La vignette antipollution Crit Air, les normes des logements donnés en location, Bill Bonner revient se frotter à l’art de vivre français.
« Vous ne pouvez pas entrer dans Paris avec cette voiture. »
Notre jardinier est notre source d’information locale et de sagesse universelle.
« Vous n’avez pas de vignette verte », a-t-il expliqué.
Les Français trouvent toujours un moyen pour rendre la vie plus chère, difficile, inefficace et improductive. Le dernier en date, c’est l’instauration d’un système destiné à interdire les rues de la capitale aux véhicules anciens, comme le nôtre.
« Elle est trop vieille et trop polluante », nous a dit Damien.
« On vous délivre une vignette à placer sur le pare-brise. Si vous avez une voiture neuve à faible émission, on vous attribue une vignette verte. Si vous avez une voiture normale, on vous attribue une vignette jaune.
« Mais cette voiture, elle aurait une vignette noire… et vous ne seriez pas autorisé à circuler dans les rues ».
Quel choc !
Nous possédons cette voiture depuis 20 ans, un Espace Renault, très pratique lorsque nous avions cinq enfants et une grand-mère à la maison.
Le moteur diesel n’est jamais tombé en panne. Nous avions l’intention de la prendre pour aller à Paris, vendredi, pour assister à des réunions.
Un Renault Espace devenu un danger mortel
A présent, nous devrons prendre le train. Ce qui n’est pas si mal… en théorie.
En pratique, les trains sont contrôlés par des travailleurs syndiqués qui ont encore les photos de Karl Marx ou de Léon Trotski sur les murs de leur salon… Ils lèvent le poing pour les saluer chaque fois qu’ils passent devant.
Ils pensent qu’il est de leur devoir de déranger le plus possible la bourgeoisie. Normalement, ils se mettent en grève lorsque cela gêne le plus les autres… et que cela leur convient le mieux.
« Je ne sais pas », a poursuivi Damien, « mais ils vont probablement faire grève la semaine prochaine. Il y a un pont le 14 juillet ; le président Donald J. Trump se joindra aux festivités.
« On ne pourra ni entrer dans Paris, ni en sortir. Et les cheminots auront un jour de congé en plus. »
Nous commencions à peine à nous remettre de cette nouvelle quand Damien nous en a asséné une autre.
Il y a toujours des contretemps, dans la vie. Il y a ceux que nous nous créons : le fruit de nos mauvais accords, mauvais jugements ou mauvaises habitudes. Et il y a ceux que nous inflige la nature.
Nous les acceptons tous les deux, tout comme nous acceptons les mouches et les fous… en essayant seulement de limiter les dégâts.
Nous prenons avec bonne grâce les contretemps infligés par la nature et le hasard. Si nous construisons notre maison sur la plage, par exemple, nous ne nous plaignons pas si un ouragan inonde le salon. Nous l’avons cherché.
Mais si un gouverneur ferme notre plage, en invoquant un « problème budgétaire », nous nous méfions… et nous sommes contrarié. Surtout si, ensuite, il se sert lui-même de cette plage.
En fait, il existe toute une catégorie de contretemps, provoqués par les accords gagnant-perdant qui nous sont imposés.
Par exemple, un cambrioleur vous braque une arme sur la tempe. « L’argent ou la vie », vous dit ce voleur cultivé. Et si vous parveniez à nouer la conversation avec lui, vous découvririez qu’il a plein de bonnes raisons de commettre ce vol.
Il a été violé lorsqu’il était enfant. Il fait partie d’une minorité défavorisée. Il est allé à l’école publique. Il a plus besoin de cet argent que nous. Il ne vole que pour donner aux pauvres.
« Voler aux riches », dit-il, « réduit l’inégalité des richesses. Et comme nous l’avons appris en lisant Stiglitz, Krugman, Piketty, et al., cette inégalité des richesses ralentit la croissance et appauvrit tout le monde. En redistribuant la richesse, tout le monde s’en sortira mieux. Je suis juste un facilitateur. Je contribue à créer une société plus juste. »
Vous voyez immédiatement que ce voleur a de l’avenir en politique !
« Les risques sont plus faibles… et le retour est meilleur », lui dites-vous. « Et puis le travail est essentiellement le même : détourner l’argent appartenant à ceux qui l’ont gagné pour le donner aux gens que privilégie le voleur ».
