Par Isabelle Mouilleseaux (*)
AIE contre OPEP
Sur l’échiquier des forces en présence :
** L’Agence Internationale de l’Energie, qui représente les Occidentaux. Elle réclame plus de barils pour faire tourner l’économie. C’est fou tout ce dont nous avons besoin pour "fonctionner" au jour le jour… Plus de barils, plus de liquidités (les banques centrales en injectent des milliards et des milliards en ce moment alors qu’on croule déjà sous les liquidités).
** Face à l’AIE : l’OPEP. Elle semble vouloir rester accrochée à ses quotas de production actuels. Malgré la hausse des cours, elle a jusqu’ici refusé d’accroître sa production/jour.
L’issue de cette confrontation ? Vous le saurez cette semaine. Encore un peu de patience…
En attendant, les marchés supplient
L’argumentation est sans appel : si l’OPEP n’augmente pas ses quotas de production, les cours vont immédiatement grimper plus haut à très court terme (sur ce point, je suis d’accord). Cela va peser sur les marges des entreprises, grosses consommatrices de brut, et provoquer rapidement un retour de l’inflation sur le devant de la scène. Quant au budget des ménages (notamment les ménages américains, déjà profondément embourbés dans les dettes), leur pouvoir d’achat sera amputé d’autant…
Ce qu’on ne vous dit pas, c’est que tout ceci est vrai si l’économie tourne à plein régime et que la consommation mondiale est très forte. Dans ce cas, la pression accrue de la demande sur l’offre ferait flamber les prix. Mais sommes-nous réellement dans cette configuration ? Soyons francs avec nous-mêmes.
Et si les marchés se trompaient ?
Autour de vous, chacun s’évertue à vous rassurer. Votre banquier, votre conseiller financier, vos journaux préférés… les secousses actuelles ressenties par les marchés viennent du monde de la finance, vous dit-on, et les conséquences resteront limitées au monde des banques.
Un simple incident de parcours en somme, dans un monde où tout va bien. Pas de quoi s’inquiéter. Voilà pour le discours ambiant. Il se veut rassurant.
Et si ralentissement économique il y avait ?
Pour ma part, je vous le disais hier, je ne vois pas comment les Etats-Unis pourraient échapper à une consolidation. Je ne parle pas d’un simple trou d’air dans l’activité économique mais plutôt d’un vrai ralentissement. En effet, le moteur de la croissance économique américaine est la consommation pour 70%. Ce ne sont ni les exportations, ni les investissements des entreprises.
Or si je suis d’accord pour dire que les entreprises se portent fondamentalement bien, je soulève un très gros point d’interrogation quant à la capacité de consommation à venir des ménages américains.
Ils sont cernés de tous côtés, entre des remboursements de dettes qui augmentent avec la hausse des taux, une baisse du prix de leurs actifs immobiliers, un pouvoir d’achat grignoté par la hausse des prix des matières (pétrole, lait, blé en tête), des risques de licenciement accrus…
Brutal retour de manivelle
Depuis des années déjà, ils ne consomment plus qu’à crédit, n’ayant aucune réserve d’argent devant eux. Mais ceci n’est absolument plus possible aujourd’hui. Fini l’argent facile… Du coup leur capacité d’emprunt, et donc de consommation, va en "prendre un coup" !
Il va d’abord falloir commencer par rembourser les emprunts en cours (au prix fort !). Et avec ce qui reste de budget, on s’autorisera la consommation… Retour de manivelle !
Les cours du brut devraient décroître naturellement
Si la consommation américaine baisse, l’activité économique américaine ralentira. Et les bourses marqueront le pas.
Et si l’activité économique US décroît, la demande pour le brut diminuera et la pression sur l’offre s’affaiblira, ce qui devrait faire reculer les prix du brut, naturellement, d’ici quelques semaines.
Telle est mon humble hypothèse.
La saisonnalité également défavorable au brut
Regardez un peu l’évolution du cours du brut au cours de l’automne. Vous verrez qu’historiquement, il a tendance à ralentir et s’affaisser durant cette période. Y aurait-il une saisonnalité de la demande ? Si oui, elle ne fera qu’accentuer le mouvement…
Et si l’OPEP relevait ses quotas de production cette semaine ?
L’ouverture des vannes au moment même où l’économie commencerait à ralentir entraînerait le cours du brut vers le bas, comme en janvier dernier où nous étions revenus vers les 50 $ le baril.
L’OPEP ne fera probablement pas cette erreur.
Prudence…
Prudence donc sur le brut dans les semaines qui viennent… Un statu quo de l’OPEP entraînera certainement à très court terme le cours du brut à la hausse. Mais à moyen terme, le désenchantement menace…
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux et toute son équipe vous communiquent quotidiennement les dernières nouvelles du marché des matières premières, et vous expliquent comment profiter de ce qui promet d’être le plus grand boom du 21ème siècle… Pour profiter de leurs conseils, rien de plus simple : il suffit de vous inscrire à L’Edito Matières Premières. Cliquez simplement ici, laissez-vous guider… et n’oubliez pas : c’est entièrement GRATUIT !