La Chronique Agora

L’argent-métal, cet or sous stéroïdes (1/2)

argent-métal

Ce métal est fascinant de par son aspect monétaire, mais aussi industriel. Une stratégie efficace doit allier ces deux métaux nobles. Oui, il faut s’intéresser à l’argent-métal… mais pourquoi maintenant ?

Surnommé « l’or du pauvre », l’argent n’a pourtant rien à envier au métal jaune en termes de performance. Au contraire. Avec l’or, on vole dans un Boeing 747. Avec l’argent, on vole dans un F-16 !

Or et argent : une histoire commune

Avant de nous pencher sur l’opportunité de la décennie, remontons dans le temps.

L’or semble être le métal le plus anciennement utilisé par l’être humain. De petites quantités d’or naturel ont été trouvées dans des grottes espagnoles utilisées à la fin de la période paléolithique, vers 40 000 av. J.-C.

Vers 2 500 av. J.-C., l’argent-métal était peut-être inconnu des anciens Egyptiens. Ils pouvaient se procurer de l’or, voire de l’électrum, un alliage naturel d’or et d’argent, mais la langue égyptienne est alors dépourvue de mot pour désigner l’argent-métal.

Lorsque l’argent fut finalement introduit en Egypte, il avait probablement plus de valeur que l’or.

Sur les listes d’objets de valeur, les articles en argent étaient classés au-dessus de ceux en or pendant l’Ancien empire.

Vers 630 av. J.-C, les premières pièces d’or et d’argent ont été frappées en Lydie (Turquie actuelle)

Vers 335 av. J.-C, Aristote théorise les trois grandes fonctions de la monnaie : unité de compte, intermédiaire dans les échanges et réserve de valeur.

A partir de là, nous pouvons énumérer les qualités « monétaires » de l’or et l’argent qui en font les meilleurs candidats à ce poste (même par rapport à d’autres métaux).

Elles se divisent comme suit…

Moyen d’échange : peut servir d’intermédiaire dans les échanges, ce qui représente une évolution importante par rapport au troc.

Unité de compte : peut être comptée.

Durabilité : peut servir pendant longtemps.

Divisibilité : peut être divisée en parts égales, en unités plus petites.

Portabilité : facile à transporter.

Fongibilité : chaque unité a une valeur égale aux autres (une pièce dans mon portefeuille a la même valeur qu’une pièce dans le vôtre).

Réserve de valeur : conserve son pouvoir d’achat sur de longues périodes.

Voilà pourquoi l’euro ou le dollar ne sont plus des monnaies : ce dernier point leur fait défaut. Ils ne peuvent plus servir à stocker de la valeur dans le temps.

Donc, tout comme l’or, l’argent-métal est logiquement utilisé aujourd’hui comme outil de préservation du patrimoine, voire comme investissement.

Mais pas uniquement, car l’argent-métal est une matière première qui se retrouve dans de nombreuses applications industrielles. Rappelons que l’or est aussi utilisé dans l’industrie, mais beaucoup moins que l’argent.

L’argent-métal dans l’industrie

Nous pourrions dire que l’argent bénéficie du meilleur des deux mondes : investissement et industrie.

Une demande en qualité de valeur refuge (comme l’or) et une demande industrielle beaucoup plus importante que pour l’or.

L’argent est un composant essentiel dans de nombreux secteurs industriels et ses propriétés uniques le rendent presque impossible à remplacer.

L’argent-métal se retrouve dans les ordinateurs, les téléphones portables, les automobiles, les panneaux solaires…

La consommation d’argent dans l’industrie photovoltaïque devrait atteindre 98 Moz (millions d’onces) cette année, et constitue actuellement la plus grande partie de la demande mondiale industrielle : 40 Moz en 2010, 80 Moz en 2018…

Avec le déploiement de la 5G dans les années à venir, le rôle de l’argent dans les applications électroniques utilisées devrait augmenter considérablement pour atteindre environ 16 Moz d’ici 2025, soit une augmentation de 206% par rapport à aujourd’hui (7,5 Moz).

L’industrie automobile devrait consommer près de 90 Moz d’argent par an d’ici 2025. Et les véhicules électriques devraient représenter 49% de la consommation totale d’argent-métal par le secteur.

Des millions de purificateurs d’eau contiennent de l’argent. L’eau recouvre 72% des 509 millions de km2 de la surface du globe. On estime son volume à environ 1 400 millions de km3. Cela représente un cube de plus de 1 000 km de côté. L’eau de la planète bleue est à 97,2% salée. L’eau douce représente 2,8% de l’eau totale du globe. Dans ce faible pourcentage, les glaces polaires représentent 2,1% et l’eau douce disponible 0,7%.

L’or bleu est un enjeu majeur pour l’avenir… et l’argent-métal a un grand rôle à jouer en la matière !

L’offre et la demande d’argent-métal : une bombe à retardement

Sur le graphique ci-dessous, nous constatons que la production minière mondiale baisse depuis quatre années consécutives.

En 2020, le Covid-19 a aggravé la situation puisque l’économie était à l’arrêt.

Source : Silver Institute

Les prévisions pour 2021 sont évidemment à la hausse, mais il n’y a pas de quoi se réjouir – et surtout, ce ne sont que des prévisions…

En effet, le stock mondial d’argent-métal fond comme neige au soleil !

Et là, nous pouvons parler d’une tendance lourde qui s’installe.

Les mines d’argent sont confrontées à d’énormes problèmes liés à la baisse des teneurs en minerai. Par ailleurs, les « capacités » des mines d’argent, c’est-à-dire les projets de développement censés découvrir de nouveaux gisements, sont passées de 35 Moz en 2013 à 6 Moz environ en 2019.

Cela signifie qu’il faut compter sur les autres mines pour produire de l’argent-métal.

Seuls 30% environ de l’argent-métal proviennent de mines d’argent, les 70% restants provenant de mines qui extraient d’autres métaux, tels que le cuivre, le plomb, le zinc et l’or.

Source : Statista

Et même si le prix de l’argent-métal augmente, ces mines ne vont pas forcément augmenter leur production d’argent, car cela ne constitue pas leur principale source de revenus.

Cela compense juste les coûts de production de leur métal principal.

Outre la production minière qui diminue, l’argent-métal est très peu recyclé. En 2020, seuls 18,6% de l’offre d’argent-métal provient du recyclage (surtout de l’industrie). En comparaison, l’or recyclé représente 27,8% de l’offre totale en 2020.

Voilà qui peut nous laisser penser que le déclin de l’offre d’argent-métal est structurel… et cela a de profondes implications, comme nous le verrons demain.


[NDLR : Retrouvez plus d’analyses et de recommandations de Vincent Denis sur son site, www.goldconsulting.be]

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