L’emploi de la locution « bal masqué » n’est pas destinée qu’à faire un bon mot puisque le shadow banking (activité bancaires occultes) va continuer de battre son plein sans restriction aucune.
J’entends tout le monde disserter sur l’assouplissement des règles instituées par Bâle III… Cela m’amuse de constater que personne ne remarque que le comité de régulation vient tout simplement de revenir aux non-règles antérieures — quand tout ou presque était permis ; cela comprend la possibilité d’offrir en garantie des créances flirtant avec le « non-grade » — le retour au bon temps des subprime n’est pas loin !
▪ Rendez-vous dans quatre ans !
Comme si les nouvelles normes, fortement édulcorées, apparaissaient encore trop restrictives, la mise en place définitive des mesures prudentielles est repoussée de quatre ans.
C’est à partir de cette lointaine échéance que les déposants seront assurés de disposer d’un délai de 30 jours pour retirer toutes leurs économies d’une banque qui ne leur inspirerait pas confiance — sachant que les banques centrales ne manqueraient pas de voler à leur secours pour peu qu’elles bénéficient du statut d’établissement « systémique ».
Le coma éthylique de 2008 est à peine surmonté que les banques se voient de nouveau autorisées à jouer open bar sur leurs activités les plus spéculatives.
La campagne de sevrage s’interrompt du fait de la mauvaise volonté du patient. Voilà un bienheureux alcoolique à qui l’on impose un régime sans spiritueux mais qui se voit autoriser la consommation de whisky-soda, de vodka-orange et de gin tonic… ou de cognac, à condition qu’il soit mélangé avec le café, sinon de rhum s’il est versé du dans du thé au miel.
Pour que la rupture avec les mauvaises habitudes ne soit pas trop violente, le médecin traitant réduit de 20% la dose des alcools consommés purs chaque année… mais en laissant totalement libre celle du vin à table et en fermant complètement les yeux sur la consommation en cachette — toutes ces activités bancaires échappant au contrôle des autorités de régulation.
La cirrhose de dettes et l’ivresse du shadow banking ont encore de beaux jours devant eux !
Mais c’est pour le bien de l’économie et des celle emprunteurs nous expliquent les avocats d’un assouplissement des directives de Bâle III. Sans la possibilité de prêter, il n’est pas de croissance flatteuse… pour paraphraser un célèbre aphorisme de Beaumarchais.
▪ Après les banques, bientôt le tour des assureurs ?
La prochaine étape va consister à laisser les assureurs accéder librement au bol de punch des banques centrales.
Ne vous méprenez pas, l’assouplissement de Solvency II (règles prudentielles appliquées aux assureurs) nous apparaît incomparablement plus justifié que l’enterrement de Bâle III.
Solvency II handicape fortement les assureurs dans leur activité de gestion d’actifs. Ce sont des mains longues contrairement aux BFI — filiales de groupes bancaires ayant un statut de banques d’affaires et qui se comportent le plus souvent comme des hedge funds spéculatifs avec des horizons de placement extrêmement court-termistes.
Mais le lobby des assureurs est manifestement moins influent et moins puissant que celui des banques. Le carcan prudentiel tarde à être desserré, ce qui interdit un vrai retour des gérants de l’épargne retraite sur les marchés d’actions.
▪ Les banques attendent de larguer le papier au plus haut
Cela fait certainement des mois que les banques font grimper les indices boursiers en espérant cyniquement pouvoir larguer le papier au plus haut, dès que les assureurs seront autorisés à en regarnir leurs portefeuilles d’actions.
D’habitude, ce sont les idiots, majoritairement des investisseurs particuliers réputés un peu naïfs, qui passent acheteurs après 40% de hausse — quand tout le monde tient le même discours euphorique, y compris au journal de 20h. Mais les petits porteurs ont quasiment disparu du paysage boursier, ou bien ils se sont transformés en traders intraday (et donc en suiveurs systématiques de la tendance).
Lors des précédentes corrections d’avril 2010, mai 2011, mars 2012, les frustrés de la hausse (ceux qui avaient raté le train) censés se précipiter à l’achat à la première occasion ne s’étaient pas manifestés avant que les indices aient reperdu 15% — et encore, le ramassage s’était avéré timide, le repli semblant s’éteindre de lui-même.
Nous espérons (et nous sommes convaincu) que les professionnels des compagnies d’assurance ne se laisseront pas prendre au mirage des marchés pas chers en regard des PER historiques.
Admirez comme cette notion de PER est jugée obsolète quand les marchés baissent. Ils vont continuer de chuter parce que le ratio cours/bénéfices est une photographie du passé ; en quoi cela nous éclaire-t-il sur le rendement du marché si les profits reculent ?
Par contre, quand le marché grimpe sans véritable raison économique mais que la planche à billets tourne à plein régime, on fait une moyenne des actions qui se payent 20 fois les profits et de celles qui se payent entre six et 10 fois — que tout le monde recommande de vendre. On nous produit aussi un PER de 11 ou 12, très inférieur au 16 de l’été 2007 (en oubliant les excès de valorisation qui n’épargnaient aucun secteur de la cote).
Un marché qui se partage entre des secteurs qui se payent 11 fois et 15 fois (le cas de figure relativement homogène de 2007) et huit et 18 fois (comme en ce début 2013), cela donne bien le même PER moyen de 13… mais en occultant de profonds déséquilibres entre survalorisation et sous-valorisation chronique. Résultat, entre des titres hors de prix et ceux auxquels il ne faut à aucun prix toucher, personne ne fait plus rien.
Pendant ce temps, les volumes fondent inexorablement à mesure que les excès se radicalisent — car il faut suivre la tendance, rien que la tendance.
L’activité est demeurée anémique ce lundi (après une première heure qui apparut prometteuse). C’est pourquoi le CAC 40 a préservé sans trembler (ni forcer le destin) le palier 3 700 points dans un contexte de consolidation très modéré en Europe avec -0,5% sur l’Euro-Stoxx 50 (et -0,4% à Londres).
Aucune accélération des dégagements ne s’est enclenchée, comme en témoigne un volume de seulement 2,15 milliards d’euros alors que cette séance était présentée comme celle du retour de nombreux gérants après une semaine de congé.
A Wall Street, l’indice VIX demeurait ancré sous les 14,2, soit un niveau extraordinairement faible et qui traduit implicitement un indice de confiance des marchés au zénith depuis 1998.