l’un des banderilleros. Mais l’argent intelligent parie sur le matador.

* La semaine dernière, on a appris que Merrill Lynch avait perdu deux fois plus d’argent que prévu… Lehman Bros. a licencié 1 300 personnes dans sa branche "prêts hypothécaires"… et les mises en construction ont atteint leur plus bas niveau depuis 1991.

* Ce dernier élément est une vraie bonne nouvelle, mais les investisseurs ne semblent pas être de cet avis. Le marché baissier de l’immobilier ne peut pas prendre fin tant que les nouvelles constructions ne ralentissent pas. Jusqu’à présent, les constructeurs continuaient à mettre en chantier les maisons qu’ils avaient prévues avant que la crise ne se déclare. Ces maisons ne font que grossir le stock qui doit être vendu avant que les prix ne puissent se stabiliser.

* Ce sera un processus long. Deux millions de propriétaires américains seront confrontés à l’augmentation de leurs taux de prêt dans les deux ans qui viennent. Les prix de leurs maisons ont déjà baissé de 5% à 10%… et plus. Le bureau US des statistiques de l’emploi a ajouté que, si l’on déduisait la hausse des prix, les salaires des travailleurs américains ont chuté de 0,9% entre décembre 2006 et décembre 2007. A présent, avec le chômage qui augmente… bon nombre d’entre eux ne vont plus pouvoir tenir.

* Le ratio de maisons vides et invendues sur le marché de la location est 50% plus haut qu’il y a 20 ans. De la Bay Area, en Californie, on apprend que les ventes sont à un plancher de 20 ans.

** Et les choses empirent. Business Week prévient que "la crise de la valeur immobilière approche". Les gens n’ont pas fait qu’emprunter pour acheter des maisons… ils ont également utilisé leurs maisons comme nantissement pour des emprunts destinés à acheter d’autres choses. A présent, 14,7 milliards de dollars de cette valeur immobilière restent impayés. Les prêts hypothécaires qui ont mal tournés ont grimpé de 130% entre 2006 et 2007 chez certains prêteurs. C’est un secteur à 850 milliards de dollars… et une grande partie va mal tourner.

* Même les propriétaires "riches" ont des problèmes, affirme un article de Reuters. Les quartiers chics, où l’on trouve des maisons valant plus d’un million de dollars, commencent à avoir l’air légèrement décati, nous dit l’article. L’afflux de nouveaux acheteurs marginaux… et la hausse des prix des maisons… ont attiré les propriétaires de la classe moyenne dans des maisons qu’ils ne pouvaient pas vraiment se permettre. Ils se sont endettés pour pouvoir profiter d’une maison plus grande, plus prestigieuse… en espérant que la hausse des prix leur rapporterait gros. Cela n’a pas été le cas. A présent, ils sont vraiment surendettés… et pour bon nombre d’entre eux, le vase a commencé à déborder.

* Rien de tout cela n’est haussier — ni pour les prix des maisons… ni pour les actions.

* Qu’est-ce qui a mal tourné ? Les politiciens n’ont-ils pas agi ? Ben Bernanke ne faisait-il pas chauffer ses hélicoptères, pour pouvoir larguer de l’argent sur les gens qui en ont besoin ?

* La semaine dernière, Ben Bernanke — ancien président du département d’économie à l’Université de Princeton et désormais président de la plus grande banque centrale de la planète, la Réserve fédérale US — a expliqué que la politique monétaire ne suffisait pas. Le rendement des bons du Trésor US à 10 ans est déjà plus bas que le taux d’inflation des prix à la consommation (ou à peu près). Cela signifie que les emprunteurs les plus qualifiés peuvent obtenir de l’argent à des termes très favorables — il est pratiquement gratuit. Mais qui veut emprunter ? Que feraient-ils avec l’argent ? Acheter des actions ? Le portefeuille boursier moyen est en baisse de 5% environ cette année. Qui en voudrait ? Devraient-ils acheter de l’immobilier ? Oubliez ça ; peu de spéculateurs veulent acheter en ce moment. Ou peut-être pourraient-ils utiliser leur argent pour développer leur activité ? Mais qui se développe juste avant une récession ? Uniquement les prêteurs sur gages.

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