▪ Ces derniers jours, les marchés ont perdu du terrain. L’or aussi. Le QE se poursuit.
Notre collègue Chris nous a expliqué pourquoi tout cet assouplissement quantitatif n’engendre pas de hausse des prix à la consommation — du moins pas directement. En deux mots, c’est parce que l’argent termine prisonnier des « excès de réserves », qui ne peuvent être prêtés et n’entrent pas directement dans la masse monétaire.
Ceci expliquerait pourquoi nous n’avons guère vu, ces derniers temps, ce que nous appelons généralement « inflation ». Cela explique aussi pourquoi le QE ne « marche » pas — même selon ses propres termes tordus.
D’abord, regardons ce que le QE fait vraiment : transférer de gigantesques sommes du secteur productif vers les zombies.
– Les épargnants voient leurs revenus réduits par les taux d’intérêt artificiellement bas. Mais les zombies — principalement le gouvernement et tous ses clients — obtiennent de l’argent à des taux inhabituellement favorables.
– Le secteur financier s’enrichit lui aussi. Les actionnaires et les spéculateurs gagnent de l’argent… même alors que l’économie est boiteuse et les bénéfices réels (si l’on retire les coûts artificiellement bas des intérêts) médiocres. Le marché boursier est proche d’un sommet historique… tandis que les salaires et les revenus disponibles des ménages s’effondrent.
La moyenne masque ce qui se passe vraiment. Oui, les riches deviennent plus riches. Mais 90% de la population américaine a moins de richesse aujourd’hui qu’elle n’en avait en 2007. Sur ces 90%, la première moitié a 44% de valeur nette en moins qu’à l’époque.
– La semaine dernière, le Financial Times rapportait que les bonus, à Wall Street, seraient environ 5% supérieurs à ce qu’ils étaient il y a un an. Hé… comment faites-vous ça ? Comment les revenus du secteur financier augmentent-ils deux fois plus vite que le PIB ? Allons, vous le savez très bien : c’est parce que la Fed pèse sur les taux d’intérêt… forçant les gens à se muer en spéculateurs… augmentant le « trading » des investisseurs boursiers… et accroissant les revenus de Wall Street par la même occasion !
▪ Ce que le QE ne fait PAS, en revanche…
… Pour l’instant, c’est rallumer l’économie elle-même. Si c’était le cas, on verrait les prix grimper. Ce n’est pas le cas (quand bien même on tient compte du fait qu’on ne peut pas faire confiance aux chiffres officiels). Les derniers rapports montrent que l’inflation des prix à la consommation baisse, elle ne grimpe pas.
Regardez les matières premières. Après avoir atteint un plus haut en avril 2011, l’indice CRB a baissé, baissé, baissé… de plus de 25%. Et l’IPC officiel n’est que de 1,2% aux Etats-Unis — substantiellement inférieur à la cible de la Fed.
Regardez aussi ce qui se passe en Europe. Le taux d’inflation des prix à la consommation vient de tomber à 0,7% — tout comme au Japon. En fait, il est de retour à des niveaux constatés au plus profond du désendettement déflationniste de 2009.
Même en ce qui concerne la hausse des prix des actifs, le QE se révèle de moins en moins efficace. Depuis mai, le S&P 500 a pris 2%. Mais pendant ce temps, la Fed a injecté 500 milliards de dollars dans le système. Quoi ? Un demi-millier de milliards de dollars, et tout ce qu’on obtient, c’est un ridicule gain de 2% ?
Hmmm… que faut-il en déduire ?
Tout d’abord, oubliez le tapering. Imaginez ce que donnerait une baisse du QE. Sans revenus provenant des refinancements à bas coût… sans nouvelle demande nourrie par les revenus des ménages… et sans pricing power — les bénéfices des entreprises commenceront à chuter. QE ou pas, les prix des actions chuteront. La Fed paniquera. Elle sera confrontée à une chute des prix des actifs et à des prix à la consommation désinflationnistes (voire déflationnistes). Elle devra trouver un moyen d’augmenter le programme d’assouplissement quantitatif de manière à ce qu’il fasse parvenir les dollars plus directement dans l’économie.
Ensuite, cette nouvelle poussée de QE — si elle se produit — pourrait très bien faire grimper les actions en flèche à nouveau. Rien de tel qu’un peu d’argent gratuit pour contenter les investisseurs.
Troisièmement, bien entendu, toute l’affaire est condamnée à échouer. On ne peut pas vraiment augmenter les revenus réels ou la valeur des entreprises en faisant baisser certains prix (les taux d’intérêt) et augmenter d’autres (ceux des actifs). Tout ce qu’on peut faire, c’est aggraver la situation… créant une bulle, qui éclate inévitablement en causant encore plus de dégâts.
Mais comment est-ce que ça fonctionne exactement ? Quand est-ce que tout ça… le QE… les taux bas… les déficits… tirer, pousser et pincer l’économie… quand est-ce que ces sottises finiront par faire BOUM ?
Hé là, cher lecteur… nous confondriez-vous par hasard avec quelqu’un qui sait vraiment quelque chose ?