La Chronique Agora

L’Argentine : un aperçu de l’Amérique de demain

L’Argentine est dans un chaos politique. Tout comme les Etats-Unis. En observant ce qui arrive dans ce pays d’Amérique du Sud, nous pouvons voir ce qui nous attend.

Vous ai-je déjà dit combien j’aime l’Argentine ? C’est un pays de rêve… du moins pour un économiste ayant tendance à répéter « je vous l’avais bien dit » et qui est mauvaise langue. Pour le reste du monde, ce pays est un cauchemar.

L’Argentine est à l’économiste ce qu’une petite ville minée par la corruption doit être au romancier. Il peut y voir qui couche avec qui, qui est porté sur la bouteille, qui ne paie pas ses factures et qui a tendance à prendre du poids, qui agit bien, qui agit mal… Tant de sources d’inspirations !

En Argentine — passée et présente — nous pouvons voir toute la gamme de la diversité des dégâts que les économistes et les hommes politiques peuvent faire.

Voyez-vous, l’Argentine est un pays naturellement riche. Il est grand, il a un potentiel important, les terres agricoles les plus riches au monde, de l’eau en abondance, beaucoup de gisements miniers et d’autres ressources.

C’est un pays européen — sa population descend des immigrés de Sicile, ce qui probablement explique beaucoup de choses. En tant que telle, l’Argentine est héritière de toute la science, l’expérience et la philosophie des Lumières, de tous les progrès technologiques de la Révolution Industrielle… et de toutes les théories bidons et perversions des élites européennes et américaines du XXe siècle.

Que font donc les Argentins de leur bonne fortune ?

Ils la sabotent, naturellement. Classé au cinquième rang des pays les plus riches du monde en 1900… le pays n’est plus aujourd’hui qu’à la 50e place. De toutes les villes, Buenos Aires est celle qui détient le record du nombre de personnes en psychothérapie ; un fait qui pourrait également expliquer beaucoup de choses.

Existe-t-il une politique mauvaise que les Argentins n’ont pas essayé au moins deux fois ?

Oui… Ils n’ont pas suivi le chemin des Bolcheviks… ni celui des Maoïstes… Ils n’ont pas orchestré de grandes famines… ni de massacres à grande échelle (juste quelques milliers de victimes, pendant les années de dictature militaire)… ni d’expropriations en masse. Mais… l’avenir n’est pas écrit !

Ce que nous aimons dans ce pays c’est que nous pouvons observer les erreurs et les dysfonctionnements tout en continuant à vivre raisonnablement bien — du moins depuis notre refuge.

Il y a seulement quelques mois, le gouvernement argentin a exproprié la plus grande compagnie pétrolière du pays. A présent, il a racheté l’entreprise privée qui imprime ses pesos !

Voici un article paru récemment dans le Buenos Aires Herald (nous aimons tant ce journal que nous envisageons d’essayer de l’acheter !) :

« Jeudi, le Sénat a voté par une avance de 44 contre 20 votes l’expropriation de l’entreprise d’impression de monnaie Ciccone (huit autres sénateurs, y compris l’ex-président Carlos Menem, se sont abstenus). On peut penser que les 64 sénateurs ont des raisons valables à leur prise de position. »

« Qui pourrait être contre le principe de souveraineté monétaire qui sous-tend cette loi (puisque pas même les économies les plus libérales dans le monde ne songeraient à privatiser leur frappe de monnaie) ? »

Mais c’est là que cela devient intéressant. Lorsque le gouvernement exproprie… il paie un dédommagement. Il peut racheter l’entreprise qui imprime sa monnaie pour une raison dévoyée de patriotisme. Ou il peut le faire parce que des initiés ont pris le contrôle de l’entreprise et vont se faire de l’argent aux dépens du contribuable.

« Quelles qu’aient été les irrégularités au sein de Ciccone avant cette nationalisation, et que les suspicions sur le fait que cette nationalisation est une vaste couverture soient plus ou moins justifiées, cela ne relève pas du Congrès, à proprement parler, mais de la cour qui enquête sur le scandale… »

Voilà ce qui rend si intéressante la vie financière sur la pampa : vous savez qu’elle est corrompue… mais elle est généralement encore plus corrompue qu’on ne le croit. Il y a souvent une corruption au sein de la corruption… des dessous de l’histoire… des escrocs escroqués…

Bref, tout cela est délicieux à observer… tant qu’on ne s’en approche pas trop.

