La Chronique Agora

Au lieu de la faillite de la Grèce, c'est sur la Zone euro qu'il faut se concentrer

▪ « Ajustement pour raison d’aggravation ».

Voilà comment le ministre grec des Finances, Evangelos Venizelos, a décrit la prévision de déficit budgétaire revue à la hausse. Le déficit, qui était supposé au départ totaliser le pourcentage considérable de 7,6% du PIB pour l’année fiscale 2011-2012, atteindra à présent un pourcentage encore plus important de 8,5%, du moins jusqu’au prochain ajustement pour aggravation.

Pour être juste, le gouvernement grec n’est pas le seul à « ajuster pour raison d’aggravation ». Beaucoup de déficits de gouvernements à travers le monde ont été revus à la hausse parce que la croissance économique a été revue à la baisse. Sans surprise, les Bourses mondiales ont dérapé sur ces ajustements.

Plusieurs facteurs sont responsables de cette baisse de la croissance mondiale mais la crise de la dette souveraine en Europe fait certainement partie des principaux. Cette crise représente non seulement un danger clair et réel pour les états européens les plus endettés et pour les banques européennes les plus exposées ; mais elle menace également de détruire l’euro lui-même.

« L’euro est l’argent des Confédérés. C’est l’émission d’une confédération d’Etats », ironise Jim Grant, éditeur du Grant’s Interest Rate Observer, dans une interview récente accordée à Barron’s. « Les forces centrifuges en Europe prennent de l’ampleur mais les gouvernements n’ont pas la capacité à les maîtriser. L’euro va mourir ».

Que Grant ait tort ou raison à propos du destin de l’euro, le simple fait que l’euro doive faire face à une possible extinction est suffisant pour assombrir plusieurs pans de l’économie globale.

La Grèce fera-t-elle faillite ? Le Portugal la suivra-t-il ? Qu’en est-il de l’Espagne et de l’Italie ? L’euro peut-il survivre à plusieurs défauts souverains ? Peut-il survivre à ne serait-ce qu’un seul défaut ? (Ce sont là des questions qui alimentent une très forte incertitude en Europe, une très forte angoisse sur les marchés financiers mondiaux et une très forte paralysie de l’économie mondiale).

Les leaders de l’Union européenne pensent pouvoir rétablir l’ordre dans toute cette pagaille en mettant en oeuvre toutes les choses qui ne fonctionnent jamais :

– consacrer de l’argent aux causes perdues ;
– obliger un pays en difficulté à augmenter les taxes malgré une forte récession ;
– entraver le processus de faillite, de liquidation et de recapitalisation.

Ces tactiques ne marcheront pas ; elles ne feront simplement que retarder l’inévitable. Si l’Union européenne souhaite sauver l’euro, elle doit se résoudre à perdre la Grèce. Même alors, il pourrait être trop tard pour sauver l’euro. Mais cela peut ne pas être une mauvaise chose. La Suisse et la Norvège semblent s’en sortir, même sans l’euro. Autrement dit, le péril financier croissant en Europe « pourrait être fatidique, mais ce n’est pas grave », comme dirait notre ami Doug Casey.

« La Grèce est une cause perdue », a déclaré The Financial Times. « Aucune combine, aucune manipulation, aucune austérité ne permettra au pays d’atteindre ses objectifs fiscaux… Athènes est dans un cercle vicieux qui représente une menace sérieuse pour l’Eurozone. Il est temps que les décideurs ne se trompent plus de priorités. La tâche à présent n’est pas de sauver la Grèce mais de sauver l’Eurozone ».

▪ Peut-être. Ou peut-être la tâche des décideurs est-elle à présent de cesser de pondre de nouvelles politiques et d’en finir avec les plans de sauvegarde. Laisser le capitalisme faire son sale boulot. Un capitalisme réussi repose sur des cycles de croissance et sur des cycles contraction.

« Le capitalisme n’est pas qu’une question de réussite — ça, c’est la partie facile », observe Jim Grant dans son interview au Barron’s. « C’est aussi une question d’échec — le reconnaître, le traiter, le liquider, l’évaluer correctement… Dans la mesure où nous permettons aux marchés de faire le ménage, nous sommes sur la bonne voie ».

Les défauts et les faillites sont la base d’une économie qui se développe sur le long terme. La partie destructrice de la « destruction créatrice » joue un rôle vital, thérapeutique. Mais les leaders de l’Eurozone ne font clairement montre d’aucun goût pour la destruction créatrice. C’est plutôt le déni créatif qui est à l’ordre du jour.

Les défauts souverains et les faillites du secteur financier ne font pas partie du scénario « tout est bien qui finit bien ». Vous ne les trouverez pas dans les contes pour enfants, pas même dans les contes allemands. Les défauts et les faillites ne sont pas des choses terribles mais ils sont loin des « monts et merveilles » qui semblent être grosso modo l’objectif des leaders européens.

Mais voilà le problème : ceux qui dépensent beaucoup plus d’argent qu’ils n’en gagnent ne sont pas supposés vivre heureux jusqu’à la fin des temps, du moins pas immédiatement ; pas plus d’ailleurs que ceux qui ont prêté l’argent à ceux qui l’ont dépensé. Cette version de l’histoire n’est pas la bonne. Elle semble peu naturelle.

Généralement, ceux qui dépensent beaucoup plus d’argent qu’ils n’en gagnent vivent heureux dans le présent… jusqu’à ce que l’argent emprunté soit épuisé. Après, ils vivent avec moins de bonheur. Le chapitre suivant de l’histoire s’intitule « Faillite ».

Les leaders européens tentent d’ôter ce chapitre du livre.

Mauvaise idée.

Une Grande Correction est en cours, comme nous le rappelle sans cesse Bill Bonner. Cette Grande Correction fera son travail, peu importe le nombre de plans de sauvetage, de garanties de prêts ou de fonds de stabilité que les décideurs mettront sur son chemin.

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