Les braqueurs de bas étage se font attraper… ou abattre… de temps en temps. Le politicien, lui, presque jamais.
Au contraire, il est réélu… transféré d’une commission à une autre, plus puissante… où il peut redistribuer encore plus d’argent.
Et lorsqu’il prend enfin sa retraite, un job confortable l’attend, chez les compères : dans des think-tanks, des sociétés de lobbying ou de grandes entreprises.
De plus en plus d’humidité
C’est avec cela à l’esprit que nous avons pris le chemin de notre maison du garde, à l’entrée du domaine, en compagnie de Damien.
La maison du garde
C’est une petite maison pleine de charme. Une cheminée. Le chauffage au gaz. Un sol d’origine, dont les dalles ont été réalisées à la main. Des poutres apparentes.
Mais elle n’est pas habitée. Or une maison vide se dégrade plus vite qu’une maison habitée. L’humidité remonte le long des murs de pierre. C’est ce que l’on appelle l’humidité ascendante. Bientôt, il y aura de la moisissure, du salpêtre, et la peinture s’écaillera.
« Comment se fait-il qu’elle ne soit pas louée ? », avons-nous demandé.
« Deux ou trois personnes sont venues la visiter. Mais elle n’est pas aux normes. »
« Quelles normes ? Elle a 200 ans… »
« Peu importe », a poursuivi Damien. « Il y a une nouvelle loi. Si vous voulez louer un logement, il faut le faire inspecter pour voir s’il est aux normes.
« Cela coûte… je ne sais pas… 200 €, et on vous certifie qu’il est aux normes. Et il faut le faire avant de le louer, à chaque fois. C’est une arnaque. »
« Que faudrait-il faire, ici ? »
« Oh là ! C’est presque impossible. Il faudrait qu’elle soit totalement isolée. Il faudrait refaire les murs. Les murs en pierre ne passeront pas. Il faudrait mettre du placoplâtre avec un isolant.
« Et il faudrait refaire toute l’électricité. Et installer des fenêtres à double-vitrage. Et trouver un moyen d’isoler le toit. Je ne sais pas comment on pourrait le faire sans recouvrir les poutres.
« Et cet escalier : il est trop étroit. Les marches ne sont pas tout à fait comme elles devraient être. »
Damien pointait du doigt le coin où un petit escalier – réalisé à la main, et aux marches usées par le temps – grimpe vers la chambre mansardée.
« Cela ne vaudrait pas le coup. Nous la louons 300 € par mois, lorsque nous trouvons un locataire. Et la mise aux normes coûterait probablement 15 000 €. Voyons. Combien de temps faudrait-il, pour rentrer dans les frais ? Je ne sais pas… 20 ans ? »
L’arithmétique n’est pas le point fort de Damien.
Il faudrait probablement quatre ans pour que cet investissement soit rentabilisé, et encore si la maison est louée en permanence. Tout de même, ce n’est pas un investissement monstrueux.
Mais imaginez le gâchis : la maison est déjà confortable. Telle qu’elle est utilisée, avec une cheminée ouverte, l’isolation a moins d’importance. Et qui peut dire que les murs en placoplâtre sont une nette amélioration par rapport aux murs de pierre ?
Seul le locataire peut dire s’il l’aime telle qu’elle est… ou s’il la veut… et si elle mérite le loyer.
Mais attendez… Ce n’est pas tout.
« Ce n’est pas si simple », m’a expliqué Damien.
« Presque tous les locataires touchent une aide au logement du gouvernement, qui couvre la moitié du loyer environ. Mais ils ne peuvent la percevoir que s’ils louent un logement agréé. Donc, ils ne peuvent pas louer cette maison. »
Gagnant-perdant. L’Etat impose aux locataires ce qu’il considère comme un logement approprié. Il subventionne ceux qui obtempèrent et punit ceux qui ne le font pas.
D’où sort cette idée ? Quel est le politicien qui a imaginé devoir imposer aux propriétaires et aux locataires le lieu où ils peuvent vivre ou non ?
Nous l’ignorons, mais nous nous attendons à le voir siéger au conseil d’administration d’une société d’inspection du logement lorsqu’il prendra sa retraite du gouvernement.