Dans un monde surendetté, les banquiers centraux commencent une normalisation qu’ils espèrent étaler sur 10 ans, mais les marchés pourraient être plus réactifs
Nous avons vu que l’économie mondiale est endettée à un plus haut historique guerre et paix confondues, à l’exception de la Seconde Guerre mondiale. C’est en Chine que la dette croît le plus rapidement mais, à en croire Natixis, la dette chinoise est plus soutenable que ne le sont les dettes des économies avancées.
Le pire se situerait chez les pays émergents hors Chine, Russie et OPEP. Le patron de la Fed, Jerome Powell, a averti ces pays qu’ils devront affronter les éventuelles difficultés à venir sans l’aide de la Fed.
Est-ce crédible ?
La normalisation douce sur 10 ans
De déclaration en déclaration, le plan des principales banques centrales se confirme : il s’agit de « normaliser » leur politique en privilégiant le très long terme afin de permettre à la bulle obligataire de se dégonfler en douceur, préservant ainsi la stabilité financière mondiale.
Selon Natixis dans un Flash Economie en date du 3 mai, cette stratégie ne peut arriver à son terme que si deux conditions sont réunies.
Tout d’abord, les grandes économies ne doivent pas subir de récession pendant la période de normalisation, sans quoi les banques centrales seraient amenées à y répondre en reprenant leurs politiques monétaires non-conventionnelles, stoppant ainsi le dégonflement de la bulle obligataire.
Ensuite, les grandes économies doivent évoluer sans inflation, sans quoi les banques centrales seraient amenées à remonter leurs taux d’intérêt, faisant ainsi « exploser prématurément la bulle obligataire ».
Pour rappel, voici de quoi l’on parle en ce qui concerne les trois plus grandes banques centrales.
Aux Etats-Unis, la Fed commence seulement à réduire la taille de son bilan, plus de trois ans et demi après avoir stoppé son programme d’achat d’actifs (quantitative easing) en octobre 2014.
Dans la Zone euro, la croissance de la base monétaire a ralenti à partir de janvier 2018, la BCE passant de 60 milliards d’euros d’achats d’actifs à « seulement » 30 milliards d’euros par mois.
La Banque du Japon a également réduit la taille de son programme d’achat d’actifs, « ce qui correspond bien à cette politique de normalisation très lente des taux d’intérêt à long terme ». En tout cas lorsqu’on regarde les choses d’assez loin, comme nous le verrons plus tard…
Dégonfler la bulle obligataire sur une longue période : est-ce réaliste ?
L’équipe de recherche de Patrick Artus a répondu par une question concluant :
« Peut-on croire à cinq ou 10 ans sans récession et sans inflation ? »
Je ne sais pas si vous faites partie des croyants.
Depuis son entrée en fonction le 5 février, le nouveau président de la Fed tient des déclarations plutôt hawkish (pour la rigueur monétaire) vis-à-vis des marchés américains suite à la débandade du premier trimestre.
« Nous ne dirigeons pas le marché actions »
Les turbulences que subissent les marchés émergents depuis le mois de mai n’ont pas plus ému Jay Powell, comme nous l’avons vu.
Voici donc la question à 237 000 milliards de dollars (de dette) : lors de la prochaine crise financière, le président de la Fed restera-t-il sur cette ligne intransigeante qu’il affiche depuis février ?
Début mai, Jerome Powell déclarait que l’influence de la Fed sur la situation financière mondiale ne doit pas être surestimée. Cela n’a cependant pas toujours été sa position, comme le rappelle Zero Hedge.
Voici ce qu’il déclarait en octobre 2012, alors qu’il occupait un siège au Conseil des gouverneurs de la Fed sans encore en être le président, et que Ben Bernanke venait d’annoncer le QE3.
Les aveux du Powell d’avant
« J’ai des inquiétudes à propos de l’accroissement des achats d’actifs. […] il me semble que nous sommes beaucoup trop confiants dans le fait que la sortie [du programme de quantitative easing] puisse être gérée sans incident. Les marchés peuvent être beaucoup plus réactifs qu’on ne le pense. […]
Lorsque vous vous tournez vers le marché et que vous lui dites : ‘j’ai 12 000 milliards de dollars de ces trucs-là’, ce n’est pas seulement 20 milliards de dollars par mois, c’est aussi la perspective de tout ce qui va débouler. Et je pense qu’il y a de bonnes chances que l’on ait une réponse assez dynamique de la part du marché. »
Autant dire qu’à l’époque, Jerome Powell était assez sceptique sur la capacité de la Fed à réduire son bilan dans un calme plat… Mais voici le meilleur « qui contient des aveux vraiment sans précédent – pour un futur président de la Fed », comme le relève Zero Hedge.
« Je pense que nous sommes sur le point d’encourager la prise de risques, ce qui devrait nous faire réfléchir. Désormais, les investisseurs comprennent que nous serons vraiment là pour empêcher de lourdes pertes. Ce n’est pas qu’il leur soit facile de gagner de l’argent, mais ils ont tout intérêt à prendre plus de risques, et ils le font.
Pendant ce temps, nous donnons l’impression d’être en train de gonfler une bulle obligataire sur l’ensemble du spectre de crédit, ce qui entraînera de grosses pertes lorsque les taux se redresseront. Vous pouvez presque dire que c’est notre stratégie« .
Presque.
[NDLR : Comment ne pas subir de très grosses pertes, notamment sur votre assurance-vie en euro ? Tout est ici.]