La Chronique Agora

L’assouplissement quantitatif, la moins pire des solutions pour la Fed ? (2ème partie)

Par Marc Faber

J’ai mentionné mercredi le fait que la Fed a perdu le contrôle du marché obligataire. Considérons maintenant deux scénarios extrêmes de politique monétaire : soit la Fed annonce un arrêt immédiat de ses achats d’actifs (politique A) ; soit elle annonce une augmentation immédiate de ses achats d’actifs à 200 milliards de dollars par mois (politique B). Comment le marché obligataire réagirait-il à ces annonces ? Quelles en seraient les conséquences ? A mon avis, à l’annonce de la politique A, le marché obligataire dévisserait pendant un jour ou deux.

Mais par la suite, les acheteurs d’obligations comprendraient qu’une Fed n’achetant pas d’actifs serait de nature déflationniste et par conséquent bénéficiaire pour les obligations. L’annonce de la politique B mènerait sans doute à un rebond immédiat de la valeur des obligations (mais sans doute pas à un nouveau plus haut) et n’entraînerait probablement pas un nouveau plus bas des taux d’intérêt. En fait, je suppose que si le bilan de la Fed et d’autres banques centrales devait s’étendre à l’infini à un rythme rapide, le marché obligataire s’effondrerait.

Quoi qu’il en soit, lorsque le rendement des bons du Trésor à 10 ans a monté autour des 3%, j’en ai acheté. Le sentiment était extrêmement baissier (les boursicoteurs étaient complètement en dehors du marché obligataire) et je pensais que le « ralentissement » serait favorable au marché obligataire.

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Mon hypothèse s’est avérée fausse… mais juste à propos de l’achat des bons du Trésor puisque par la suite ils ont beaucoup augmenté. Voilà le monde déroutant de l’investissement dans lequel nous vivons. Etant donné ma vision pessimiste de l’économie mondiale, je pensais que les rendements des bons du Trésor US à 10 ans pourraient décliner à nouveau pour se situer entre 2,2% et 2,5%.

▪ Est-il sage de vendre les bons du Trésor US ?
Toutefois, à plus long terme, je reste baissier sur les obligations. Il faut cependant tenir compte d’un élément. Est-il sage de vendre les bons du Trésor américain ? Les informations pour clientèle privée de Bank of America, Merrill Lynch (BofAML) qui circulent là-bas, montrent une aversion complète aux obligations et un fort attrait pour les actions.

Selon le responsable en chef des stratégies d’investissement de BofAML, à la fin de la semaine du 11 septembre 2013, les investisseurs privés ont investi 14,3 milliards de dollars dans des fonds communs d’actions et ont retiré 3,5 milliards de dollars de fonds obligataires. (Ce fut le plus grand mouvement hebdomadaire de ces trois dernières années.) Je pose cette question parce que, selon les évaluations actuelles pour les actions américaines, les rendements futurs seront relativement faibles.

Selon le PER actualisé de Robert Shiller, le rendement attendu à cinq ans sera de 4% et le rendement à 10 ans seulement de 1%. Sur le court terme, j’ai également noté que les actions sont devenues extrêmement surachetées à la suite du fort rebond par rapport à leur dernier plus bas d’août et que la progression actuelle n’a pas été confirmée par les divers indicateurs techniques. Depuis le plus bas du 28 août à 1 627, le S&P 500 a grimpé directement à 1 729 le 29 septembre (de 6,3% en trois semaines ou de plus de 100% annualisé).

Pour rappel, le S&P 500 est également en augmentation de 61% depuis son plus bas du 27 octobre 2011, à 1 074 (en deux ans). Je peux donc comprendre pourquoi la BofAML ne cesse de recevoir des coups de fils de la part de clients souhaitant faire passer leur argent des obligations aux actions. Mais cela ne signifie pas que les actions sont une bonne valeur.

Je souhaite que mes lecteurs comprennent bien que lorsque j’ai acheté dernièrement mes bons du Trésor rapportant plus de 2,9%, je ne pensais pas non plus qu’elles étaient une bonne valeur. Mais ma répartition d’actifs était telle qu’avec 25% du total de mes actifs dans les marchés obligataires émergents et en liquidités, je détenais beaucoup de dollars, qui étaient dans le système bancaire et ne me rapportaient quasiment rien. En transformant donc une partie de ces liquidités en bons du Trésor à 10 ans, j’ai gagné un petit revenu supplémentaire et un plus haut niveau de sécurité (du moins pour l’instant) comparé à la détention de dépôts bancaires.

Je mentionnerais également que selon le PER actualisé de Shiller, le rendement attendu à cinq ans pour les actions des marchés émergents sera de 19% et le rendement à 10 ans de 13,8%.

Je dois dire que je considère ces attentes de rendement des marchés émergents complètement irréalistes. Etant donné ma perspective négative sur l’économie chinoise, je pense que les rendements des marchés émergents pourraient être nuls (voir même moins que cela pour les prochaines années.

Comme l’a observé James Burgh (1714-1775), homme politique britannique qui a défendu le « discours libre » : « en période de prospérité, préparez-vous à un changement ; en période d’adversité, n’en espérez aucun ».

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