La Chronique Agora

Une baisse des déficits est-elle mauvaise pour l’économie ?

▪ Quand un homme mijote un mauvais coup, mieux vaut qu’il n’ait pas de chance.

Un malfrat vient cambrioler votre maison. Il trouve la porte déverrouillée. Il entre sans effraction. Il vole tout. Mission accomplie.

Plus tard, il est arrêté alors qu’il cambriole une banque. Il écope de 20 ans de prison.

Il s’en serait mieux tiré s’il avait trouvé votre porte imprenable… et avait abandonné !

De la même manière, les dernières nouvelles du bureau du Budget américain ne sont pas bonnes.

Les politiciens peuvent désormais arrêter de s’inquiéter des déficits… et continuer à dévaliser l’avenir. Les bonnes nouvelles sont de mauvaises nouvelles. Dans le New York Times :

"Depuis la fin de la récession il y a quatre ans, le déficit du budget fédéral a dépassé les 1 000 milliards de dollars par an. Mais à présent, le déficit annuel du gouvernement [américain] se réduit bien plus rapidement que quiconque l’attendait à Washington, peut-être même beaucoup plus vite que le rythme recommandé par de nombreux économistes pour la santé de l’économie".

"C’est en tout cas ce qu’affirme un nouveau rapport publié mardi dernier par le Congressional Budget Office ; il estime que le déficit pour cette année fiscale, qui se termine le 30 septembre, chutera à environ 642 milliards de dollars ou 4% de la production économique annuelle du pays, soit environ 200 milliards de dollars de moins que ce qu’anticipait l’agence il y a trois mois seulement".

Les économistes pensent donc que des déficits en baisse sont une mauvaise nouvelle. Selon eux, une baisse des déficits réduirait le PIB et l’emploi. Ils pensent que si l’économie américaine va si bien, c’est uniquement parce que les autorités étaient prêtes à dépenser de l’argent qu’elles n’avaient pas en choses dont elles n’avaient pas besoin.

▪ Le "succès" de la Grande expérience…
C’est une autre raison pour laquelle les nouvelles concernant le budget américain sont mauvaises : elles poussent les gens à croire que la Grande expérience est un succès !

Voici l’analyse de l’US Trust :

"… Selon nous, la stratégie politique que nous appelons Grande expérience est adaptée à la situation, et a aidé l’économie à cicatriser et se normaliser. A mesure que les investisseurs timides constatent que ces politiques fonctionnent, ils reviennent sur les marchés du risque, enclenchant un marché haussier séculaire. D’autres pays ont réagi à ce succès en lançant des initiatives hardies, la Banque du Japon en étant l’exemple le plus marquant".

Quoi ? Nous avons bien entendu ? La Grande expérience a aidé l’économie à se "normaliser" ?

Attendez… il y a là quelque chose de bizarre. "Normal", c’est ce qu’on obtient quand on n’expérimente pas. Le normal vient du normal. Si on veut parvenir à une fin normale, on doit s’assurer qu’on n’est pas en train de faire quelque chose de trop extraordinaire, non ?

Alors comment peut-on obtenir du "normal" à partir d’une "Grande expérience" ?

Nous laissons cette question aux philosophes de demain. Aujourd’hui, nous nous contenterons de suggérer que cette économie n’est peut-être pas si normale. Qu’y a-t-il de normal dans une économie où les grandes institutions financières peuvent emprunter de l’argent à taux zéro ? Qu’y a-t-il de normal dans une économie où des gens qui ont géré leurs entreprises de manières si imprudente qu’ils ont dû être renfloués par le gouvernement sont encore à la tête de ces mêmes entreprises ? Et qu’y a-t-il de normal dans une économie où les autorités dépensent encore 1,60 $ pour chaque dollar de recettes fiscales… et compensent la majeure partie de la différence en imprimant de la devise ?

Ce n’est pas du tout une économie normale… mais une économie étrange et grotesque… avec des tuyaux qui lui entrent dans le cerveau et des tubes dans les veines. La Grande expérience en politique monétaire a produit une économie expérimentale… comme on pouvait s’y attendre.

Le mot "normal" fait référence à ce qui finit par arriver à une économie… quels que soient les efforts des autorités pour l’arrêter. C’est là qu’on se retrouve une fois que la Grande expérience a échoué — on réalise alors que les Dr Bernankenstein ont produit un monstre… et non une économie normale.

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