La Chronique Agora

Le feu d’artifice de la Bank of Japan enflamme le Nikkei

banques centrales

▪ Les opérateurs ont-ils décidé d’instaurer la semaine de quatre jours, avec un lundi qui serait soit chômé, soit caractérisé par des échanges complètement transparents ?

A vrai dire, les places européennes auraient aussi bien pu ne pas ouvrir hier… Ou alors juste un petit quart d’heure, avant de partir déjeuner, histoire d’expédier les affaires courantes et de filer se commander un bon apéritif en terrasse (pour profiter de températures enfin supérieures à 10° à Paris) avec le sentiment du devoir accompli.

Ce lundi s’est soldé partout par un festival de scores insignifiants : +0,05% à Francfort et Amsterdam, -0,05% à Milan et -0,15% à Madrid.

Paris en a terminé sur un gain symbolique de 0,09% à 3 666 après avoir testé à 17h59 son plancher du jour à 3 663,5 points. Le CAC 40 a fini quasi-stable dans des volumes insignifiants (deux milliards d’euros), après être resté enfermé durant plus de six heures et demi entre 3 682 et 3 693 points — soit 0,3% de volatilité.

L’EuroStoxx 50 a préservé une hausse résiduelle de 0,15% mais il rétrograde sous le seuil des 2 600, à 2 589 points.

A la mi-séance, Wall Street prenait exactement le même chemin avec -0,25% sur le Dow Jones et -0,05% sur le S&P 500 et le Nasdaq.

▪ Spectacle japonais
Peut-être pouvons-nous avancer une autre explication au désintérêt total des opérateurs pour l’évolution des actions en Europe et aux Etats-Unis : le Japon nous offre un spectacle qui laisse tout le monde pantois.

C’est un peu le même phénomène que lorsqu’un cracheur de feu se produit à la tombée du jour en pleine rue. Nous sommes tous pressés de rentrer chez nous mais le grondement et le halo de chaleur nous figent sur place ; nous ne pouvons passer notre chemin avant d’avoir vu le cascadeur projeter une nouvelle boule de feu qui semble dévorer la nuit en tournoyant.

C’est pareil avec Tokyo qui a explosé lundi matin de +2,8% à 13 192 points, retraçant son zénith annuel des 13 225 points de vendredi. Parallèlement, le TOPIX s’envolait de 3,3% (record annuel pulvérisé à 1 101 points).

L’indice Nikkei prend 10,4% en quatre séances — un véritable « krach à la hausse ». Cela tandis que Haruhiko Kuroda (gouverneur de la Bank of Japan) annonçait dès ce lundi des rachats massifs de bons du Trésor japonais.

Le Nikkei qui gagne 55% en moins de cinq mois semble poursuivre son envolée historique sans s’interroger sur la hausse de profitabilité des entreprises nippones. Le prochain objectif semble être le retracement du zénith du 21 juillet 2008 vers 13 350 points.

Et pendant que le yen dévisse sous les 128/euro et se rapproche de la parité 100/dollar, Mme Christine Lagarde applaudit à tout rompre l’audace et la détermination du gouvernement et de la banque centrale japonaise.

Même si le dragon cracheur de feu est une figure emblématique de la mythologie chinoise, il faut bien reconnaitre que l’Empire du Soleil Levant vient de l’adapter à sa sauce monétaire.

Peut-être que l’économie nippone ne fait que souffler des boules de feu sans danger pour le public (les flammes prennent rapidement de l’altitude sans brûler personne)… Mais peut-être aussi que la BoJ risque d’embraser un maquis de monnaies desséchées par le surendettement.

Dans ce cas, l’incendie pourrait se propager à la vitesse du numérique, chaque devise essayant de se consumer plus vite que sa concurrente, afin de gagner le peu de terrain contenant encore du matériel à carboniser — c’est-à-dire prendre de vitesse les créanciers et anéantir leurs avoirs.

Une guerre des monnaies, ça se déclare. On sait quand ça commence… on maîtrise difficilement la façon dont elle se déroule… et personne ne sait comment elle se termine (ni combien elle aura fait de victimes).

Les marchés américains n’en ont cure car c’est la Fed qui a ouvert le feu dès 2009.

▪ Après tout ce feu… revenons-en au liquide !
Wall Street se sent comme un poisson dans l’eau — ou un spéculateur dans les liquidités de la Fed — en période de destruction de la dette (et de la monnaie) par toujours plus de dettes.

Convaincu que la faiblesse des créations d’emplois en mars va inciter Ben Bernanke à faire rugir les rotatives, Wall Street a adopté la trajectoire inverse des places européennes lundi soir.

Faut-il y voir un rapport de cause à effet ?

Les investisseurs ont-ils réamorcé un arbitrage au profit des actions américaines, au détriment de celles qui sont les plus exposées sur le Vieux Continent ?

La hausse a été si bien menée que les indices américains ont effacé leurs pertes de vendredi. Il faut dire que les investisseurs ont de solides raisons de croire dans un avenir radieux puisque les bénéfices des entreprises US sont attendus en progression de… +1,5% au premier trimestre 2013.

Voilà sans doute pourquoi le Dow Jones affiche déjà +11,5% depuis le 1er janvier… Cela fait juste 10% de plus que la hausse des profits — sûrement une nouvelle référence ad hoc du point de vue des marchés.

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