Maintenant que le gouvernement a pris le contrôle de l’entreprise qui imprime son argent, qu’arrivera-t-il ? On peut s’attendre à ce qu’elle fasse ce que font toutes les autres entreprises nationalisées. Les dépenses augmenteront, la production diminuera. Ce sera comme la Poste américaine…Amtrak… ou la Social Security Administration.

Même pour l’impression de monnaie, l’Argentine sera infortunée… et incompétente.

Déjà, un peso imprimé en 2012 perdra un tiers de sa valeur d’ici 2013. Bientôt, avec l’entreprise d’impression de monnaie gérée par le gouvernement, un peso aura perdu la totalité de sa valeur avant même d’être imprimé !

Pour en revenir aux Etats-Unis, les banques centrales fonctionnent toujours sur le style de Tokyo. Elles impriment de l’argent. Elles le prêtent via la politique ZIRP (zero interest rate policy — politique monétaire basée sur des taux d’intérêts nuls ou presque). Elles renflouent les industries-clés. Mais l’argent n’entre pas dans l’économie. Il ne soutient pas les prix à la consommation — du moins, pas encore. Il va dans les coffres des banques… où il est utilisé pour acheter des bons du Trésor américain. Cela signifie qu’il est re-prêté aux gens qui l’ont imprimé !

Sympa le système ! Dingue. Insensé. Idiot. Très argentin.

Et ce ne sera peut-être qu’une question de temps, jusqu’à ce que les Américains commencent à comploter le même genre de manigances — avec le même genre de résultats — qui ont tourmenté la pampa depuis un demi-siècle.

Selon Larry Summers, l’Etat va grossir, peu importe qui gagne la Maison Blanche. Pourquoi ? Parce qu’une hausse du nombre des personnes âgées signifie une hausse des demandes de retraites et de sécurité sociale.

Deuxièmement, plus de dettes signifie plus de versements au titre du service de la dette.

Troisièmement, les choses que le gouvernement achète — les soins de santé et les matériels militaires — deviennent de plus en plus sophistiqués et chers. Ainsi, le prix d’un séjour à l’hôpital a été multiplié par 100 depuis le début des années 1980.

Quatrièmement, les gouvernements fédéraux devront accroître les dépenses sur les infrastructures… et pour compenser les effets de l’inégalité croissante des revenus, selon Summers.

En grossissant, l’administration fera plus d’interventions décalées dans l’économie… redistribuera plus de richesses… réduira le taux de la croissance économique réelle… et appauvrira les gens… tout comme l’Etat argentin le fait depuis les années 1950. Puis il ne tiendra plus le coup et fera faillite de temps en temps, à nouveau, tout comme au sud du Rio de la Plata.

Les services gouvernementaux cesseront de travailler. Les contrôles gouvernementaux n’auront plus de valeur. Les agences gouvernementales s’effondreront et les fonctionnaires deviendront les ennemis du peuple.

Mais au moins la Social Security Administration, qui siège à Baltimore, est en train de se préparer. Voici un article tiré du Economic Policy Journal :

« La Social Security Administration va acheter 174 000 lots de balles à tête creuse. »

« De quoi a peur la Social Security Administration ? »

« La SSA a acheté 174 000 lots de balles à tête creuse qui seront livrés dans 41 emplacements à travers le pays, rapporte Infowars. »

« Les balles à têtes creuses sont conçues pour exploser une fois entrées à l’intérieur du corps, provoquant le maximum de dégâts en déchirant les organes internes. »

« Une sollicitation enregistrée par la SSA sur le site FedBizOpps demande aux fournisseurs de livrer 174 000 lots de ‘munitions pour pistolet.357 Sig 125-grains à tête creuse’. »

« Un distributeur de munition décrit sur son site ces balles comme répondant parfaitement à une ‘performance maximale comparable, et parfois surpassant les cartouches de précision de nombreux pistolets’, notant qu’il s’agit d’une très bonne balle pour une arme de défense personnelle. »

« Les munitions doivent être livrées en 41 emplacements 60 jours après l’achat. Un tableau séparé liste ces emplacements, qui comprennent le siège de la Sécurité Sociale à Baltimore, ainsi que dans les principales villes du pays comme Los Angeles, Detroit, Oklahoma City, Dallas, Houston, Atlanta, Denver, Philadelphie, Pittsburgh et Seattle. »

« Selon Infowars, le DHS (Department of Homeland Security — ministère de la Sécurité Intérieure) a également récemment acheté plusieurs cabines pour postes de contrôle à l’épreuve des balles, avec feux de signalisation compris. »

Les Etats-Unis sont encore loin de l’Argentine… mais ils s’en approchent.

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