La Chronique Agora

En Argentine, la relève

argentine

« Nous avions toujours un peu honte… ou peut-être avions-nous un complexe d’infériorité… à cause de notre gouvernement, si incompétent ».

Un ami argentin — qui possède du bétail — expliquait ce qu’il pensait de son nouveau président, l’homme d’affaires Mauricio Macri.

(Pour vous donner quelques détails, Macri est devenu maire de Buenos Aires après avoir passé des années à travailler pour le privé dans le secteur de la construction et de l’industrie. En novembre dernier, il a battu son opposant de gauche pour devenir le nouveau président d’Argentine… mettant fin à 12 années sous la férule du parti péroniste).

C’est la première fois que je votais pour un politicien en espérant vraiment qu’il gagne

« C’est la première fois que je votais pour un politicien en espérant vraiment qu’il gagne. Cela semblait impossible, mais il l’a fait.

Il pourrait en remontrer à n’importe quel président des Etats-Unis — du moins de l’époque récente. Il ressemble à un Kennedy conservateur qui connaîtrait les entreprises. Par rapport à vos principaux candidats aux Etats-Unis — Clinton et Trump — il est bien meilleur.

Evidemment, on n’est qu’au début. Macri va faire des erreurs. Et on ne sait pas encore si un président tel que lui peut survivre en poste dans ce pays. Mais je suis très optimiste. C’est pour ça que j’investis à nouveau.

Nous ne pouvions pas exporter de viande, sous [l’ex-présidente] Kirchner. Les agriculteurs ont vendu leur bétail et planté du soja. A présent, les prix du soja sont en baisse… et la viande de boeuf a largement augmenté. On peut re-gagner de l’argent avec le bétail.

J’ai 300 têtes, dont les 230 que j’ai de vous [nous avons expédié nos bêtes plus bas dans la vallée à mesure que l’herbe se faisait rare], et je vais en ajouter 350 de plus ».

Visite à Jorge

Pendant ce temps, au ranch, les choses vont mieux aussi… si on ignore la sécheresse.


Notre ranch, asséché — il n’y a pas eu assez de pluie cette année

Nous sommes arrivé la semaine dernière. Notre fidèle intendant, Jorge, a pris sa retraite. Il vit désormais non loin de l’aéroport ; nous avons donc faite une petite halte pour le saluer, lui et sa femme Maria.

Nous nous inquiétions que Jorge trouve la retraite ennuyeuse et difficile

Après une vie passée dans les montagnes… à cheval tous les jours… surveillant des milliers d’acres de pâturages… retapant des clôtures… réparant les routes… luttant avec les veaux… et à la tête d’une équipe de gauchos… nous nous inquiétions que Jorge trouve la retraite ennuyeuse et difficile.

Il n’allait pas se mettre au golf. Pas plus qu’il n’allait entrer au Starbucks, prendre un latte et surfer un peu sur internet. Il n’est pas à sa place en ville.

Son fils était là lorsque nous sommes arrivé. Il taquinait son père…

« Allez-vous reprendre Papa au ranch ? » demanda-t-il.

« Il faut qu’il y aille », continua le fils de Jorge. « Il continue de se lever à six heures du matin. Il ne peut pas s’en empêcher. Il a ramené les deux chevaux qu’il avait au ranch et les a mis dans une ferme voisine. Il y va tous les jours juste pour chevaucher un peu et observer le bétail. Il devient fou. Et il nous rend fous ».

Tout le monde se mit à rire.

Nous nous sommes tourné vers Jorge. Il riait aussi, mais son rire manquait de sincérité.

« Comment trouvez-vous la retraite ? » Nous avons posé la question directement.

Jorge a haussé les épaules.

« Ca va ».

Mais ça n’allait pas. Nous pouvions le voir à son visage. Il y avait une trace de tristesse dans son regard habituellement joyeux.

Pendant près d’un demi-siècle, il s’est levé tous les jours pour sortir dans la vallée… ou dans les montagnes. Il fallait s’occuper du bétail. Il y avait des problèmes à résoudre. Il y avait des gens à voir. Il pouvait ferrer un cheval, castrer un veau et construire un mur de pierre — tout ça avant le déjeuner.

A présent, il doit se réveiller… et se demander pourquoi il se donne la peine d’ouvrir les yeux.

Notre nouveau capataz

« Comment va Gustavo ? » avons-nous demandé.

Gustavo est le nouveau capataz, l’homme qui a pris la relève de Jorge.

« Je pense qu’il ira bien. Les gens l’apprécient. Le ranch est un bon endroit où travailler. Les peones [comme Jorge appelle les hommes qui travaillent pour nous] sont contents. Après tout, on les paie. J’ai entendu dire que les ranchs voisins sont incapables de payer leurs travailleurs. Les salaires ont des mois de retard. Nos peones se sentent chanceux d’être chez nous ».

Au cours des ans, votre correspondant a développé beaucoup d’admiration et d’affection pour Jorge

Nous étions heureux de l’entendre dire « nous ». Au cours des ans, votre correspondant a développé beaucoup d’admiration et d’affection pour Jorge.

Nous en sommes venu à n’avoir nul autre but principal que gagner son respect. Nous sommes là depuis 10 ans. Mais nous étions si mal à l’aise à cheval quand nous sommes arrivé… si maladroit en espagnol… si ignorant du bétail et du ranch… que ça a toujours été difficile.

A présent, il a pris sa retraite et a quitté le ranch. Et nous, quel est notre but ?

« Venez nous rendre visite », l’avons-nous pressé. Il a accepté de venir samedi prochain.

Au ranch, c’est Gustavo qui a pris la relève. Jeune. Affable. Intelligent. Gustavo aussi a grandi ici. Sa mère vient de l’une des anciennes familles du ranch. Il ne sait pas qui est son père — une situation loin d’être inhabituelle dans les montagnes.

Gustavo s’est installé avec sa famille dans la maison de l’intendant en janvier, et gère les choses depuis.
Nous nous demandions s’il allait pouvoir remplir le rôle de Jorge — nous nous demandions si quiconque le pouvait. De plus, Gustavo est plus jeune que les autres employés du ranch. Les vieux gauchos sont coriaces ; peut-être ne l’accepteraient-ils pas comme patron.

Mais « jusque-là, tout va bien », dit Gustavo.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile